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EAN : 9782715257115
112 pages
Le Mercure de France (06/01/2022)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Se mettre à nu, raconter les joies, les excès, les souffrances, telle est l'exploration littéraire à laquelle Claude Arnaud se livre ici. Une incroyable machine d'organes invisibles nous régente. Une peau, un sexe, des muscles, un cœur, comment en prendre soin tout au long d'une vie ? Ce corps qui écrit, regardez-le, nous dit-il, il se discipline, se blesse, se rend malade, renaît, c'est lui qui travaille et vous guide, c'est lui qui a conçu et porté tous vos livres... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
On tolère son corps plus qu'on ne l'habite. On le toise, même. L'analogie est pertinente (« Notre corps est la maison de notre être, la demeure où le destin a voulu qu'on passe sa vie »). le corps, c'est un peu comme un bien immobilier dont on est juste locataire - détaché. Qu'il nous abrite, qu'il ne se fasse pas remarquer, qu'il n'importune pas ! Pourtant, dès qu'un dysfonctionnement apparaît, que la machine se détraque, il manifeste sa présence. Fuites, incendies, fissures, pépins variés, des maux survient la prise de conscience (« Je tends à le voir comme mon instrument, je ne suis que son effet »).
Alors Claude Arnaud l'observe d'un peu plus près, des humeurs aux viscères, captivé par son essence, aux aguets : « Mon corps ne consiste vraiment que durant le bref moment de la jouissance et le temps long, si long, de la souffrance ».
Quelquefois, le corps s'écarte de l'âme qui l'enveloppe. Claude (et son prénom hermaphrodite) ne se reconnaît plus dans le miroir. La peau, les muscles, jusqu'à la pomme d'Adam, tout s'oppose à sa nouvelle Ève.
Ce corps, trop souvent condamné par les religions qui en ont interdit la beauté et l'expression alors que chez les peuplades dites « primitives », il primait sur le tout, et le tout puissant (« le christianisme a voulu réduire notre corps au silence et à la souffrance »). Freud n'a rien arrangé, faisant de l'inconscient la cause de tout.
Le corps est putrescible. Les Égyptiens en abhorrait la destruction, inconsolables à l'idée de se présenter décomposés devant Nemty. Comment y survivre ? Peut-être en se réincarnant par le livre. C'est le réconfort de l'écrivain, au matin des adieux.
« Juste un corps » est un bel objet littéraire. Il prolonge, avec plus de poésie, le « Journal d'un corps » de Daniel Pennac.
Bilan : 🌹🌹
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Claude Arnaud , essayiste et romancier publie " Juste un corps " dans la collection "Traits et Portraits" dans laquelle divers auteurs se sont prêtés au jeu de l'écriture soutenue par l'illustration. Une couverture qui évoque le corps , un papier glacé , des lignes qui esquissent notre propre maison ,celle de notre enveloppe , des photos ou coups de crayons pour renforcer cette substance littéraire. Un bien joli objet que ce livre ; son contenu n'en est pas moins élégant.
Nous observons souvent nos compères , l'esthétique de chacun , les traits et attraits et pourtant , notre propre corps nous est étranger. Cette formidable machine capable de régir notre existence nous gouverne chaque jour , elle crie sa souffrance , sa jouissance , demande à ce qu'on l'alimente ou l'hydrate , nous force au repos ou nous signifie son attirance. Mais connaissons-nous le fonctionnement de tous nos viscères , nos kilomètres d'artères et nos neurones qui me permettent d'écrire cette chronique et vous de la lire ? Suffit-il de regarder notre reflet dans un miroir pour s'imprégner de soi ?
Claude Arnaud dissèque ce corps non pas au scalpel mais par l' écriture .

Aussi , quelle est la place du corps dans la littérature ?
L'auteur évoque les écrivains qui ne respiraient pas la santé , le sacrifice de soi face à la priorité du corps , le cerveau comme seul organe , les esprits féconds malgré la solitude pesante de Pessoa , la souffrance de Proust , les addictions de Sartre , l'état de clochardisation de Celine , la maladie pour Thomas Mann... Puis les autres , ceux qui ont insufflé la vie , celle du corps au travers des oeuvres comme Morand ou Colette qui déclara" Moi c'est mon corps qui pense , il ressent plus finement , plus complètement que mon cerveau. Toute ma peau a une âme ". Dès lors , telles les tribus ou les clans japonais qui par le tatouage amènent le corps à l'art de parler en silence , l'écrivain laisse des traces profondes , extraie la substance de l'humain en creusant plus que ne l'exige l'ordinaire. Il saigne, agonise , , s'étripe , souffre, se bousille , se noie , s'épuise , endure et vidé , doute toujours et encore , s'estime incomplet , sacrifié , délaissé , en marge." Heureux lecteurs , vous détenez la clef du paradis .Ne cherchez pas écrire , vous iriez tout gâcher [...]Nous sommes le scribe , vous êtes le pharaon."

