La poésie de
René Char révèle beaucoup d'une époque, des influences mais aussi de la personnalité du poète. Aller plus encore à sa rencontre, c'est ce que propose le très bel ouvrage « Pays de
René Char » publié aux éditions Flammarion.
Tout commence par l'évocation de l'enfance à l'Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), de la maison familiale des Névons, du souvenir des parents du poète, de l'enfant solitaire et rêveur, ses premières lectures, ses premiers
poèmes, les rencontres. Et puis il y a tous les lieux que
René Char affectionnait, qu'il aimait parcourir comme une terre naturelle : la plaine de Cavaillon, la vallée de la Durance, les montagnes du Lubéron ou encore les Alpilles.
Le temps passe, Char monte à Paris, il se fait connaître, publie ses écrits et fait la rencontre décisive avec Paul Éluard puis avec les surréalistes.
C'est le retour vers l'Isle-sur-la-Sorgue, lien indéfectible du poète avec sa terre natale. La Seconde Guerre mondiale éclate, c'est le temps de la clandestinité mais surtout de l'engagement dans la Résistance, une période durant laquelle il met son travail d'écrivain entre parenthèses.
Plus tard, il devient un très proche d'
Albert Camus, de Georges Braque,
Victor Brauner, de Nicolas de Staël, d'autres noms du milieu littéraire et des arts.
Le propos du livre est accompagné d'une très belle iconographie, de nombreuses photos de
René Char, de plusieurs manuscrits de ses
poèmes, de ses peintures aussi. Sont également présentes dans le livre de nombreuses lettres que Char a adressé à nombre de ses connaissances, de ses amis.
Au travers des pages, on perçoit ce que fut la personnalité de Char : un homme ouvert sur son époque, engagé, soucieux, sombre parfois, pudique, fort en amitié, protecteur, attaché à ses racines, aux habitants proches devenus plus que des amis (l'agriculteur Louis Curel et son fils Francis, les peintres locaux André Ravaute et Pierre-André Benoît qui illustrèrent quelques-uns de ses recueils, Marcelle Mathieu l'amie fidèle,
Adrienne Monnier qui joua un rôle décisif dans la Résistance,…).
Ce très beau livre écrit par
Marie-Claude Char - qui fut la dernière épouse du grand poète - est vraiment plein d'intérêt. Quelques regrets cependant : les éléments de la vie de
René Char apparaissent sans véritable lien entre eux. Ils sont posés comme des éléments disparates, éloignés les uns des autres qu'il faut resituer dans un contexte qui échappe un peu au lecteur. Autre petite déception : la vie de
René Char, par bien des aspects, aurait mérité d'être approfondie au lieu d'être survolée. Dommage.
Une photo m'a particulièrement touché dans « Pays de
René Char ». Elle a été prise à la Libération dans le village de Céreste dans les Alpes-de-Hautes-Provence (
René Char alias capitaine Alexandre, son nom de chef de Résistance) est assis au milieu d'enfants, de femmes et d'hommes, la plupart se tient debout. Chacun fixe l'objectif de l'appareil photo. Sur tous les visages, on y lit la joie, le soulagement mais aussi la fatigue. Cette photo est d'une infinie beauté : sortie de l'épreuve de la guerre, c'est toute une communauté qui se retrouve, qui reprend le chemin qui était le sien.
René Char au milieu de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants, comme un symbole.
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