l'avait écouté cet été, lors du festival d'Avignon et c'était admirable. Privé du talent de l'acteur, appuyé de photos et illustrations, cela le reste, parce que cette dérive très contrôlée, tout ce qui est charrié par cette nage, l'est
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Et chaque matin, qu'il pleuve qu'il vente, je me débats, et Dieu sait si cela est compliqué avec tout ce système de couvertures, couettes, courtepointes, oreillers et tout ce circuit obligatoire que l'angoisse doit suivre étape par étape pour se dissoudre, je me torture pour savoir s'il est possible d'être heureux. Ou quelque chose d'approchant.
Installons nous sur le haut du pré qui domine l'eau, à plat-ventre pour regarder la scène, diminuons l'impact de cette image traumatique, réduisons. Le drakkar est plus petit, c'est une barcasse, un canoë, remplacez les chevaux par un petit teckel qui gronde à l'avant, deux hommes âgés, pas habillés en tenue de sport, sans gilets de sauvetage orange, plutôt trappeur involontaire, casserole, vieux sacs La Hutte 1934 à lanières de cuir, rament en silence, on s'approche en accéléré de la fin du XXe siècle.
Je me colore : je choisis le rose ancienne n°57, pas assez couleur chair, très bien, j'ai tout un catalogue, je me marbre légèrement, je choisis une carnation Titien mal photocopié. Je m'enroule dans une tapisserie, comme dans un drap plissé sur lequel on projette un film en plein air, je me drape de rivière, ou d'une toile de nymphéa à taille de ruisseau, une tapisserie couleur gué. Je suis ton sur ton.
Et le matin par paliers, ouf, ça ira, pffffuit, vous êtes guéri de tout, si c'est ça, ouf c'est merveilleux, je crie, oh je chante, je suis en contre-chant, je suis guéri, je suis la deuxième voix, au-dessus, en-dessous, basse continue, ah, je descends, grave, très grave, lié, ça ondule, doucement, comme ça, un enroulement de comparaisons douces, les chants les plus connus mélangés aux sentiments uniques.
Le seul danger c'est qu'un dingo se réincarne en vous sans prévenir.
Mais vous êtes déjà mort, ouf.
Une série de gens plongent les uns dans les autres, et se dévorent. Je suis la chair du serpent mangée par le serpent. Comme ça je suis éternel.
Quelle horreur.
Lecture – entretien avec Olivier Cadiot. Modéré par Guénaël Boutouillet
38e édition Comédie du Livre - 10 jours en mai
Dimanche 14 mai 2023. 16h - Théâtre du Hangar