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4,01

sur 4477 notes
Pour moi, ce livre est l'un des plus grands romans d'amour du XXème siècle. Je l'ai lu en état de transe, en écoutant les concertos de Bach joués par Maria Joao Pires, et chaque fois que j'entends ces airs, je reviens à la lecture de l'histoire mouvementée de ces êtres, Ariane et Solal, à la fois si lumineux et si maladroits. Un souvenir intense, une langue étrange et fluide, un bonheur de lecture jamais encore égalé, qui me donne bien des difficultés aujourd'hui, plus de 40 ans après, à aborder un roman d'amour ... pour moi, le plus souvent, nécessairement médiocre.
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Le livre référencé comme étant "le plus grand roman d'amour" est une escroquerie absolue !
Deux tentatives dans ma vie, deux échecs... forcément !
Il faut savoir, avant toute chose, que Cohen ne s'est pas foulé un doigt à écrire son pavé, n'a pas déversé des litres d'encre, il a dicté son délire à une personne qui dactylographiait.
Courageux le type, hein !
Vu ainsi, ça casse un peu le mythe, soliloquer durant des heures sans rien n'avoir d'autres à faire, même pas reformuler ! (Que de répétitions !).

Ses personnages sont ennuyeux à mourir, déplaisants, imbuvables.
En outre, il dépeint sans cesse la bourgeoisie qu'il exècre, ce qui en serait presque comique, n'est-ce pas...

Quelle hypocrisie constante sous couvert d'un humour corrosif, c'est nauséabond à moins d'aimer le fiel !
Et il y a tellement, mais tellement mieux à faire dans la vie que de perdre son temps dans le caustique, d'autres s'y complaisent constamment en nommant cela "humour fin". Je l'ai donc abandonné ou plutôt j'ai du par force sauter des dizaines et des dizaines de pages.

Tous les goûts étant dans la nature, et puisque nous pouvons encore faire part des nôtres sans se faire réellement tuer, alors je dépose cet avis, qui n'est qu'un avis au milieu de tant d'autres.

Vite, reprendre tant que c'est encore possible, une autre lecture apaisante, belle, et intéressante, là c'est un besoin après une presque foulure des poignets à tenter de le tenir droit alors que soit mon esprit voguait ailleurs, soit je m'agaçais, il pèse son poids le bougre, en plus du reste !...


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"Belle-du-Seigneur" est un roman désespéré et jouissif : Albert Cohen a voulu, avec beaucoup de brio, démontrer que l'amour passion qui ne veut vivre que de lui-même et ne s'alimenter qu'à sa propre flamme, n'est pas viable.
Ariane et Solal, épris d'absolu, s'isolent de la vie sociale et périssent d'inanition empêtrés dans leur bel amour réduit en peau de chagrin.
L'homme est un animal, et tout excès dans la recherche de l'idéal devient fanatisme et entraîne la mort, symbolique ou réelle.

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour l'auteur qui a dédié son livre à sa femme, la réponse est non.

Peut-être se trouvera-t-il quelques lecteurs pour penser que oui, malgré tout ?