Puis Claude Arnaud écorche son corps de jeunesse , évoque sa propre constitution , la fuite de l' apparence par la construction d' une multitude d'affinités aussi contraires les unes des autres ; grossi par mal être , se perd par intransigeance , se fait du mal et se complait dans l'anorexie qui rend fort à l'instar qu'elle détruit. le mimétisme rassure , l'image renvoie à la perdition et flirte avec la dissonance jusqu'au jour ou le corps parle , il devient un compagnon , notre propre habitat. Il mérite de la reconnaissance , qu'on en prenne soin , ce corps qui n'a pas été conçu , mais fait.
Le christianisme n'avait-il alors pas réduit notre corps au silence et à la souffrance ? Freud ne voyait-il pas dans les maux dont notre corps souffre les effets directs de nos conflits inconscients ? Les grecs n'ont ils pas fait de nos têtes des organes dominants en valorisant l'harmonie du corps ?

Le temps est venu de se centraliser.

"Le corps est l'espace privilégié de la mise en scène de l'indicible" [Serge Tisseron]

Un livre/récit étonnant et captivant.



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"Juste un corps" est un petit livre couleur chair, comme un organe qu'on tiendrait entre les mains. Il n'est pas épais, juste une centaine de pages, un livre qui semble bien maigre, rapide à ingérer et s'avère en fin de compte extrêmement nourrissant. Publié dans l'originale et belle collection « Traits et portraits », une collection regroupant des auteurs se livrant avec bonheur au jeu de l'autoportrait accompagné d'une iconographie et d'archives personnelles, Claude Arnaud nous rappelle dans "Juste un corps" une réalité souvent délaissée : c'est à partir de son corps que l'écrivain s'exprime.
Il y aborde de façon intime le mystère de son anatomie et la singularité de son corps pensant d'écrivain. Son corps matériel est une énigme et il ne s'en cache pas. « J'oublie mon corps, le plus souvent. Tout comme je respire sans penser à mes poumons, je vis sans me soucier de lui. (...) Ma toute première maison m'est étrangère, faute d'yeux capables de me la figurer. » Claude Arnaud en s'interrogeant sur l'opacité de son corps, en s'étonnant de son incarnation m'a renvoyé à l'étrangeté du mien, cet amas de muscles, viscères et artères. Aucun de nous n'en a une vision globale et faute d'une culture médicale, ses mécanismes et son fonctionnement nous échappent presque totalement. Ne dit-on pas qu'être en bonne santé est un état d'inconscience du corps ? Un monde mystérieux et qui pourtant nous porte et que nous habitons. Claude Arnaud évoque avec une touchante sincérité son enfance où il ressemblait à une fille, son adolescence où il a maltraité son corps en lui infligeant des épisodes de boulimie et d'anorexie, son attrait pour les hommes, ses problèmes digestifs persistants, le mal de dos à la quarantaine. L'écriture de cette mise à nu plus existentielle que charnelle est sobre, crue, parfois cruelle, sans mièvrerie ni obscénité gratuite. le ton peut sembler par moment froid et clinique, mais la franchise et la profondeur qui se dégagent du texte ainsi que quelques traits d'humour réchauffent le tout.
La relation ambivalente que l'auteur entretient avec son corps m'a surpris et fait réfléchir à la mienne, car j'ai, un peu comme tout le monde, une image négative de mon anatomie. On hérite tous d'un corps qu'on n'a pas choisi et sur lequel on n'a aucun pouvoir. Il nous faut l'apprivoiser, ce corps qui refuse de se plier à la volonté dictatoriale de son locataire et qui nous rappelle régulièrement qu'il n'est pas ce qu'on croit être. Comme j'ai appris avec le temps à mieux comprendre le mien, Claude Arnaud a apprivoisé le sien grâce à une attention soutenue, à une écoute permanente, à un dialogue pour non seulement l'entendre, mais aussi lui donner un rôle, le faire participer à cette gouvernance solitaire qu'est l'écriture.
