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Sorj Chalandon nous soumet un roman âpre, violent, sombre tel un ciel bellilois d'avant l'orage.
Jules Bonneau, personnage fictif, enfant délaissé par sa famille se retrouve à 13 ans, après divers délits, jugé et transféré à la "colonie pénitentiaire pour enfants de Belle-ile".
Il se heurte à un quotidien de brimades et de sévices et se voit affublé d'un surnom "la Teigne".
En août 1934, les "colons" (nom donné aux détenus) se soulèvent, suite à une très sévère correction donné à Camille, protégé de Jules, coupable d'avoir mangé un morceau de fromage avant la soupe.
Cette insurrection débouche sur l'évasion d'une cinquantaine de prisonniers. Les compagnons de fuite sont tous repris. Jules trouve refuge sur un bateau de pêche. Découvert par le patron, mari de l'infirmière du pénitencier, il est recueilli par le couple. Jules, enfin !, entrevoit un peu d'humanité.....
Sorj Chalandon dresse un portrait sans complaisance de la société "bien-pensante" de l'époque, stricte, froide, réactionnaire qui clive avec le milieu plus chaleureux des mariniers où la conscience sociale et l'entraide sont beaucoup plus développées.
Dur mais beau livre.



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Nous sommes en 1934 à Belle-île-en-mer dans le Morbihan. Nous entrons dans une maison de redressement, un centre d'éducation surveillé, une colonie pénitentiaire ou un bagne pour enfants, appelez cet endroit comme vous le voulez, c'est le centre de Haute-Boulogne...
L'adolescent que certains surnomment "la Teigne" est encore mineur et subit depuis des années, comme tous ses camarades, des violences et des humiliations incessantes de la part des gardiens censés les éduquer.
Le soir du 27 août 1934, une révolte éclate après que le jeune Camille Loiseau, qui subit les brimades les plus fortes malgré son jeune âge, et qui a été surnommé "mademoiselle" par les gardiens qui abusent de lui, ait osé manger son fromage avant l'entrée ce qui était formellement interdit. Les adolescents n'en peuvent plus de travailler, d'avoir faim, d'être enfermés au cachot, de subir des maltraitances de toutes sortes et d'être obligés d'obéir dans l'instant, avec la menace toujours bien présente d'être envoyés dans un centre encore plus dur.
Ils sont là parce qu'ils ont simplement volé des fruits ou du pain parce qu'ils avaient faim. La plupart sont orphelins ou ont été abandonnés par leur famille.
Pendant la révolte, beaucoup en profitent pour s'enfuir mais pour aller où, ils sont sur une île et toutes les issues sont surveillées de près. Très vite, une véritable "traque à l'enfant" s'organise car les gendarmes ont offert 20 fr pour chacun des enfants capturé, et même les touristes se sont joints aux recherches car cela représente une belle somme pour l'époque, le prix de 4 miches de pain de 3 kg.
Parmi les 56 enfants du centre qui se sont enfuis, tous seront retrouvés sauf un, Jules Bonneau. C'est l'histoire de ce jeune homme encore mineur au moment des faits que nous raconte l'auteur.
Caché au fin fond d'un bateau de pêche qu'il comptait voler, il va être recueilli par Ronan, le patron, qui au péril de sa famille et de sa vie, va décider de l'intégrer dans son équipage en tant que mousse, en le faisant passer dans un premier temps pour son neveu. Mais il devra avouer la vérité à ses marins, d'autant plus que Sophie, sa femme, n'est rien d'autre que l'infirmière du centre de détention, et qu'elle sait très bien ce que les gardiens font subir quotidiennement aux jeunes.
Jules va devoir apprendre à faire confiance, à laisser derrière lui la violence (la rage !) qui l'habite, à oublier l'abandon de sa mère et le manque d'amour, le rejet de ses grands-parents, la défection de son père...et la vie qu'il a eu jusqu'à présent.