"Belle-du-Seigneur" est un roman addictif : à peine l'a-t-on terminé qu'il vous manque déjà.
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Lire ce roman, c'est s'attaquer à un mythe, le livre aux 1000 louanges, le Grand roman d'amour. C'est vrai qu'il y a une force indéniable dans cet amour, dans ce couple , une magie des mots qui opère au fils des pages . L'auteur maîtrise le grand art de la description, toutes les émotions, les couleurs des sentiments, des gestes, y sont décrits avec profondeur . La folie de Solal décrite sur des pages et des pages en est le parfait exemple.
Cependant que ce livre est long et s'étire sur 850 pages, on s'y perd, on s'ennuie parfois (d'ailleurs je l'ai abandonné un temps, lasse des minauderies de l'une, de l'ennui féroce de l'autre...... 200 pages de moins n'auraient pas été un crime.....). On passe doucement d'une vie bourgeoise, bien tracée,bien rangée, pleine de protocoles et de collets-montés bienséants, à la passion dévorante et exclusive de l'un pour l'autre, puis la folie destructrice jusqu'au dénouement ultime. J'ai eu du mal à "croire" à la passion de Solal pour Ariane, lui qui se défend qu'on ne l'aime que pour sa beauté , succombe à cette beauté raffinée comme à un amour de jeunesse, pourtant quel séducteur il est, hommes comme femmes sont sous son charme. Car il beau cet homme, grand, les dents parfaites, il est …..solaire !
J'ai aimé le fond politique de l'oeuvre, les années 1930, la Société des Nations où on scribouille bien inutilement tandis que gronde la menace nazie, Solal , juif, rejeté comme tel malgré sa position sociale . Mais ce fond menaçant est juste une note dissonante dans ce sublime amour, dans cette vie de luxe, de la Suisse à la côte d'azur. Car ils ont bien la vie facile , ces deux là....La fin est sublime (bien que triste, hein, non ils ne se marient pas et ont beaucoup d'enfants....) et m'a réconciliée avec ce roman. Après l'acmé de l'amour et du plaisir, la douce chute vers la folie et la déchéance...
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Chère lectrice, cher lecteur,

Beaucoup de littéraires ont analysé Belle du Seigneur. Pour certains, ce roman serait un livre sur l'échec de l'amour, pour d'autres, ce dernier serait «le chef-d'oeuvre de la littérature amoureuse». Pour ma part, je dois vous dire d'emblée que Belle du Seigneur n'est pas un roman d'amour, mais il m'apparaît comme étant le roman de l'Amour, même s'il est empreint de paradoxes, de dualités (désir-répulsion ou encore passion-ennui). Je vais tenter de vous en parler, car je dois admettre que c'est presque un sacrilège pour moi de traiter d'un roman si beau, si magnifique, car j'ai peur de l'abîmer par mes propos. Grâce à ma lecture de Belle du Seigneur, j'ai découvert ma cathédrale littéraire de l'Amour… Pour vous entretenir de ce livre, je vais aborder brièvement l'écriture sublime de Cohen et l'amour qui est le thème central de ce récit à travers le couple Solal-Ariane.

Résumé du roman

Le roman débute le 1ermai 1935. Solal déclare alors à Ariane son amour. Cette dernière le rejette, car elle a peur de lui. Ensuite, Solal fera tout pour la conquérir et il réussit. Solal, Juif, séducteur, riche, fils d'un rabbin, assume les fonctions de sous-secrétaire général pour la Société des Nations. D'ailleurs, il est le responsable hiérarchique de l'époux d'Ariane. Ariane d'Auble est l'épouse d'Adrien Deume. Ariane est issue d'une famille noble de Genève et très jeune, elle perd ses parents et elle sera élevée par sa tante dans la religion protestante. Ariane, en quittant son mari pour s'enfuir avec son amant, rompt avec les conventions sociales. Solal vient de perdre son emploi et sa nationalité française, car il a tenté d'intervenir pour la défense des Juifs allemands. le couple s'installe dans un hôtel luxueux sur la Côté d'Azur, puis dans une maison «La Belle de Mai» (nom qui fait référence au début du roman) pour vivre leur amour. Ils s'y consacrent entièrement, passionnément. Solal finit par se lasser, car il vit avec sa belle dans la solitude. Leur passion peu à peu se désagrège. Les deux amants se donnent la mort au Ritz, à Genève, le 9 septembre 1936.

Écriture d'Albert Cohen

Je ne peux traiter de ce livre sans soulever le travail de l'écrivain. Albert Cohen publie son roman en 1968 alors qu'il est âgé de 70 ans (il aurait amorcé l'écriture dans les années 30). Et quel roman! Un roman de 1100 pages pour l'édition Folio et il s'avère le plus vendu de la collection Blanche chez Gallimard. le lecteur aurait pu croire que la plume de l'auteur serait fatiguée, lente. Il n'en est rien. La structure de ses phrases ouvre la porte au lecteur à un imaginaire fou, frôlant l'incantation et le divin en raison, entre autres, des monologues présentés sans ponctuation et ils ne sont pas découpés en paragraphes comme le sont les autres chapitres. le lecteur est amené en terrain inconnu dans l'esprit, par exemple, de Solal, personnage masculin principal; Solal le magnifique, le Juif qui n'a pas réussi à sauver son peuple afin que la France accueille des Juifs d'Allemagne avant la Deuxième Guerre mondiale, Solal l'amoureux, l'humaniste, l'intellectuel, le jaloux, déroute le lecteur par le biais du tourbillon d'émotions dans lequel il l'entraîne. En adoptant le procédé du monologue, Cohen met directement son personnage en action dans le discours. Voici un extrait pour vous illustrer mes dires:


