« Mais il plut à Dieu de façonner l’homme de chair, formant ainsi la charpente du squelette, la reliant aux nerfs, y ajoutant muscles, artères, cartilages, veines, et la peau la plus délicate. Alors il releva le front, modela le nez, ouvrit la bouche, abaissa la mâchoire, creusa les oreilles, sépara les cheveux, arrondit les épaules, élargit la poitrine, allongea les bras, modela les mains, étira les flancs, rendit les cuisses musculeuses, les jambes nerveuses, et les plaça sur la solide assise des pieds. Et tel un peintre suprême, il trempa son pinceau dans la blancheur des lys, le vermillon des roses, et en teinta les joues et les lèvres et tout le reste du corps. »
À la lecture de ce texte, une image surgit : celle de Francis Bacon bataillant à Londres devant une de ses Études de corps humains, déformant les silhouettes, équarrissant les corps, labourant les chairs, retournant les visages dans le sens inverse de celui du Créateur, afin de l’y croiser peut-être ?
C’est en fait un extrait de l’introduction à
Vita di Giacopo Robusti detto il Tintoretto, celebre pittore, cittadino venetiano, biographie vénitienne de Jacopo Robusti (1519-1594), dit Tintoret, dont la maison est toujours sise au bord du canal de Campo dei Mori dans le Cannaregio de Venise, et que presque exactement quatre siècles séparent de Francis Bacon (1909-1992), dont l’atelier se trouvait au-dessus d’une ancienne écurie de Reece Mews à South Kensington, qui était encore au début des années 1960 un district peu recommandable de Londres.