Citations sur Voyage vers le nord (51)
Je vous le dis, on peut voir et tâter tout ceci avec les yeux car les yeux sont un instrument divin et la meilleure partie du cerveau; ils sont plus sensibles que le bout des doigts et plus aigus que la pointe d'un couteau; on peut en faire des choses avec les yeux, mais les mots, mon cher, ne sont bons à rien; d'ailleurs j'arrête de raconter ce que j'ai vu.
Pendant ce temps, les chaînes de montagnes défilent dans toute leur splendeur; par ici, étincelantes comme des couronnes, par là, nuageuses et renfrognées; certaines, au caractère bien trempé, sont solitaires, d'autres se donnent la main, heureuses de former ensemble un massif.
Que c'est beau par ici; vois donc ce fjord silencieux, plein de lumière, pris entre les falaises du Nordhordland et les côtes de granit des îles nues; vois donc ce
coucher de soleil humide et rose, dilué dans le ciel tout entier, sur la vaste mer, entre des montagnes d'un bleu indigo et brumeux; et ce bateau de pêche qui nous frôle comme un spectre, avec son petit canal rouge, mon Dieu, quelle beauté!
Stockholm est une ville animée, avenante et qui arbore fièrement sa richesse : on y trouve une foule de rois en bronze, de cyclistes, de jolies jeunes filles tout en ambes et de gaillards à la taille quasi surnaturelle pour la plupart; bien qu'il s'agisse d'une race parfaite, personne, ici, n'a développé de théorie raciale.
Les haies, de l'hièble et du genêt à balais, dans les prés, des aulnes et des saules; et au-dessus de chaque ferme, les couronnes lourdes et touffues d'arbres imposants comme des cathédrales.
C'est bien en cela que la grande littérature est étrange : elle est ce qu'une nation a de plus national, mais la la langue qu'elle parle est intelligible et familière à tous.
Regarde donc comme c'est magnifique, cette mer grise et les crêtes blanches des vagues; et, à tribord, le rivage nu, tortueux et musculeux de la Norvège; et ces mouettes criardes qui planent sur les longues ondes du vent. Tu peux scruter les eaux agitées par la quille, elles sont d'un vert vitriol martial, d'un vert malachite, d'un vert iceberg ou quelque chose comme ça; elles fument d'une blancheur furieuse, elles sont ourlées de mousse ; regarde cette route tracée derrière nous par l'écume jusqu'à l'horizon.
Il fait donc à nouveau nuit, et les grands sabres des éclairs vacillent au-dessus d'une mer d'encre; signes précurseurs d'une tempête ou d'un temps calme?
Les tambours de la guerre dussent-ils cesser de battre un jour, il y aura toujours bien assez de place pour les hommes courageux et entiers.
Lentement, très lentement, la toundra nordique s'organise en une forêt clairsemée de mâts de sapins et de pins majestueux comme des coupoles de basiliques; comme pour certains visages humains, il y a des arbres dont on se souvient jusqu'à sa mort; il y a des arbres qui sont presque des saints.