“oui mon amour je t'aime toujours plus et en moi-même je te le crie pendant que tu couds gentiment les ourlets que j'ai défaits pour te donner un intérêt à vivre je te chéris pendant que tu couds en aspirant un peu de salive comme les couseuses attentives je chéris ta respiration régulière pendant que tu couds je chéris ton visage paisible et modeste pendant que tu couds ton visage si bon qu'il me rend bon et écolier tiens un borborygme tout de même tant pis je l'accepte et même je l'honore et je lui souris puisqu'il vient de toi ma couseuse je regarde avec amour le doigt que tu mouilles pour tordre le fil pour l'amenuiser le passer à travers l'aiguille avec amour tes yeux clignés ta bouche sagement pincée qui suit la cursive aiguille avec amour (p. 1010)”

Par ailleurs, Roland Barthes dans son essai Fragments d'un discours amoureux mentionne dès la première page au point 1-Figures à propos du discours :


“Dis-cursus, c'est, originellement, l'action de courir çà et là, ce sont des allées et venues, des «démarches», des «intrigues». L'amoureux ne cesse en effet de courir dans sa tête, d'entreprendre de nouvelles démarches et d'intriguer contre lui-même. Son discours n'existe jamais que par bouffées de langage, qui lui viennent au gré des circonstances infimes, aléatoires.

On peut appeler ces bris de discours des figures. le mot ne doit pas s'entendre au sens rhétorique, mais plutôt au sens gymnastique ou chorégraphique; bref, au sens grec σχῆυχ, ce n'est pas le «schéma»; c'est, d'une façon bien plus vivante, le geste du corps saisi en action, et non pas contemplé au repos : le corps des athlètes, des orateurs, des statues : ce qu'il est possible d'immobiliser du corps tendu. Ainsi l'amoureux en proie à ses figures : il se démène dans un sport un peu fou, il se dépense, comme l'athlète; il phrase comme l'orateur; il est saisi, sidéré dans un rôle, comme une statue. La figure, c'est l'amoureux au travail. (p. 7-8).”

À cet égard, le lecteur est amené dans le discours de l'Amoureux en étant avec ce dernier cette figure de l'Amour. Ainsi, Cohen réussit à rendre bien plus vivant le sentiment amoureux pour le plus grand plaisir du lecteur. Il le place en action dans ce dernier.

De plus, l'écriture de Cohen s'avère empreinte de poésie, de lyrisme pour exprimer le sentiment amoureux. le jeu métaphorique a tout pour satisfaire la lectrice que je suis, me faire vibrer grâce à la puissance des mots évoquant l'Amour. Par exemple, lorsque Solal décrit le sentiment qui l'habite à Ariane lors de sa première déclaration :


“-Les autres mettent des semaines et des mois pour arriver à aimer, et à aimer peu, et il leur faut des entretiens et des goûts communs et des cristallisations. Moi, ce fut le temps d'un battement de paupières. Dites-moi fou, mais croyez-moi. Un battement de ses paupières, et elle me regarda sans me voir, et ce fut la gloire et le printemps et le soleil et la mer tiède et sa transparence près du rivage et ma jeunesse revenue, et le monde était né, et je sus que personne avant elle, ni Adrienne, ni Aude, ni Isolde, ni les autres de ma splendeur et jeunesse, toutes d'elle annonciatrices et servantes. Oui, personne avant elle, personne après elle, je le jure sur la sainte Loi que je baise lorsque solennelle à la synagogue devant moi elle passe, d'ors et de velours vêtue, saints commandements de ce Dieu en qui je ne crois pas mais que je révère, follement fier de mon Dieu, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, et je frissonne en mes os lorsque j'entends Son nom et Ses paroles. (p. 48).”