L'auteur s'est inspiré d'une histoire vraie pour écrire son roman, il s'est mis dans la peau de ce jeune homme encore mineur et des personnes croisées sur sa route.
Heureusement, le lecteur comme notre jeune homme au milieu de ces faits de violences gravissimes, va rencontrer de belles personnes, de la générosité et des mains tendues.
L'histoire est révoltante et les propos bouleversants, comment ne pas être en effet touchés en plein coeur par la vie de ses jeunes "délinquants" maltraités, qui déjà qu'ils n'ont jamais connu l'amour d'une famille, doivent subir la violence de ceux qui sont là pour les éduquer et les guider vers l'âge adulte. A la place, ils sont exploités, humiliés et violentés, vivent dans le dénuement le plus total et la faim, et ils sont mis au cachot à la moindre rébellion, parfois suite à un simple regard jugé irrespectueux.
Le lecteur ne peut lâcher le livre tant qu'il n'a pas terminé la dernière phrase, lu la dernière lettre, et l'épilogue. Je vous invite d'ailleurs à ne surtout pas chercher à savoir par avance ce qui adviendra du jeune Jules.
L'auteur qui a lui même vécu une enfance traumatisante (je dois absolument lire son livre intitulé "enfant de salaud" à ce sujet) n'a eu aucun mal à se mettre dans la peau du jeune Jules. Son récit est un cri de révolte qui bouscule le lecteur tant il sent le vécu et le lecteur ne peut que s'attacher à ce jeune homme et aux belles personnes qui vont l'aider à se cacher, à se reconstruire, à desserrer les poings et à tenter de se libérer de son trop plein de rage.
En parallèle, l'auteur replace l'histoire dans le contexte de l'époque, la guerre d'Espagne, la montée du nazisme et des "Croix de feu" en France, la résistance des pêcheurs bretons, la société de l'époque et sa notion de bien et de mal.
Pour info, ce centre a réellement existé et a fermé ses portes en 1977. Avant de devenir une colonie pénitentiaire, on y détenait des Communards, puis ensuite vers 1880, le centre est devenu un centre de détention pour mineur. Les plus jeunes n'avaient que 12 ans. L'auteur s'est sérieusement documenté sur le fonctionnement de ce centre avant d'écrire ce roman.
Jacques Prévert présent sur l'île au moment des faits sera scandalisé par la traque et écrira un poème « La Chasse à l'enfant ».
Marcel Carné en fera un film en 1947...intitulé "La fleur de l'âge" qui restera inachevé.
C'est un livre marquant ! L'auteur a une écriture forte et percutante, à la fois sensible, pudique et tellement juste. Il nous raconte cette histoire qui fait écho à sa propre vie et dont on ne sort pas indemnes, pour que nous n'oubliions pas qu'il n'y a pas si longtemps que cela en France, on résolvait les problèmes d'éducation en enfermant des enfants dans des bagnes.
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Coup de coeur !

A 7 ans, il a volé trois oeufs dans un poulailler. Il avait cinq ans quand sa mère est partie lui laissant comme seul souvenir un ruban en soie grise.
Abandonné par ses parents, ses grands parents n'ont pas su l'accueillir, comme il nous confie.

" À l'école, j'apprenais des chiffres qui ne me servaient à rien. le nom de pays où je n'irais jamais. L'instituteur nous parlait de morale. C'était quoi, la morale ? Laisser le bouillon à un enfant et garder la viande pour soi ? Que faisait-elle pour moi, la morale ? Et l'instruction civique ? Et le « tu aimeras ton prochain comme toi-même », psalmodié par notre curé, j'en faisais quoi ? Il me déteste, mon prochain."

Il a 18 ans et sa famille l'a abandonné. Lui c'est Jules Bonneau, le voilà condamné à la Colonie pénitentiaire maritime de Bell-île en mer.

En avez-vous déjà entendu parler ? Peut être connaissez-vous le poème de Jacques Prévert ...
La Chasse à l'enfant :

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau ......

