Voici un ouvrage faisant plaisir parmi cette rentrée littéraire qui, pour l'instant, me paraît bien sombre et décevante. Un ouvrage de lumière, se dégageant du reste, de cette masse difforme et que trop fournie. L'ouvrage de
Christophe Bigot est exemplaire en tout point, j'en fus par ailleurs le premier surpris lors de ma lecture. Nous suivons, dans ce roman,
Marguerite Yourcenar, ni plus ni moins, alors qu'elle est sur la voie de se faire inclure parmi l'ordre des Académiciens, ces Immortels au long cou. Première femme à l'
Académie Française depuis sa création en 1635, que l'on se rende compte de la révolution, du progressisme dont faisait part
Jean d'Ormesson qui s'est battu pour qu'elle soit admise ! Pendant ce temps de bataille à l'Académie,
Yourcenar, elle, a déménagé aux États-Unis et voyage partout dans le monde avec sa suite – sa secrétaire, des fervents admirateurs
ainsi que Grace, sa « femme », si l'on peut dire cela
ainsi, sa compagne, vaut-il mieux. Elle va rencontrer un beau jour ce
Jerry Wilson, un américain homosexuel sortant tout droit d'un film stéréotypique des années 60, en couple avec Maurice, un homme français, fanatique de ses ouvrages, et qui va devenir, quelque peu officieusement, plus ou moins par arrangement, dans le secret des officielles relations réciproques, son amant. Alors… Un homosexuel en couple avec une femme de nombreuses années son aînée, cela m'a bien évidemment rappelé cette situation similaire que tenaient
Marguerite Duras et
Yann Andréa (relation racontée dans de nombreux textes des deux figures). J'ai fait de très nombreux rapprochements, mais la relation de
Duras et très différente de celle de
Yourcenar.
Marguerite Yourcenar a traversé le monde avec cet homme, il se sont plu dans les hôtels de partout, avec une violence toujours sous-jacente. L'homme était ruiné par la drogue, le survoltage des relations extra-conjugales avec d'autres hommes, et la volonté d'accaparement de
Yourcenar à son égard, sa jalousie et sa possessivité, j'entends, ont mené l'homme hors de ses retranchements, vers la fin de sa vie, jusqu'à sa mort à cause du Sida. La biographie romancée de
Christophe Bigot a de très nombreuses qualités, notamment dans son style rédactionnel, se rapprochant beaucoup d'une hauteur idéale ciblée par
Yourcenar elle-même dans ses romans. La véracité encyclopédique de ce qui est conté rend le tout d'une précision dégagée, comme si l'auteure elle-même avait narré son histoire avec Jerry. Les apports personnels et inventés sont si crédibles que nous les pensons tous comme fondamentaux à la relation entre ces deux êtres de l'ombre. C'était une histoire assez passionnante à lire, pour être honnête : les pages défilaient rapidement, comme l'essoufflement de l'auteure face à son amant.
L'histoire de
Marguerite Yourcenar avec
Jerry Wilson (jeune homme homosexuel de plusieurs années son cadet) fait parfois penser à la relation que tenait
Duras et
Yann Andréa. Cependant le texte de
Christophe Bigot donne à cette première relation ses lettres de noblesse, elle qui est bien moins discutée et échangée que la seconde. Là où la violence se mêle à
l'amour, tout semble amer en vérité. {17}
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