C'est comme si Solal faisait l'Amour à Ariane grâce à ses mots. Ses dires remplacent ses doigts pour conquérir sa belle. Il se met aussi au monde dans cette envolée lyrique empreinte du romantisme le plus pur. D'ailleurs, c'est ce qu'il tente de faire, car il est déguisé en vieux bossu laid. Il veut qu'Ariane se laisse séduire par ses paroles et non parce qu'il est beau. Il semble instituer son code de l'Amour qui doit transcender le corps pour faire chair le verbe aimer. Il s'approprie ce verbe, le met au monde, le rend divin. Dieu s'est fait chair dans cet Amour.


“[…] car je l'aime comme nul autre ne saura, et pourquoi ne m'aimerait-elle pas, celle qui peut d'amour aimer un crapaud, et elle m'aimera, m'aimera, m'aimera, la non-pareille m'aimera, et chaque soir j'attendrai tellement l'heure de la revoir et je me ferai beau pour lui plaire, et je me baignerai, […] ô merveille lorsque je serai devant elle, ô son regard, ô notre amour, et elle s'inclinera sur ma main, paysanne devenue, ô merveille de son baiser sur ma main, et elle relèvera la tête et nos regards s'aimeront et nous sourirons de tant nous aimer, toi et moi, et gloire à Dieu (p. 5o-51).”

Le lecteur est en ce sens témoin de l'interprétation du sentiment qui habite l'Amoureux. Solal semble s'approprier le rôle du Prête judaïque de l'Amour. D'ailleurs, Ariane l'appellera Seigneur, elle qui est élevée dans la religion protestante. Mais encore, Solal sera rejeté par sa belle…d'où son drame….son paradoxe amoureux.

Comme il lui dit :


“Mais d'abord, femelle, écoute! Femelle, je te traiterai en femelle, et c'est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. À notre prochaine rencontre, et ce sera bientôt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour, et ainsi vengerai-je les vieux et les laids, et tous les naïfs qui ne savent pas vous séduire, et tu partiras avec moi, extasiée. Et les yeux frits! En attendant, reste avec ton Deume jusqu'à ce qu'il me plaise de te siffler comme une chienne! (p. 52-53)”

Solal-Ariane

Pour aborder le couple Solal-Ariane, il faut comprendre l'importance de cette rencontre. Ariane n'a aucune idée du projet amoureux dans lequel Solal veut l'embarquer. Elle ne comprend pas ce dernier; il lui fait peur. Elle le repousse. D'ailleurs, pour Solal, c'est la fin de cet amour idéal qu'il lui offrait. Ariane deviendra alors l'objet à posséder, à aimer qui ne fait plus appel au divin, mais au corps, donc, inévitablement à la mort. le lecteur est en ce sens confronté aux pulsions de vie, aux pulsions de mort. Tout le reste de ce roman présentera cette fusion d'Éros et de Thanatos. le lien s'établissant entre les deux protagonistes sera basé sur une recherche inconsciente de la mort. La référence à Anna Karénine de Tolstoï dans le récit s'avère alors porteuse de sens. Ou encore, comme le stipule Solal pour illustrer l'érotisation de la mort :


“Possédée et sous lui, elle l'entourait et le serrait fort de ses bras et de ses cuisses repliées qui le sanglaient aux reins, et il avait peur d'être ainsi maintenu et harnaché, peur de cette inconnue sous lui en grand égarement magique, absente d'elle-même, prophétesse en mal sacré d'orgasme, le regardant soudain avec un sourire religieux sourire de folle qui le voulait tout, dangereusement voulait tout de lui, voulait sa force et s'en nourrir, l'aspirait, aimant vampire, voulait le garder dans le monde obscur.

Apaisée et revenue au langage, mais toujours le gardant en elle, et en elle le serrant, elle parla tout bas. Aimé, toujours ensemble, toujours nous aimer, c'est ce que je veux, dit-elle avec son sourire de folle, et il frissonna, captif d'elle qui le serrait (p. 796).”