Au coeur de cette dite colonie disciplinaire, Jules est devenu la Teigne, son nom de guerre.
" Il fallait me craindre ou me respecter " .

Et puis un jour, l'année de ses 20ans, en aout 1934, c'est la grande mutinerie. Terrifiante, d'une rare violence.

Seulement " On ne s'évade pas d'une île " ...

Et pourtant....

Alors celui qui ne croyait plus aux sentiments, se laissera t-il adopter par cette femme et cet homme qui vont lui tendre la main ? Lui tendre la main pour l'aider à desserrer le poing ?

Un coup de coeur ce roman ! Malgré un début difficile. Je me suis laissée véritablement embarquer quand ces jeunes ont prit d'assaut le ciel ! Mon coeur n'a plus cessé de battre follement dès cet instant jusque la dernière page.

Merci à Sorj Chalandon de nous faire revivre ces pages si sombres de notre histoire ..#LEnragé #NetGalleyFrance







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Sur Belle-Île, le saviez-vous ? Il existait une colonie pénitentiaire de mineurs. Ce n'est pas si vieux, moins d'un siècle.
On appelle ça pudiquement une maison de correction. C'est un endroit où des enfants étaient maltraités, mal nourris, torturés et exploités non seulement par l'institution mais aussi par une population qui se réfugiait dans la peur de ces soi-disant criminels. Que leur reprochait-on ? Un vol d'oeuf, d'avoir vagabondé, d'être seuls au monde.
Sorj Chalandon se met dans la peau de l'un d'entre eux et fonde son récit sur des faits malheureusement réels. C'est d'une grande violence. On est dans les années 1930 et en toile de fond se profilent la montée du fascisme et le terreau de la collaboration.
Heureusement, il existe de belles personnes, courageuses et engagées. L'auteur fait la part belle à leurs combats. On a juste envie de les prendre dans ses bras et de les remercier.
Il n'y a pas de manichéisme à reprocher quand il s'agit des enfants.
C'est un roman fort, qui dénonce, dont la colère transpire à chaque phrase. C'est bouleversant.

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1932, centre pénitentiaire de Belle-Île en Haute-Boulogne, Bretagne. Jules Bonneau fait partie des colons. Il est donc l'un de ces enfants prisonniers, suite à un délit commis par le passé. Dans ce centre, les conditions sont épouvantables pour ces jeunes. Devant travailler avec acharnement, et subissant brimades en tout genre, ils rêvent de pouvoir s'évader. C'est ce qu'il va se passer finalement, et Jules sera le seul à ne pas être capturé.

Inutile de tergiverser bien longtemps, ce roman a été un coup de coeur total. Je ressors tout simplement bouleversée par ce récit fort et riche en émotions, qu'il vous faut absolument découvrir.

J'ignorais que ce centre pénitentiaire avait réellement existé. L'auteur part donc de faits réels pour tisser son histoire. J'en suis ressortie profondément émue. L'auteur a un véritable talent de conteur qui mêle à la perfection le côté romancé de l'histoire avec les faits réels, ce qui n'est pas toujours une chose aisée au moment d'écrire un roman.

J'ai suivi avec beaucoup de craintes le parcours de Jules, mais aussi celui de divers autres jeunes prisonniers. Et sans vouloir vous dire quoi que ce soit qui pourrait vous spoiler l'histoire, je peux simplement vous dire que les émotions sont présentes tout au fil des pages.

La plume de l'auteur est d'une grande fluidité. Une fois commencé ce ce roman, j'ai eu beaucoup de mal à en arrêter la lecture. Les sentiments sont décortiqués à la perfection. Grâce à un style vif et acéré, l'auteur réussit à donner une grande densité à son récit.

