"Devenir Chartreux, c'est aller au désert avec Dieu."
Voilà la grande idée.
Ce sacerdoce ultime, cet acte de foi absolu, c'est celui qu'a posé Pierre Dambleteuse, il y a vingt-six ans, en choisissant la voie cartusienne*.
Rejoindre une communauté recluse pour s'approcher au plus près du Divin, ne vivre que de lecture et de méditation, de prière et de contemplation.
Faire silence et écouter, ainsi que le préconisa jadis
Bruno le Chartreux, fondateur de l'Ordre ("Qui n'est pas solitaire ne peut être silencieux, qui ne fait pas le silence ne peut entendre celui qui parle.")
Vingt-six ans plus tard hélas, une tumeur maligne condamne Pierre à très brève échéance. Alors tant qu'il le peut, le moine écrit. Il note ses pensées et le fruit de ses méditations, consigne dans un journal ses quelques angoisses à l'approche de la mort mais surtout les grandes joies de son existence, réveillant quelques souvenirs ou célébrant la beauté du monde, des mots et de la poésie. Il fait ainsi "de [s]on souffle qui vacille une forme de prière" et délivre un témoignage très émouvant, mais à mon sens trop bref et trop "décousu" pour que le lecteur lambda puisse véritablement s'en imprégner. Chaque entrée du journal fait en effet l'objet d'un nouveau paragraphe très court, sans lien avec les précédents et rédigé au gré des fulgurances de Pierre : j'ai dû me contenter d'attraper au vol l'une ou l'autre de ces réflexions éparses - souvent très inspirantes ! - sans pour autant réussir à apprécier pleinement l'unité de l'ensemble.
Bien que le texte soit très beau et que la foi qui l'éclaire soit particulièrement vive, il m'est aussi apparu très (trop ?) profond, un peu confus, presque inaccessible au commun des mortels (dans un genre un peu similaire, l'excellent "
Mourir au monde" de
Claire Conruyt m'avait semblé plus abordable).
Les références bibliques et religieuses sont évidemment nombreuses et pointues, et j'ai plus d'une fois eu l'impression que cet ouvrage s'adressait en priorité à des théologiens de haute volée.
Il n'en demeure pas moins que le testament de cet homme qui voit venir son agonie et l'accepte en confiance, avec "gratitude et tendresse pour ce corps qui chavire", reste particulièrement poignant.
À l'heure où la maladie, la décrépitude et même la mort semblent niées, invisibilisées, on ne peut que s'émouvoir quand Pierre nous dit à l'occasion d'une nouvelle crise de douleur :
"Peut-on donner du sens à la souffrance physique ? Je le crois. Il faut laisser venir en soi le manque, la peine, le doute, l'effroi, le deuil, la solitude, pour qu'advienne - dans le grand creux du consentement et de l'abandon - la possibilité d'une inversion de signe.
Celle-ci n'est pas certaine. Mais elle peut advenir. Et c'est alors la joie d'aube et de rosée."
Puissions-nous tous, quand viendra l'heure, nous efforcer de ce suivre ce bel exemple de spiritualité accomplie et de sérénité heureuse...
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*cartusien : qui relève de l'Ordre des chartreux.