Car bien vite, le lecteur comprend qu'il va s'agir dans ce livre, avant tout, du corps de l'écrivain et de son rapport à l'écriture. Claude Arnaud se livre ainsi à une profonde exploration de la littérature, à une évocation d'autres écrivains qui l'ont traversé et le traversent encore. le texte commence par une citation de Gide qui donne la tonalité du livre : « Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont doux, je veux que mes pieds nus le sentent. » J'ai senti Claude Arnaud fortement marqué et influencé par André Gide, dans son écriture extrêmement sensible et sensuelle, dans sa finesse d'analyse, dans sa liberté à être ce qu'il est sans restriction, dans son exploration de lui-même. Fidèle à ces principes, il se remémore et nous dévoile avec simplicité et sincérité les tourments qui le rongent lors de la conception de ses livres, les angoisses qui l'habitent lors de leur parution en empruntant le vocabulaire de la procréation et de l'autofécondation. Des oeuvres autofécondées par un écrivain qui se déplie et se multiplie, qui engendre des corps littéraires dans la douleur et la durée. Car cet engendrement littéraire prend du temps, mobilise énormément d'énergie, sépare du monde, éreinte le corps charnel, puise dans ses réserves, dans ses souvenirs, dans ses sensations. Je trouve cependant que les propos de l'auteur sont excessifs lorsqu'il parle de la « solitude toxique » de l'écrivain au travail qui regarde « les autres vivre avec la mélancolie des infirmes surprenant les passants marcher à l'air libre. » Mais peut-être est-ce ironique ? Quoi qu'il en soit, si le processus de création littéraire parait exténuant et avilissant, il n'en est pas moins nécessaire et même vital pour Claude Arnaud. J'ai senti qu'il répondait à un besoin de transcendance de l'auteur même si, moniste et païen en diable, il s'en défendrait peut-être. Mais les textes qu'il a écrits pour exorciser la mort de ses proches, celle de sa mère emportée par la leucémie, et celle de ses frères morts suicidés ressemblent fort à un cérémonial funéraire. « Mon corps a longtemps été leur tombeau, avant que je ne les ensevelisse dans un livre. » Mieux encore, les livres autofécondés qu'il a engendrés deviennent eux-mêmes un corps et dans une comparaison certes un peu rebattue, il les identifie aux enfants qu'il n'a pas eus, comme une descendance qui le prolongerait, comme un corps littéraire qui lui survivrait éternellement.
"Juste un corps" est un livre d'une grande profondeur et d'une tendresse confondante, un petit livre que l'on peut juger bien maigre en raison d'une écriture à l'os faite de phrases musclées et nerveuses, en raison d'un style direct, rapide et sans vernis qui va à l'essentiel. Un livre que l'on peut qualifier d'anorexique, mais qui par la densité de ses analyses et la richesse des sensations qu'il procure rassasiera les plus friands d'entre nous.
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critiques presse (3)
SudOuestPresse
22 avril 2022
Dans un récit autobiographique, l’essayiste et critique Claude Arnaud explore les tréfonds de la création littéraire qui est aussi « une manière de vivre ».
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LePoint
31 janvier 2022
Entre souffrance et jouissance, l’écrivain s’intéresse au corps de l’écrivain en lien avec l’acte d’écrire : avoir ou être (juste) un corps.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesInrocks
26 janvier 2022
Claude Arnaud se dit dominé par un corps qui le mène et malmène jusqu’à ce que l’esclave se rebelle contre son maître en dégainant le glaive de la littérature. Grave, drôle, affranchie.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Heureux lecteurs, vous détenez la clef du paradis. Ne cherchez pas à écrire, vous iriez tout gâcher. Continuez de lire bien au chaud. Profitez du mal qu’on se donne, vous n’en tirez que du bien. La vie parallèle que sécrètent vos lectures est parfois plus riche que l’autre. C’est nous qui travaillons, c’est vous qui rêvez. Nous sommes le scribe, vous êtes le pharaon.
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Mon corps ne consiste vraiment que durant le bref moment de la jouissance et le temps long, si long, de la souffrance.
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Le double sac à main, mou et velu, qui pend sous mon sexe est la banque naturelle où mon patrimoine génétique repose. Il y a là, en liquide, de quoi me reproduire des millions de fois, je n’ai pourtant jamais engendré. J’aurais craint d’infliger la vie à qui n’a rien demandé.
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Écrire ? Sécréter un exosquelette, plus longévif que le premier.
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