Un roman d'une grande densité, du début au dénouement. J'en ressors bouleversée. À découvrir sans hésitation.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
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Lecture coeur serré, poings fermés. Enfermée avec le petit Jules Bonneau, La Teigne de son nom de guerre, et sa troupe de bandits, de voyous, de chenapans, à la colonie pénitentiaire maritime et agricole de Belle-Île-en-Mer. Prisonnière d'une maison de redressement destinée à corriger les causes perdues à coups d'insultes, de brimades, de vexations, d'humiliations et autres sévices. L'idée ? Briser des enfants pour que jamais plus ils ne se révoltent. Pour qu'ils deviennent des matelots dociles, des paysans dociles.

Impossible de s'échapper. Pas la moindre chance. L'océan tout autour, à perte de vue. Tous ceux qui s'y sont essayés ont été repris.

Des enfants torturés entre ces murs dès 1880. C'était plus un bagne pour enfants qu'un centre de vacances, la colonie de Belle-Île-en-Mer, mais il faudra plus de cinquante ans avant que l'opinion publique ne commence à s'en offusquer, alertée par le journaliste de "Paris-Soir" Alexis Danan, puis en 1946 par le poème "La chasse à l'enfant" de Jacques Prévert. Et il faudra presque cent ans avant que le centre ne ferme définitivement ses portes, en 1977.

Emprisonnée avec La Teigne, encerclée par le récit de Sorj Chalandon, fouettée par le claquement de ses phrases, sèches, courtes et sonores comme des coups de matraque. Une lueur d'espoir et d'humanité parfois, quelques gentils, comme le garde-champêtre Barnabé. Mais impossible de se laisser aller, il faut rester sur ses gardes : "Les sentiments, c'est un océan, tu t'y noies". Jouer, c'est perdre. Et il est joueur, Jules, c'est un enfant.

Ancien enfant battu lui aussi, Sorj Chalandon s'inspire de son vécu (et de ses lectures) pour donner vie au petit Jules. Jean Valjean, Edmond Dantès, Jacques Vingtras, Brasse-bouillon coulent dans ses veines. Les émotions exprimées, parfois hurlées, sont criantes de réalisme et de vérité. Désespoir, rage, impuissance, instinct de survie et appétit de vivre entremêlés. L'écriture comme moyen de venger ces enfants martyrs et d'extérioriser des souffrances enfouies. La fiction pour expulser la rage.

C'est à partir d'un fait divers survenu en 1934 dans la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer que Sorj Chalandon imagine ce récit qui tient autant du roman historique que du roman d'aventures. Il saura vous tenir en haleine. Chalandon a l'art de jouer avec nos nerfs, de créer une tension permanente, même quand le danger semble s'éloigner, surtout quand il s'éloigne. "Il n'y avait plus de danger". Vrai ? Lecture prudente, à portée de matraque. Lecture en manque d'oxygène, on retient son souffle. On se prend à espérer, on rêve d'une main tendue. On reçoit un coup. Soudain La Teigne refait surface, hargneuse, impulsive, imprévisible.

"l'enragé", c'est un livre que l'on referme la boule au ventre. Colère et tristesse entremêlées.

Lisez-le, enragez-vous !
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A Belle-île en mer existait une colonie pénitentiaire réservée aux enfants.
Leur seule faute n'était parfois que d'être orphelins.
En 1934 ; 56 gamins s'évadent et sont impitoyablement rattrapés et sanctionnés.
Tous sauf un, « La teigne ».
Il réussira miraculeusement à échapper aux poursuivants et sera recueilli par un formidable pêcheur et son épouse.
Mais malgré sa nouvelle vie, sa révolte et la colère engrangée par des années de sordide maltraitance seront ancrées en lui.
C'est poignant, révoltant, éprouvant, prenant.
L'écriture toujours aussi admirable de Sorj Chalandon nous entraîne sur cette île dans les conditions de vie inimaginables de ces pauvre enfants.
J'avais déjà lu des livres sur ce pénitencier, vu en film.
Et là, j'y ai été replongée comme si j'y étais.
Le jeune Jules Bonneau a engrangé tant de violence résultant de traitements tellement atroces.
Introduire Jacques Prévert et son célèbre poème « La chasse à l'enfant » donne à ce roman une force supplémentaire.. 

« Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
…....................
C'est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l'enfant »
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Avant,en 1850,c'était le dépôt de Belle-Île,où étaient enfermés les insurgés parisiens en attente de jugement ou de départ pour la Nouvelle Calédonie.
En 1850,ils s'apellaient : Auguste Blanqui,Armand Barbès.
En 1866,c'est devenu un bagne: une maison centrale de force et de correction.
Ce sont beaucoup de communards qui ont " séjournés" dans ce bagne.
Nous voici en 1934,cette maison de correction a changé de nomination, à présent cela sonne juste et vrai,ça à de l'allure : Colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle -Île -en Mer.
Enfants abandonnés,orphelins,enfants ayant commis un larcin ou autre,et dont le jugement rendu les à envoyé la ,pour purger leur peine jusqu'à leur majorité qui était à cette époque à 21 ans.
Mais ce qui se passe à l'intérieur n'a pas changé. Si les murs ont gardé en mémoire les cris de souffrance des prisonniers ,à présent les murs résonnent des cris de souffrance des enfants..La maltraitance dans ce roman,est dénué de sens par rapport aux actes commis.
Malgré l'âge avancé de certains ,les gardiens ont fait un excellent travail en annihilant tout espoir de révolte chez ces gamins et ados,sauf un: Jules Bonneau qui s'est lui-même donné le surnom de : La Teigne,dont il est fier.
Mais un soir: le 27 août 1934 où un coup de trop ,une brimade de trop tout dérape, la révolte gronde,la violence explose et 56 gamins vont s'insurger et s'évader.
Dès lors ,la chasse à l'enfant est ouverte,c'est bien plus attrayant qu'une chasse aux gibiers,car pour chaque gosse rattrapé,vous touchez 20 francs,car il faut le dire,les habitants sont au courant de certaines pratiques ,mais ferment les yeux ,car pour eux ,sans distinction, c'est de la mauvaise graine ,des délinquants. Et puis c'est de la main d'oeuvre bon marché dans les fermes et les maisons.
55 enfants vont être repris ,sauf un : La Teigne et ....
La suite à vous de la découvrir.
Un livre ouvert à 9 heures du soir et que j' ai fini à minuit ,des larmes plein les yeux,un livre qui me suivra par sa lecture éprouvante, violente ,basée sur des faits réels.Quant à l'écriture, au style M.Sorj Chalandon à fait ses preuves depuis longtemps.
A recommander chaleureusement. ⭐⭐⭐⭐⭐
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Je lis beaucoup, mais cela faisait bien longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à une lecture. J'ai retrouvé mes émotions d'adolescent lorsque je lisais des romans d'aventures. Car l'enragé est bien un roman d'aventures, un genre trop souvent dénigré : beaucoup d'action, multiplication des péripéties violentes, faits inattendus, jeunesse du héros, intérêt dramatique, suspense etc...mais là où il s'en écarte complètement c'est dans la forme.
«  Ce n'est pas l'histoire qui fait un bon roman, c'est le style ; » disait Jean d'Ormesson. Et ici nous en avons une magnifique preuve. D'emblée nous sommes captivés par ce récit, happés par cette histoire magnifiée par un style à la fois simple, sobre, imagé et percutant, un style « coup de poing », à la Chalandon, toujours en parfaite adéquation avec le fond. C'est impressionnant. Jugez-en plutôt à travers ce passage ( le récit d'une bagarre contre les matons dans le réfectoire du centre pénitentiaire ) p.115 : « Jamais je n'avais autant frappé de ma vie. Des hommes, des tables, des roulantes de cuisine, des meubles. Une ivresse. […] Je m'étais emparé d'un trophée. Je ne pensais pas, je ne criais plus. le réfectoire tanguait. Je voyais à peine. Une furie rouge. Mon coeur entier tenait dans mes poings. Mes tempes étaient douloureuses . Je claquais des dents. Je ne courais pas, je dansais. Je grimaçais dans le tumulte. Je tirais une langue de gargouille. Tout était en train de disparaître. Les insultes, les brimades, les vexations, les humiliations, les coups. le froid de l'hiver, la brûlure de l'été, l'odeur de nos corps sales, la faim, les punaises, les poux, la gale. Je nettoyais sept ans de bagne à grande eau. A coups de hargne. J'étais enragé. Je respirais. Je vivais. » Âmes sensibles s'abstenir ! Et tout à l'avenant. C'est âpre, dur, violent.

