Depuis l’élection du pape Alexandre VII en avril de cette année 1655, Rome est en construction.
Pour atteindre l’arc du Portugal qui enjambe le Corso, Battista Passerotti doit se faufiler entre les matériaux de construction, les charrettes, débris, murs abattus, maisons écroulées, devantures enfoncées. Asphyxié par la poussière, assourdi par le heurt des marteaux, sautillant sans souci des ouvriers qui lui crient de s’écarter, Battista ne peut s’empêcher de tendre le poing en direction des hauteurs du Quirinal où le pape s’est réfugié.
Alexandre avait pourtant bonne réputation.
On le disait sobre et hanté par la mort. On disait qu’il avait fait profession d’une vie évangélique, qu’il avait coutume de faire fumer sa viande avec de la cendre, de dormir sur un lit dur, qu’il avait la haine des richesses, de la pompe, qu’il donnait audience aux ambassadeurs devant un amas de crânes amoncelés.
Mais que serait Rome sans les racontars ? Les libellistes les placardent au coin des rues, sur les murs de maisons, les portes des palais, et surtout sur la statue mutilée du Pasquin, contorsionnée, couverte de pamphlets devant lesquels tout Rome vient se tordre de rire.