À plusieurs endroits dans le récit, il est démontré à quel point Solal est obsédé par la décrépitude du corps et par la mort. le couple apparaît magnifique dans cette recherche obsessionnelle de l'amour et de la mort. Ils sont condamnés à s'aimer éternellement dans le présent dans ce «cachot d'un grand amour» (p. 934). Ce récit cherche à dénoncer le romantisme par divers moyens, mais en même temps, les deux protagonistes ne cessent de renouveler leur passion pour que cette dernière soit éternelle, avec une force qui frise l'intolérable. Je pense aux endroits où Solal est jaloux, violent, méchant après qu'Ariane lui avait avoué qu'elle avait eu un amant avant lui. C'est pourquoi au départ, j'ai mentionné le désir et la répulsion d'aimer.

À la toute fin, Ariane survalorise l'amour et la mort avant de boire le liquide qui l'emportera à tout jamais dans l'au-delà. C'est elle qui offrira à son Aimé le verre contenant les cachets qu'il devra boire lui-aussi pour rejoindre l'absolu. Ainsi, leur amour vrai sera éternel.


“Alors, il lui ferma les yeux, et il se leva, et il la prit dans ses bras, lourde et abandonnée, et il alla à travers la chambre, la portant, contre lui la serrant et de tout son amour la berçant, berçant et contemplant, muette et calme, l'amoureuse qui avait tant donné ses lèvres, tant laissé de fervents billets au petit matin, berçant et contemplant, souveraine et blanche, la naïve des rendez-vous à l'étoile polaire. (p. 1110)”

Je pourrais encore poursuivre longtemps pour vous présenter de magnifiques citations tirées de ce roman que j'ai adoré. Je vous conseille de plonger dans ce dernier et de vous laisser aller dans cette histoire unique et de vivre avec Solal et Ariane ce voyage au pays de l'Amour. Il va falloir que je change mon À propos, car ce roman doit faire partie des livres que j'apporterais sur une île déserte. Il est à noter également que l'auteur emploie l'ironie pour peindre la famille Deume et la bourgeoisie. J'ai trouvé certains passages très drôles. Deume me faisait penser à un personnage tributaire de l'univers de Jane Austen.

Je tiens aussi à remercier Topobiblioteca qui a si gentiment accepté de faire cette lecture en commun. Nous nous sommes accompagnées au fil des chapitres. Je dois dire qu'elle m'a sans aucun doute donné le courage de le débuter. C'est une belle brique que nous venons de lire! Je recommencerais demain, si c'était à refaire.

J'espère que vous avez apprécié mon billet qui aurait pu être beaucoup plus long.

Avez-vous lu Belle du Seigneur? Qu'avez-vous pensé de ce récit?

Bien à vous,

Madame lit

Références :

BARTHES, Roland, Fragments d'un discours amoureux, Paris, Éditions du Seuil, collection « Tel Quel « , 1977, 280 p.

COHEN, Albert, Belle du Seigneur, Saint-Amand, Gallimard, collection Folio, 2007 [1968], 1109 p.

https://madamelit.wordpress.com/2015/11/29/madame-lit-son-billet-du-roman-de-lamour/



Lien : https://madamelit.wordpress...
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Énorme déception.
Je n'ai pas d'autre mot. C'est une déception.
J'ai commencé par aimer ce livre, j'aimais le style, les descriptions, les personnages, ces nouveaux riches, dont l'auteur se moque.
Et puis sont venues les pages sans ponctuations, dans lesquelles ça part dans tous les sens, ça n'a plus ni queue ni tête, on ne voit pas où on va, écrire pour écrire.
Et j'ai lâché quand Solal a décidé d'expliquer à Ariane comment il comptait la séduire : des pages, et des pages, et des pages de descriptions, de pensées peu claires, pas construites, sans début ni fin de phrases.
Bref, je suis vraiment perdue. Je pensais me régaler en voyant toutes ces critiques dithyrambiques... Il n'en fut rien, je le regrette.
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C'est tellement difficile de parler de ce livre !

