- J'ai déjà assisté à un bombardement au napalm. C'est épouvantable. Le gel enflammé est projeté dans toutes les directions et tout paraît prendre feu d'un seul coup. Personne ne peut y réchapper. Seize bombes, paraît-il. Toute la jungle va flamber sur un kilomètre de diamètre.
- Vous pourrez vérifier cette hypothèse, puisque vous êtes disposé à m'accompagner.
- Il n'y a presque jamais de survivants, dit Mathew avec obstination. Si l'on essaye de se débarrasser d'un petit morceau de gel il colle aux doigts, file, et bientôt le corps tout entier est la proie des flammes. J'ai vu courir des hommes transformés en torches vivantes et qui hurlaient comme des damnés.
Kovask sortit ses cigarettes et lui tendit le paquet.
- Vous êtes un émotif, mon vieux. Est-ce la présence de cette femme là-bas qui vous obsède ? Seriez-vous tombé amoureux d'elle ?
Les mortiers des Viet-congs avaient pris pour cible la vieille église catholique depuis le début de l'après-midi. Le gros de la construction en bois formait une sorte d'immense bûcher funéraire, tandis que le clocher construit en pierres résistait encore. Tout en haut la croix en fer s'était tordue. La poussière qui flottait au-dessus de la petite ville était telle que l'aviation ne pouvait plus intervenir, et que les premiers éléments des rebelles en profitaient pour s'infiltrer dans la banlieue.
(incipit).
Canfield se dandinait sur ses jambes, un verre à la main.
- Un pouvoir ? De quelle sorte ?
- Je suis libre de réquisitionner, de suspendre, de faire rapatrier ou arrêter tout citoyen américain qui mettrait entrave à ma mission. Je peux vous demander d'évacuer cette forteresse, par exemple, et, si vous n'étiez pas d'accord, je pourrais éventuellement faire appel à la prévôté militaire et maritime.
Il sourit comme d'une bonne blague :
- Mais nous n'en sommes évidemment pas là.
- Non, dit Canfield. Mais pour avoir de tels pouvoirs, il faut vraiment avoir la cote à Washington. J'ai rencontré autrefois un type, en Corée, qui avait bénéficié d'une telle faveur. On disait de lui que c'était une pédale qui servait de matelas à tout un tas de politiciens...
Comme il tenait son verre à hauteur de sa bouche, Kovask le lui fit éclater contre les dents. Des débris s'enfoncèrent dans ses lèvres, et, étouffé par le sang, il ne put parer le deuxième coup qui l'atteignit au côté droit de la mâchoire. Il tituba en arrière, mais ne tomba pas. Des gouttes rouges coulaient sur son menton, s'y réunissaient en un filet qui tombait sur le sol.
Venue en 1953, quelques mois avant Dien-Bien-Phu, comme secrétaire dans une maison d'importation, elle était restée malgré le départ des Français. Les filles de sa race se faisant rares, elle avait compris que la chance lui souriait enfin. Elle en avait usé avec prudence, ne voulant pas qu'on lui fasse endosser une réputation peu flatteuse de fille facile. Henri Duong était arrivé avec ses liasses de dollars, sentant encore l'encre d'imprimerie. Les Américains étaient pressés de prendre la succession des Français, et ils ne lésinaient sur rien, se montraient alors d'une générosité fabuleuse, cherchaient des hommes et des femmes qui leur soient entièrement dévoués. Dans leur frénésie d'anti-communisme, ils tournaient en rond comme des chiens fous.
Chronique consacrée aux grands noms de la littérature policière, et animée, depuis octobre 2018, par Patrick Vast, dans le cadre de l'émission La Vie des Livres (Radio Plus - Douvrin).
Pour la 26ème chronique, le 12 décembre 2018, Patrick présente Georges J. Arnaud.
Patrick Vast est aussi auteur, notamment de polars. N'hésitez pas à vous rendre sur son site : http://patricksvast.hautetfort.com/
Il a également une activité d'éditeur. À voir ici : https://lechatmoireeditions.wordpress.com/
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