Françoise Héritier, le goût des autres

Une biographie admirative et chaleureuse qui rappelle très opportunément le parcours d'exception de cette femme qui a, de manière limpide et opiniâtre, tout au long de sa vie, oeuvré pour démontrer et démonter les racines de la domination masculine.
une personnalité solaire qui avait aussi sa part d'ombre avec notamment des relations complexes avec son unique fille.
un livre qui donne envie de prolonger la rencontre, je suis allée regarder quelques vidéos, la voix douce et flutée de Françoise Héritier m'accompagne désormais.
sur le plan littéraire, la lecture de cette biographie est agréable et fluide, une réserve: il me semble que le découpage en chapitres qui ne respectent pas toujours une chronologie linéaire entraîne l'auteur à se répéter parfois.

Laure Adler a perdu son amie, une femme hors du commun, ethnologue, élève de Claude Levi-Strauss. Françoise Héritier, passionnée par les comportements humains en Afrique, y séjourne avec facilité et bonheur. La joie de vivre, le sourire l'accompagnent, bien qu'atteinte d'une maladie rare. Ce livre, très chaleureux, est un hommage à celle qui a combattu les inégalités de toutes sortes.

Faisant valoir la relation privilégiée qu'elle a eue avec Françoise Héritier, Laure Adler nous trace d'elle un portrait qui, s'il ne manque pas d'intérêt, aurait du mal à être qualifié de "sans concession". A ses yeux, son amie ne péchait que par un manque de confiance en elle qui l'a empêchée plus d'une fois d'exprimer plus clairement ses convictions.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais, pourrait-on faire remarquer à Françoise Héritier comme à Laure Adler, toutes deux en opposition à la "domination masculine" dans leurs idées mais moins enclines à le montrer dans leurs actes. Ainsi Françoise acceptait-elle de son premier mari l'interdiction qu'il lui avait édictée d'arriver en même temps que lui sur leur lieu de travail commun (un couple fusionnel, quel ridicule !). de même son admiration sans bornes pour son mentor Claude Levi-Strauss lui a-t-elle fait fermer les yeux sur la farouche opposition de celui-ci à voir entrer Marguerite Yourcenar à L Académie Française au seul motif qu'elle était une femme ! Quant à Laure Adler, pourquoi donc a-t-elle conservé le nom de son premier mari après son divorce plutôt que d'exister en Laure Clauzet, son nom de naissance ?
Une biographie un peu plan-plan mais instructive quant aux observations réalisées par Françoise Héritier l'anthropologue lors de ses séjours en Afrique.

Née en 1933, Françoise Héritier a vécu intensément ce 20ème siècle si mouvementée. Laure Adler relate avec minutie l'éblouissement de l'étudiante lorsqu'elle assiste au séminaire de Claude Lévi-Strauss, sa découverte de l'Afrique où elle se sent à sa place, ses voyages et ses élans pour comprendre l'autre, plaçant le corps au centre de tous ses questionnements. Il est frappant de remarquer combien Françoise Héritier s'est intéressée à des sujets de société qui n'étaient ni à la mode en ethnologie, ni dans l'esprit du temps : l'évolution de la famille, les discriminations et les violences faites aux femmes, et aussi aux enfants dans ses études passionnantes sur l'inceste. Lorsque la maladie et son cortège de douleurs l'assailliront à la cinquantaine, elle fera front et connaitra un très grands succès public avec son livre "le sel de la vie.