J'ai aussi beaucoup aimé sentir l'omniprésence de l'auteur derrière le narrateur, presque à chaque ligne. Jules Bonneau, son jeune héros, qui d'enfant battu par son père et abandonné par sa mère passe sept ans de son enfance dans un centre de redressement - un véritable bagne - n'est-ce pas Sorj Chalandon lui-même ou un  « enfant de salaud » qui lui ressemble comme un frère ? Il suffit d'avoir lu quelques un de ses précédents romans, de l'avoir écouté lors d'une conférence pour s'en convaincre. «  J'étais un enfant battu. Mon père brandissait sans cesse la menace, soit de la maison de correction, soit de la maison de redressement. C'était une menace constante pour moi ». Tout comme Jules l'enragé, Sorj a la rage en lui, c'est un écorché vif . Raconter cette évasion de la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer en 1934 est pour lui, une façon de tenter, par l'écriture, d'exorciser les vieux démons qui sont toujours en lui et dont il n'arrive pas à se défaire. C'est du moins comme cela que je le ressens.
L'humanisme dont l'auteur a toujours fait preuve dans son oeuvre s'incarne ici par ce couple de pêcheurs, Ronan et Sophie, qui par l'amour qu'ils témoignent à Jules vont tenter d'infléchir son destin de voyou. Mais si leur générosité, et leur fraternité atténuent sa souffrance intérieure, elles ne parviennent pas à effacer toute la violence subie tout au long de sa courte vie. A travers son héros, il s'écrit lui-même nous parlant de ses larmes et ses pleurs, de sa rage, de sa haine, de ses angoisses.
Et il n'est pas indifférent de constater que Sorj va « tuer » Jules, son double, son semblable, son frère, le faire fusiller par les Allemands comme s'il voulait par là en finir définitivement avec les traumatismes qui ont ravagé son enfance et son inaptitude à vivre en paix.

Excellent roman qui nous remue, nous secoue, nous prend aux tripes et nous interroge sur l'homme et sa capacité ou son incapacité à rester humain.
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Les livres d'excités permanents me fatiguent beaucoup,
Je n'ai pas aimé ce livre trépidant et trépignant, parce qu'il n'est rien d'autre qu'une exagération et un parti pris de rage fondé sur rien de véridique ni de crédible, un règlement de compte ? Et après ?
Les avis de certains lecteurs peu positifs rejoignent le mien pour les mêmes raisons évoquées. T puis si on se trouve en maison de redresssement, c'est qu'on l'a bien cherché, non ? Vous ne pensez pas ?
Cette histoire ou ce récit me rappelle ce roman ancien, la fameuse Cage aux rossignols, dont un film fut tiré il y a une vingtaine d'années et qui eut un grand succès. Ce film avait pour titre Les Choristes. C'était un très bon roman, une très belle histoire et un magnifique film.

Trop c'est trop, Monsieur, et votre passage d'il y a quelques mois à la Grande Librairie vous a fait paraître très excité, difficile à comprendre dans vos explications, et d'ailleurs peu de lecteurs ont pu s'identifier à vos héros ni à vous-même.
Un tel livre a fini dans la cage à livres de mon bled, , et j'espère que la pluie l'aura bien aspergé pour le purger et le-purifier de son état de purge littéraire. Un mal chasse l'autre.
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