Voilà des années que je voulais, sur les conseils de plusieurs "fans", m'attaquer à ce monument...
C'est chose faite, et je n'en retire ni gloire ni satisfaction tant l'entreprise fut longue et douloureuse...
C'est extrêmement frustrant, car certains passages du récit sont vraiment incroyables : à la fois beaux et malsains, remplis de poésie mais aussi de mal-être et d'une misogynie latente, ces passages m'ont fait me cramponner au livre, incapable de le lâcher.
Mais autour de ces quelques 300 pages dingues, que c'est long ! On se perd dans des délires intimes sur les 800 autres pages et on peine à avancer dans le récit...

L'écriture est superbe, je comprends l'engouement général qu'il peut y avoir autour de ce roman et de cette histoire d'amour grandiose et tragique, mais c'est une expérience de lecture difficile !
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L'histoire : celle de la passion entre Ariane, jeune femme à l'imagination débordante mariée à un mari sans intérêt et Solal, beau et brillant séducteur.

Du coup de foudre à la fin tragique, la lente et inévitable désagrégation de la passion est parfaitement traitée dans ce chef d'oeuvre de la littérature au style aussi flamboyant que ses personnages.

Albert Cohen, évoqué pour le Prix Nobel de Littérature, l'aurait mérité ne serait-ce que pour ce roman à l'ironie un peu amère, qui traite du sujet le plus commun de la littérature avec une originalité folle et un réalisme éclatants de vérité.

S'il ne devait rester qu'un seul roman d'amour, ce serait celui-ci.
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1100 pages sur une histoire d'amour et vous allez me faire croire que c'est intéressant ?
Oui, tout à fait, oui.

Au début déstabilisée par l'écriture, volontairement descriptive, volontairement surprenante, se focalisant sur des détails qui me sidéraient par leur inutilité, mettant en avant le ridicule de ses personnages… j'ai été séduite.

Car ce n'est pas qu'un roman d'amour. C'est aussi une fresque sociale, c'est aussi Adrien Deume, époux d'Ariane et fonctionnaire, petite créature insignifiante et persuadée de sa propre importance, plus que désireux de grimper les échelons, plus que jaloux de ceux qui montent en grade, plus qu'amoureux de ceux qui pourraient faciliter son ascension sociale. Grand allergique du travail et fier de l'être, convaincu d'être quelqu'un de bien et d'intègre, aveugle au mal-être de sa femme, aveugle à tout ce qui ne touche pas à sa carrière, voilà qui est Adrien Deume. À travers lui, c'est la Société des Nations que l'on voit – cette société de requins supposée oeuvrer pour le bien.

Belle du Seigneur, c'est aussi la famille des Solal. Famille juive de très vieille souche, représentée par le fameux Solal, héros de ce roman (qui s'appelle donc Solal des Solal, de ses prénom et nom. Qu'est-ce que cette bêtise ? C'est ainsi que s'appellent les aînés de la branche aînée), Saltiel, l'oncle pingre et intéressé, Mangeclous, le cousin pingre et intéressé, Malathier et Michaël, deux autres cousins pingres et intéressés, et Salomon, encore trop jeune pour posséder ces attributs. Albert Cohen dresse un portrait bien cliché des Juifs, mâtiné d'humour noir, de monologues grandiloquents et de dérision.
L'auteur se moque de tous ses personnages, leur fait tenir un discours ridicule parce que souvent stupide et cruel. La bêtise humaine est dévoilée dans toute sa laideur : « Mariette ne peut pas venir parce qu'elle est au chevet de sa soeur atteinte de tuberculose. Ces domestiques, franchement ! On ne peut jamais compter sur eux ! Qui s'occupera de nous ? La charité chrétienne a totalement disparu ! »
Car c'est bien de l'humanité dont on parle. Des relations de couple, du mariage, des différents « miyeux » sociaux (depuis les petites gens au parler accentué jusqu'aux plus grands, en passant par les moyens qui se battent pour s'attirer les bonnes grâces des puissants), des sociétés multinationales qui, sous couvert d'instaurer la paix, ne savent pas où elles vont parce qu'elles sont composées d'incompétents. Puérile virilité, quand tu ne tiens qu'au compte en banque…

