Bifrost, n°110 : Dossier Alastair Reynolds

Après le numéro 106 consacré à Kim Stanley Robinson, le présent opus s'intéresse à un autre pape de la Hard-Science en la personne d'Alastair Reynolds, l'auteur entre autres du cycle des Inhibiteurs dont la lecture est incontournable pour tous ceux qui aiment le Space-Opéra de grande envergure. Mais l'auteur britannique a plus d'une corde à son arc comme le prouve l'excellent dossier qui lui est consacré.

Après le traditionnel édito du boss du Bélial et avant le cahier des critiques, toujours aussi complet et aussi cinglant, quatre nouvelles sont proposées au lectorat de la revue.
Idoles de Ken Liu
Ken Liu est un des auteurs phares des éditions du Bélial avec la publication de trois novellas Une-Heure-Lumière et de deux recueils de nouvelles, il ne manque plus qu'un Bifrost ;-)

Idoles est dans la lignée de ce que fait l'auteur, un texte qui navigue entre émotion et technologie. Les Idoles sont des programmes informatiques qui simulent des personnalités basées sur toutes les traces que ces personnes ont laissées sur le net. le deep learning faisant le reste, parler à une Idole revient presque à parler à une de ces personnes. A travers trois tableaux, Ken Liu dresse un panorama complet des conséquences directes et indirectes de cette technologie en mettant l'humain et ses sentiments au centre du récit. Une immense réussite.

Bien-aimé de Ian MacLeod
Ian MacLeod est aussi un habitué du Bélial avec deux apparitions dans la collection Une-Heure-Lumière et quelques nouvelles parues dans les précédents numéro de la revue.

Cette courte nouvelle vaut pour son ambiance plus que pour sa chute prévisible. La plongée au coeur de la prostitution est bouleversante. Un texte qui fait mouche et qui vous retourne les tripes.

L'Avertissement d'Oliver Caruso
Olivier Caruso a lui aussi les honneurs de la maison d'édition. Sa novella Symposium Inc. a marqué les esprits. Et la nouvelle proposée ici suit le même chemin.

Dans un futur indéterminé, les Intelligences Artificielles peuvent prédire qui sera susceptible de commettre un crime. Les personnes référencées reçoivent un Avertissement ainsi qu'un dédommagement financier pour ne pas passer à l'acte. Tout système a ses travers et l'auteur s'amuse à le dévoyer. Aussi drôle que macabre, ce texte est d'un cynisme déroutant : la marque de fabrique de l'auteur ?!

Bleu Zima d'Alastair Reynolds
Alastair Reynolds a fait quelques apparitions dans la revue mais devient une pierre angulaire du Bélial avec ce Bifrost, devancé par l'excellente novella La Millième Nuit, (une autre serait prochainement publiée...) en attendant la traduction en 2024 de House of Suns, le roman qui se déroule dans le même univers. Sans oublier Eversion, un roman qui commence comme une aventure maritime et qui... je ne le sais pas encore, mais dont les retours sont dithyrambiques !

Bleu Zima, la nouvelle publiée ici, a aussi eu bonne presse et une visibilité accrue depuis qu'elle a été adapté par NetFlix dans la série Love, Death & Robots. Zima un artiste extrême va donner sa dernière représentation avant de se retirer de la vie publique. Fuyant les journalistes, il accorde pour la première fois une interview à Carrie qui le suit à travers la galaxie depuis des années. Il explique d'où lui vient cette passion pour le bleu et comment cette couleur a transcendé son oeuvre et parle de sa dernière création qui est un retour aux sources. Texte de toute beauté, humain, Bleu Zima nous fait découvrir une facette méconnue de l'auteur. Un must read.


Pour revenir au dossier consacré à Alastair Reynolds, il comprend une longue interview réalisée par Erwann Perchoc où l'on découvre un homme sympathique, simple et intelligent. S'ensuit un article d'Emmanuel Tollé, un spécialiste de l'auteur, qui revient sur le cycle emblématique des Inhibiteurs. Erwann Perchoc revient ensuite pour nous parler des nombreuses nouvelles d'Alastair Reynolds qui se définit d'ailleurs plus comme novelliste que comme auteur de romans ! Et enfin un mini cahier critique de l'ensemble de son oeuvre. Bref, un dossier complet (avec une bibliographie elle aussi complète), passionnant qui ne peut que donner envie de découvrir ou de continuer à lire cet immense écrivain.

Dans la rubrique Scienti-Fiction Roland Lehoucq s'adjoint du chimiste Fabrice Chemla pour nous parler cristallographie. Un article comme d'habitude aussi pointu qu'instructif.

Pour conclure, ce numéro de Bifrost est exceptionnel de bout en bout. Merci et vive la Hard-SF !!!

Lien : https://les-lectures-du-maki..

