Citations de Roland Jaccard (273)
Les mêmes événements se reproduisent sans cesse aux mêmes endroits, sous une forme légèrement différente - ne serait-ce que pour nous donner l'illusion du changement - mais, fondamentalement, nous reproduisons de l'identique avec un acharnement sans faille. Au regard froid de l'historien qui décompose l'événement, il faut substituer celui de l'artiste ou du philosophe qui en reconstituent l'unité profonde.
C'est parce qu'on a cru entrevoir l'éternité dans le regard de la femme désirée qu'on se réveille chaque matin dans le lit de Procuste : amputé de ses rêves, mais ajusté aux dimensions de la réalité.
Théétète dit « j’ai le vertige » et Socrate répond que c’est le début de la philosophie.
……Dès lors comment ne pas suivre ce vieux magistrat taoiste qui professait que rien ne contribue autant à la paix de l’âme que l’absence absolue d’opinion ? Avec l’aide d’un jeune assesseur,il eut à arbitrer les querelles de voisins qui se disputaient un terrrain mitoyen.Il reçut la première famile ,écouta ses arguments et dit :
- « Vous avez raison. »
Il reçut ensuite la deuxième famille,écouta tout aussi attentivement ses doléances et l’assura qu’elle avait raison.
Le jeune assistant se retourna interloqué vers son aîné :
- « Vous ne pouvez donner raison aux uns et aux autres »,s’exclama-t-il.
Et le vieil homme nullement désarçonné ,de lui rétorquer :
- « Toi aussi mon enfant , tu as raison … »
page 38 ( édition / Quadrige PUF - 1991 )
Un shôgun, entendant parler d’un moine zen qui réalisait des prodiges et possédait une connaissance universelle, décida de le rencontrer. ».
Qu’est-ce que le paradis ? » demanda le shôgun.
Le moine zen le regarda fixement et se mit soudain à l’insulter .Impassible le shôgun écouta les injures.Mais comme celle-ci devenaient de plus en plus précises et offensantes,la colère l’étreignit.Il tira son sabre du fourreau et s’avança vers le moine qui recula jusqu’au mur sans cesser de cracher des insultes.Le shôgun hors de lui, leva le sabre, décidé à frapper.Alors le moine lui saisit le coude et s’écria :
«ça c’est l’enfer ! »
Le shôgun hésita un instant et surpendit son coup .
« ça c’est le paradis ! » conclut le moine
page 69
... et si le masque était la personne?
... ne point travailler représente un travail considérable dont peu d'entre nous serait capables.
Je crois que tout choix est une amputation. Tôt ou tard, on en souffre. Il est toujours préférable de laisser les choses se faire et se défaire - en douceur.
On n'aime jamais les êtres pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils éveillent en nous
...les convictions sont des prisons.
Il est incontestable que l’amour sexuel joue dans la vie un rôle immense et que la conjonction, dans les joies amoureuses, de satisfactions psychiques et physiques constitue l’un des points culminants de cette jouissance. En dehors de quelques jours fanatiques, tous les êtres humains le savent et conforment leur vie à cette notion. Seule la science se fait encore scrupule à l’avouer.
Une carapace d’insensibilité m’enveloppe lentement ; ce que je constate sans me plaindre. C’est aussi une issue naturelle, une façon de commencer à devenir anorganique. On appelle cela, je crois, la sérénité de l’âge. Cela doit sans doute tenir à un tour décisif dans les relations entre les deux pulsions dont j’ai supposé l’existence (de vie et de mort). Le changement qui l’accompagne n’est peut-être pas très frappant, tout est resté plein d’intérêt, de ce qui l’était autrefois, mais il manque un certain écho ; moi qui ne suis pas musicien, je me représente cette différence comme de mettre ou non la pédale. La pression sensible et incessante d’une énorme quantité de sensations importunes a dû hâter cet état prématuré peut-être, cette disposition à tout ressentir sub specie aeternitatis.
Un homme de caractère est un homme qui dans la vie a une expérience caractéristique se répétant sans cesse.
Montherland (je crois) disait de la femme qu’elle n’attend de l’homme qu’une seule chose: tout.
...elle éveille un moi un sacré désir. Au restaurant déjà, j’avais envie de l’embrasser, de la caresser, de la pénétrer. Question de peau, d’odeur, je ne sais pas trop. Car pour le reste elle m’indiffère totalement. Quelques heures plus tard, elle était dans mon lit. Je fus comblé. Et, quand elle appela un taxi, je fus soulagé.
Video meliora proboque, sed deteriora sequor (je vois le meilleur et je l’approuve, mais c’est le pire que je poursuis ).
Il faut avoir goûté à tout, ne serait-ce que pour en être dégoûté. Ce voyage est à l’image de la vie : on part triomphant et on arrive vaincu. Vaincu, je le suis d’abord par la fatigue. Ce voyage aura au moins tué en moi quelque chose : le goût des voyages.
Il paraît qu'aux États-Unis un sadique distribue aux enfants des bonbons à l'intérieur desquels il glisse des lames de rasoir. Il m'est assez sympathique cet homme : pour haïr à ce point les enfants, il ne peut pas être tout à fait mauvais...
En amour, comme en art, il faut toujours rester en deçà de ses possibilités.
Nous sommes des acteurs qui changeons de masque en fonction du spectacle.