Ecrite en Touraine (si chère à
Balzac) durant l'été 1925, cette biographie romancée de la vie
De Balzac est un délice d'écriture. Quoique un peu désuète - époque oblige! - elle invite le lecteur à vivre avec le grand génie du XIXème siècle, à partager sa lutte pour la vie, pour la gloire, pour la renommée, sa dernière lutte contre la maladie.
Issu d'un milieu modeste (son père était fonctionnaire, sa mère au foyer évidemment), le jeune Honoré a très vite la certitude d'être un être d'exception. A quatorze ans déjà, il éblouit sa chère petite soeur Laure de ses vastes projets, de ses ambitions de devenir LE grand romancier de son époque. Il s'essaie à la dramaturgie d'abord, pour un Cromwell grandiloquent qui ne fera pas date, puis devient directeur de journal (La chronique de Paris : un gouffre budgétaire), se rend à l'idée qu'il sera le meilleur observateur des moeurs de son temps et amorce les “ Scènes ”, classées par type de milieu observé. Car il a une prétention scientifique, admirateur de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, il veut mettre de l'ordre dans sa restitution de la société.
Cependant, il est convaincu (et tente de convaincre sa famille, très sceptique) que la gloire ne se peut sans la fortune. le voilà donc qui s'essaie à toutes sortes d'entreprises, sans succès. Il vibre et explose d'émotions mais ce n'est pas un capitaine d'industrie et chaque tentative se solde par un fiasco qui le pousse à solliciter des créanciers, indulgents pour certains (le tailleur Buisson), tendres pour d'autres (certaines femmes du monde) mais surtout redoutables pour la plupart. Il aura à ses trousses ces derniers, plus la Garde nationale qui voudrait “ lui faire monter la garde ”, et ne leur échappera que grâce à des déménagements multiples, aidé de ses fidèles domestiques mais surtout des femmes de sa vie : la tendre Madame de Berny, sa première maîtresse, qui aurait pu être sa mère, mais si douce et si compréhensive, Madame Carraud, son amie pour la vie, secrètement amoureuse de lui ; la coquette comtesse de Castries, qui promet tout et n'accorde rien et, surtout, la divine Eve Hanska, Polonaise, aristocrate, fervente admiratrice du génial écrivain, qui n'acceptera de l'épouser qu'à l'article de la mort.
René Benjamin (qui à mon avis n'a pas laissé de souvenir dans la littérature française) nous fait vivre, vibrer, aimer, pleurer, nous enflammer avec
Balzac. Il nous entraîne dans ce tourbillon infernal du travail (jusqu'à 20 heures par jour ! jusqu'à l'épuisement total!), du souffle créateur du visionnaire
Balzac, dans ses émois amoureux, ses douleurs, ses emportements. Bonapartiste par fascination, légitimiste par intérêt, anti- républicain par conviction de l'insuffisance du peuple, il agace, il indigne, il fascine à son tour.
Le style soigné, précieux parfois, ampoulé, lyrique à l'occasion, mais toujours convaincant, fait souhaiter que des extraits de ce livre soient lus par Lucchini ou que le personnage central soit interprété par un monstre de son espèce, un Depardieu par exemple.
Un excellent moment de lecture qui donne envie de rouvrir la Cousine Bette ou
le Lys dans la vallée.
Au sujet de Napoléon, il écrit : “ Ce qu'il a commencé par l ‘épée, je l'achèverai par la plume ! ”
“
La femme de trente ans ” : au sujet de Mme de Berny ?
“
Louis Lambert ” : au sujet de sa tragique jeunesse au collège.
“ Ne touchez pas à la hache ” : au sujet de la comtesse de Castries ? personnage :
la duchesse de Langeais.