Un (très) bon numéro pour l'indispensable magazine, avec :

- un excellent dossier sur Alastair Reynolds, auteur que je ne connaissais que (vaguement) de réputation... Bon, j'exagère un peu mon ignorance du sujet, puisque j'ai quand même deux de ses bouquins sur ma pàl, un qu'on m'a donné et « la moisson du temps », sa participation à l'univers Doctor Who, mais je ne comptais lire aucun des deux avant longtemps – la Hard-Science, j'ai plutôt tendance à fuir, je préfère les sciences molles. Mais revenons-en à nos moutons gallois, pourquoi excellent dossier ? Deux raisons :
A) des infos et analyses en pagaille, une interview fort intéressante : je peux donc maintenant prétendre connaître l'auteur la prochaine fois qu'on me demandera ; si j'étais malhonnête je pourrais aller jusqu'à faire semblant de l'avoir lu, dans les cocktails mondains. Mais je ne ferais jamais ça, bien sûr. Quelle idée.
B) un authentique MIRACLE : ce dossier (+ la nouvelle, voir plus bas) m'a donné envie de lire Reynolds, et ça c'était vraiment pas gagné : « la 1000ème nuit » et « la moisson du temps » sont passés en prioritaires sur l'étagère (même si le second n'est apparemment pas terrible, mais qu'importe, je finis par lire plus ou moins tout ce qui est publié en tie-ins Doctor Who)

Et pour la partie nouvelles :
Alastair Reynolds - Bleu Zima : a fini de me convaincre. Un petit chef d'oeuvre, où il est question d'Art avec un A, d'intelligence artificielle (avec d'intéressantes réflexions sur l'IA prédictive), de mémoire, de transhumanisme - et c'est loin d'être écrit avec les pieds : 5/5. Cette nouvelle à elle seule justifie l'achat du numéro, foncez.
Ken Liu – Idoles : pas forcément passionnant en tant que fiction littéraire, mais très recommandable pour l'aspect prospectif/anticipatif, une fois de plus sur le sujet de l'Intelligence Artificielle – appliquée ici plus précisément à son utilisation pour créer des « idoles » reproduisant la personnalité d'individus réels. En grande partie dans un cadre juridique, mais Liu élargit la réflexion du procédural au philosophique via une narration qui n'est peut-être qu'un prétexte, mais a l'avantage de mettre les questions « en situation ». 3/5 (et ce n'est pas non plus écrit avec les pieds).
Ian R. McLeod – Bien aimé : autour d'une idée qui relève du cliché depuis au moins les années 50 (la possibilité d'échanger deux esprits/personnalités grâce à un quelconque gadget technologique), McLeod fait dans l'anticipation sociale glauque en imaginant les effets du dispositif sur le plus vieux métier du monde. Noir, très noir, mais m'a laissé un goût d'inachevé. 2,5/5
Olivier Caruso – L'Avertissement : à partir d'une excellente idée, une fois de plus autour de l'IA prédictive (appliquée ici aux meurtier.es potentiel.les), une nouvelle passionnante – et d'autant plus passionnante qu'elle est écrite dans un style franco-français qui me laisse totalement froid (je réalise que je suis vraiment très mauvais public avec 90% des auteurs francophones, e problème doit venir de moi...). le fond court-circuite la forme : 3/5

Bien longtemps que je n'avais pas ouvert un Bifrost. Il aura fallu attendre une visite dans une librairie de Bruxelles et une accroche avec l'auteur "Alastair Reynolds" pour se retrouver (après plusieurs années de break).
Fidèle à elle-même, cette revue, proposée par les Editions du Bélial, balaye le paysage des publications dans le domaine de l'imaginaire et propose un dossier sur un auteur particulier, composé d'une longue interview, d'une biographie et d'une analyse exhaustive de ses publications.
Et n'oublions pas les nouvelles, qui sont, pour moi, un moment particulier de cette lecture. du beau monde cette fois-ci avec: "Idoles" du fameux Ken Liu, "Bien-aimé "de Ian R McLeod, "L'avertissement" de Olivier Caruso et enfin "Bleu Zima" de l'auteur mis en vedette de ce numéro, Alastair Reynolds.
Ce n'est pas faire injure aux autres auteurs que de dire que c'est bien la nouvelle de ce dernier qui recevra la récompense de la meilleure nouvelle de ce numéro pour un récit très poétique autour d'un artiste hors-norme et de sa quête ultime.
Le reste est de belle facture, pas de vraie déception, même si j'ai un peu moins accroché au texte de McLeod (auteur que j'ai pour l'instant pas mal de difficulté à appréhender...) (mais en même temps, c'est mon problème, vous me direz et vous aurez bien raison !!)

N'hésitez pas et procurez-vous cette belle revue à qui je souhaite de perdurer encore bien lontemps.

Idoles de Ken Liu : 6,5/10
Les + : Décrit bien les dérives plausibles de l'IA
Les - : Construction du récit gênante

Bien-aimée de Ian R MacLeod : 8,5/10
Les + : Ecriture fluide
Les - : le transfert dans une peluche est absurde

Bleu Zima de Alastair Reynolds : 9/10
Les + : Twist final inattendu, réflexion intéressante sur les limites entre l'Homme et l'IA
Les - : Manque quelques éléments de hard SF

Avertissement de Olivier Caruso : 6/10
Les + : Lecture facile, Effets contre-productifs du programme de prévention bien présentés
Les - : Peu crédible, trop prévisible