Dans le premier tome, nous faisions connaissance avec Koli, un jeune garçon issu du village de Mythen-Croyd, qui suite à son vol et son appropriation d'un tech, est mis au ban de son village et renié de tous. Ce dernier entame donc un voyage loin de la protection des murs de son village natal, exposé à la nature sauvage et mortelle. Dans
le Livre de Koli, il est déjà confronté à une réalité sombre comme celle des cannibales (shunned men) dont les pratiques ésotériques sont… étranges. le tome se termine à l'aube d'un nouveau voyage et de nouveaux espoirs : Rejoindre Londres.
Les Épreuves de Koli démarre là où l'auteur nous avait laissé et c'est avec ses compagnons de route (Ursula et son drudge, Cup et Monomo) qu'ils se mettent en route vers leur destination. Leur chemin sera loin d'être paisible puisque la nature elle-même représente le danger principal, sans parler des personnes qui roderaient sur la route. L'enjeu est plutôt clair ici : rejoindre Londres, sans se faire tuer ou voler ses éléments de tech. le long de la route, les liens entre les protagonistes se tissent et les frontières entre humains et machines se dissipent. La méfiance et la haine se transforment en une sorte de confiance, jusqu'au lien familial d'une famille de route, de fortune, qui se recompose et se reposent les uns sur les autres. Malgré les différences, ils se retrouvent dans des situations où se soutenir est le seul moyen de survivre. J'ai beaucoup apprécié la douceur et la délicatesse avec laquelle ces changements surviennent.
En parallèle, et à l'inverse du premier tome, la narration est chorale, naviguant de Koli à Spinner, son amie d'enfance restée à Mythen-Croyd. Je ne m'attendais pas vraiment à un autre point de vue, mais celui de la jeune femme est bienvenu. En effet, la narration duale permet d'alléger par moment le récit, et j'ai personnellement apprécié continuer d'avoir un aperçu de la vie dans cette bourgade. J'ai trouvé intéressant de voir comment les révélations de Koli allaient impacter l'équilibre de ce village imposé par les remparts. J'admets que je ne m'attendais pas à ce que Spinner deviennent un personnage aussi important, qui elle aussi a finalement son mot à dire le destin d'une population. A la manière de Koli, elle nous conte ce qui lui est arrivé, tout en laissant des zones d'ombres. D'ailleurs, l'auteur reste excellent dans sa capacité à nous donner des éléments, petit à petit.
L'une des forces de l'écriture de ce roman repose à mon sens sur le pouvoir d'évocation que l'auteur instille à ses personnages. Ces derniers sont confrontés à des éléments inconnus, mais à la fois connus par le lectorat. Toute les techs sont décrites et correspondent à des éléments que nous, humains du 21ème siècle, connaissons. Cependant, suite à la guerre inachevée (Unfinished War), la connaissance de ces technologies est tombée dans l'oubli. J'ai également apprécié découvrir les personnages s'approprier ces éléments, et avec les bribes d'histoires les accompagnant, comprendre ce qui a bien pu arriver à l'Engleterre.
Un peu à la manière du Nom du Vent (
Patrick Rothfuss), les noms ici prennent une dimension importante. Dans ce monde, le patronyme, le nom indique tout sur une personne. Souvent, ils sont associés au métier ou à un fait important du personnage. Ou pour les remparts, ils définissent la stature que ces derniers ont au sein de la société. J'ai toujours trouvé ces dynamiques sociales fascinantes.
Par les mots de son roman et les réminiscences du passé, M.R Carey aborde aussi des nombreuses thématiques importantes de nos jours. Entre les conséquences du réchauffement climatiques, ayant vraisemblablement mené à la « déchéance » que connaît ce monde, ou encore l'intersexualité/transidentité. Il aborde d'ailleurs ce thème avec beaucoup de délicatesse et d'une manière qui s'intègre bien dans le déroulement de son récit, à l'heure où beaucoup d'auteurices intègrent ces représentations de manière bancale dans leurs oeuvres.
Parmi les critiques lues, notamment sur le premier tome, une partie du lectorat reprochait les décisions naïves et parfois « stupides » faites par les plus jeunes personnages. Je trouve que c'est un reproche infondé, car il ne faut pas oublier qu'ils sont justement des enfants ou de jeunes adolescents. Ils n'ont pas forcément le bagage, ni le recul que le lectorat peut avoir, et ils font sincèrement du mieux qu'ils peuvent. Je trouve d'ailleurs que cette candeur apporte un charme indéniable à la trilogie.
Le tome se termine sur un cliffhanger, qui me laisse fortement intriguée et me donne envie de directement lire la suite, ce que je vais faire d'ailleurs. Au terme de ma dernière chronique, je me questionnais sur les évènements qui avaient mené à ce monde désenchanté. Si j'ai quelques réponses, j'apprécierais en avoir un peu plus. Mon espoir, même si ça me semble assez peu probable, serait de voir les destins de Koli et de Mythen-Croyd se rejoindre quelque peu.
En résumé : Un second tome excellent, coup de coeur, pour une belle trilogie, évocatrice. Séduite et embarquée par le style de l'auteur et ses personnages et intriguée de ce qui va leur arriver. Hâte de voir comment l'auteur conclura son récit.
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