Solal et Ariane sont différents de ce « miyeu » qu'ils fréquentent. Tous deux sont des êtres mélancoliques et romantiques que l'argent n'attire guère (puisqu'ils n'en ont jamais manqué). Immédiatement captivé par cette jeune beauté qu'il aperçoit à une réception, Solal décide de la séduire, mais pas de manière conventionnelle. Après s'être introduit dans ses appartements, il se présente à elle, déguisé en vieillard édenté, et lui fait la plus belle déclaration de toute la littérature. Elle le repousse, évidemment, et c'est alors qu'il ôte son déguisement et se moque d'elle. « Femelle, je te traiterai en femelle, et c'est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. À notre prochaine rencontre, et ce sera bientôt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour, et ainsi vengerai-je les vieux et les laids, et tous les naïfs qui ne savent pas vous séduire, et tu partiras avec moi, extasiée et les yeux frits ! En attendant, reste avec ton Deume jusqu'à ce qu'il me plaise de te siffler comme une chienne ! »
Le plus drôle ?
Il tient parole.

Mais Belle du Seigneur, c'est aussi l'après coup de foudre. Après les premiers beaux mois de la passion. L'amour jusqu'à l'écoeurement, jusqu'au non-sens, jusqu'à la stupidité. Ce moment où une vie d'absolu devient aussi inconfortable qu'un vêtement de laine de verre. La passion ne nourrit pas. La passion n'enrichit pas. Vivre sur une île déserte avec une seule personne, c'est la mort sociale. La mort tout court.
Au début sympathiques, étranges, surprenants (Solal ! Cet être romantique et torturé !), les deux héros finissent par perdre en charme à force de vouloir se plaire. La perfection se doit d'être éternelle : maquillage, lumière, cadre, vêtements, rien ne doit déplaire à l'aimé. Il faut conserver sa dignité jusqu'au bout – jusqu'au ridicule. Dans leur relation, tout n'est que fausseté, tout n'est qu'apparence. Ariane veille à chaque détail. Refuse de se moucher devant Solal, dépense des sommes folles en robes d'un soir, fait installer deux cabinets pour qu'on n'entende pas la chasse d'eau – pour même qu'on ne sache pas que l'autre ait un corps qui fonctionne –, traque la lumière qui la mettra le plus en valeur, parle dos à son bien-aimé pour qu'il ne la voit pas autrement que poudrée…

Mais Belle du Seigneur, c'est aussi et surtout les sentiments ambivalents que j'ai éprouvé pour chaque personnage. Tour à tour, je les ai méprisés, plains, appréciés ou détestés (à l'exception de Mme Deume, systématiquement haïssable). Même Solal – beau, énigmatique psychopathe. J'ai même fini par aimer Adrien en dépit de mon mépris.
Albert Cohen est un virtuose pour savoir si bien jouer avec nos émotions.
Et l'écriture, l'écriture bon sang ! Ce vocabulaire si recherché, ces tournures si travaillées ! Un régal ! J'ai appris une bonne quarantaine de mots. D'ailleurs il m'a jetée dans la confusion plus d'une fois en choisissant de consacrer des paragraphes entiers aux pensées de ses personnages, sans aucune ponctuation. Ces chapitres, souvent sans queue ni tête, passent d'une pensée à l'autre, sont difficiles à entamer mais fascinants à lire.
Et toutes ces thématiques traitées ! Ces réflexions sur l'amour et la mort, intimement mêlés au travers de Solal, sur le hasard des sentiments (si j'avais perdu mes deux dents de devant, m'aurait-elle aimé comme elle m'aime maintenant ? Deux dents, ça pèse quoi, six grammes ? Eh bien, ses sentiments ne pèsent que six grammes...), sur le peuple Juif (qu'Albert Cohen décrie, tourne en dérision, mais aime tout en même temps), sur la beauté (forcément passagère), sur l'hypocrisie...

