Certaines familles ont une malédiction. Qu'elles transmettent aux générations futures. Par l'ADN.
On en connait tous au moins une de ces familles maudites, poissardes, poisseuses.
En tout cas, moi, j'en ai connu une.
Accident de voiture, tétraplégie, suicide, décès jeunes...
Si, si....tout cela à la fois.
Alors, les cartésiens purs et durs vous diront que ça n'existe pas les malédictions, c'est juste un manque de chance, une poisse qui colle.
Qui colle si bien.
Ce livre, magnifique, nous narre une de ces familles, maudites.
L'écriture est sublime, le sujet audacieux.
Il nous raconte que nous ne sommes pas libres, car assujettis aux névroses et aux crimes, réels ou imaginaires, de nos aïeux. D'où l'ADN. Certains scanners du cerveau montrent les zones où le traumatisme s'est échoué. Zones mortes.
Des études récentes ont d'ailleurs démontrées qu'un très gros trauma peut se transmettre par ce biais.
Cette famille ô combien dysfonctionnelle, nous plonge dans deux mondes bien distincts, la haute bourgeoisie d'antan et la ferme qui jouxte le château, avec des personnages hauts en couleurs ; la mère, à moitié folle, dépressive au plus haut point, neurasthénique comme l'on disait autrefois, dont le regard ne se fixe pas toujours sur ses enfants, un regard vide, hagard, comme un voile. le père, Professeur en médecine est psychorigide, égoïste et tyrannise tout son petit monde. Les enfants, Henri, l'aîné, psychotique, Françoise et Paul, petit garçon malingre, chétif et malade tout le temps, étouffé par une présence maternelle, je n'en dirai pas plus. Plus tard, adulte survivant, Paul reviendra dans ce "château", et le passé ressurgira. Il a deux enfants et sa fille est anorexique. Comme par hasard.
Nous avons enfin la soeur de Madame, Béatrice, la tante des enfants, qui jouera un rôle décisif dans ces mensonges, ces traquenards, ces insuffisances. Elle est jeune Béatrice, les enfants passent un bel été avec elle et les gens de la ferme, dont un certain Antoine, aiment sa présence.
Mais n'oublions pas Monsieur le médecin, si sûr de lui, si suffisant, si tenté par une jeune âme...Lui le donneur de leçons.
Je viens de tout vous dire.
Je vous laisse découvrir ce roman merveilleux.
Lu en deux jours, ce livre est terriblement noir mais un peu rose aussi.
Mais si peu finalement...
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Peut-on se construire quand on décide de faire table rase du passé, quand on ne veut aucun lien avec son passé ? C'est pourtant ce qu'a fait Paul, 51 ans, qui a rompu tout contact avec son père, qui a eu quelques visites de sa mère, de sa soeur. Il s'est marié, a eu deux enfants. Sa femme, Cléo, lui a toujours dit d'aller de l'avant, de ne pas s'apesentir sur le passé, son passé. Pourtant, aujourd'hui qu'il reste seul, qu'il est le dernier héritier, il doit retourner dans ce qui a été « chez lui », régler quelques affaires, et surtout, comprendre, lui qui n'a pas vu le mal être de sa fille Emilia. Heureusement, de nos jours, les problèmes de santé mentaux sont mieux pris en charge, pour ne pas dire qu'ils sont pris en charge tout court. A une époque, on n'en parlait pas, on en parlait peu, et l'on trouvait moyen de mettre à l'écart ceux qui en souffraient.
L'action se passe en effet entre le passé et le présent. le passé, ce sont les années 60, sans véritablement qu'elles aient un impact sur l'action, comme si ce qui se passait dans le Limousin était coupé de l'avancée du monde. C'est un monde où monsieur, docteur, dirige sa famille d'une main de maître, c'est à dire tient tout le monde sous son joug, surtout après le décès de sa belle-mère, garante cependant d'un monde rempli de codes immuables, incapable d'aider véritablement sa fille aînée, qui sombre peu à peu et se raccroche à Paul, son petit dernier, enfant perpétuellement malade selon sa mère. Et pourtant, selon Françoise, sa soeur aînée, petite fille délaissée et maltraitée par son frère aîné, il ne faudrait pas grand chose pour qu'il se nourrisse normalement pour ne prendre que cet exemple. Monsieur, cependant, est respecté, parce qu'il respecte les codes, parce qu'il est un homme, un notable, parce que les femmes ont toujours tort, sont toujours les victimes, même aux yeux des autres femmes. Ne pas compter sur la solidarité féminine : à savoir si elle n'existe pas dans ce milieu ou si elle n'existe pas dans ce roman.
Ce qui existe, en revanche, est une nette séparation entre les classes sociales : on ne se mélange pas, les domestiques, les paysans d'un côté, la bourgeoisie de l'autre. Gare aussi à ceux qui auraient des idées subversives, à ceux qui voudraient faire bouger les choses : ce n'est pas bon pour eux non plus. Dans le présent, Paul essaie de comprendre, se rend compte qu'il est désormais trop tard pour poser certaines questions, qu'il est passé (volontairement) à côté de maintes choses. Mal à l'aise aussi, quand il s'agit d'évoquer son frère aîné, Henri – sauf avec André, parce que lui sait. Henri. En dépit de son destin, j'ai détesté ce personnage, et n'ai rien éprouvé à la lecture de son destin tragique, bien au contraire. Tant pis si cela me vaut des commentaires négatifs. Dans ma jeunesse, ma route a trop souvent croisé des Henri qu'on laissait faire en toute impunité.
Un livre étouffant, asphyxiant, un livre dont j'ai eu hâte de sortir.
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Les coquilles de l'enfance qui protègent mal, on ne parvient jamais tout à fait à s'en débarrasser. On passe tant de temps à s'en accommoder, tant d'énergie à les réparer, on oublie qu'on doit simplement les quitter un jour.
On met difficilement un nom sur le mal qui ronge ceux qu'on aime. Quand on est enfant, on ne fait que ressentir le malaise, on le flaire sans le comprendre. Quand on commence à le concevoir,on ignore les mots qui le circonscriraient, et quand on le découvre enfin on s'efforce de les contourner.
C'était le cadastre qui lui tenait lieu
de colonne vertébrale, à la vieille,
et le patrimoine de code moral.