Impossible de parler de tout le roman en une seule chronique. C'est une oeuvre tellement riche, tellement condensée qu'il faudrait des heures pour tout aborder.
Un peu trop riche, même : j'ai sauté certains passages qui s'éternisaient – notamment les pensées d'Ariane. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas mis la note maximale – la seule. L'unique.
Tout le reste était scandaleusement délicieux.
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Qu'écrire en quelques lignes à propos d'un tel chef-d'oeuvre ? Dire que le style de Cohen, charnel, puissant, iconoclaste, biblique, dérisoire, épique, tragique, absurde, foisonnant, luxuriant, inscrit Belle du Seigneur au sommet de l'expérience littéraire et bien plus que cela, de l'expérience humaine. Il y a dans cet amas de papier plus d'humanité que dans les corps qui se meuvent sans cesse devant nos yeux. Belle du Seigneur, roman d'amour, roman de la solitude, roman du social, roman juif, roman comique, roman tragique, tout y est. Les personnages sont d'une richesse infinie, Solal, le matérialiste, l'amoureux forcené, le lucide, le juif errant, le jaloux, le fou, le sous-bouffon déchu, le solitaire, le Don Juan tragique, le tendre, le violent, Ariane, la pudique, l'effrontée, la soumise, l'amoureuse absolue, la religieuse, le corps jubilant puis maudit, la naïve, Adrien Deume, idiot attendrissant, son père zozotant et sa mère grotesque, les Valeureux, ridicules, sérieux, à mourir de rire, Mariette, délicieusement populaire. Mais les personnages ne sont rien. Tout est langage, fête et tragédie du langage, discours intérieurs interminables et géniaux, non-dits qui laissent le couple infernal glisser toujours plus bas, jusqu'à la mort, présente tout au long d'un roman qui mêle avec une force incroyable l'amour et la mort, le corps et l'esprit, tension constante de la passion amoureuse, tentative illusoire et nécessaire d'élever le corps au niveau de l'esprit, même si l'on sait, même si Solal, le lucide, sait que l'esprit n'existe pas, qu'il n'y a que le corps, malgré Dieu, fantôme aimé. Belle du Seigneur est une Bible, un monument vivant, une fresque éveillée, colorée, sans cesse mouvante, entraînant l'esprit du lecteur au plus profond de lui-même, au coeur de ses entrailles, de ses passions exaspérées retenues, du grotesque humain et de son sublime, parce que le sublime, c'est le grotesque, que les discours les plus extravagants, celui de Solal le premier soir au Ritz, ceux de Mangeclous, le monologue intérieur de Solal qui regarde sa bien-aimée coudre, les soliloques d'Ariane dans son bain, bien d'autres encore, farces profondes, humour qui frappe au coeur des douleurs les plus intimes, sont les plus beaux, les plus émouvants, ceux qui nous disent la vérité. Belle du Seigneur est aussi le roman de l'attente, Solal attendu par le petit Deume qui se prostitue pour l'illusion de la réussite, les amants qui s'attendent, se retrouvent, se perdent, puis s'enferment dans leur amour comme les juifs s'enfermaient dans les caves, se détruisent mutuellement, pour faire durer une passion impossible et nécessaire, et attendent ce qu'ils ont toujours attendu, la mort, le mythe de l'union éternelle, Roméo et Juliette. L'attente n'aboutit à rien. Tout n'est que théâtre, marionnettes de chair collées l'une à l'autre, puis os jetés aux chiens. Belle du Seigneur fait aimer la vie et haïr la mort. Tout est vanité, discours vides de sens, babouinerie, mais la babouinerie est ce qui fait de l'homme l'animal le plus beau et le plus faible, le plus pitoyable, celui que l'on ne peut qu'aimer avec passion, jusqu'aux extrémités de son être, jusque dans ce qu'il a de plus détestable. Cet amour fou et irrépressible de l'homme, cette passion sans borne d'Ariane et de Solal l'un pour l'autre, est ce qui sauve l'humanité en même temps qu'il est ce qui la détruit. Lire Belle du Seigneur, c'est se sentir plus que jamais humain.
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