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Citations de Roland Dorgelès (179)


Sulphart avait passé sur son pantalon rouge, un joli pantalon de femme garni de dentelles, qui laissait voir par son ouverture son large derrière garance. Il avait endossé une sorte de matinée blanche, et, sur sa tête hérissée de charbonnier, il avait posé de travers une couronne de mariée, à l’oranger un peu jauni : la couronne de la notairesse qui dormait sous un globe.

Lemoine, qui ne riait pas, avait plutôt l’air soucieux d’un militaire en service commandé, s’était contenté d’un jupon écossais, tenue sans façon dont il corrigeait le regrettable laisser-aller par une redingote à revers de satin et un solennel chapeau haut de forme préalablement brossé à rebrousse-poil.
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Les propriétaires avaient fui lors de l’avance allemande, n’ayant eu le temps de rien sauver, et ils n’étaient jamais revenus […] On nous avait formellement défendu d’entrer dans la maison, dont toutes les portes étaient verrouillées […] Cela avait donné l’idée à Sulphart de
visiter la villa. […] Il conduisit Lemoine au premier, dans une grande chambre aux tentures claires.
— V’là ce qu’il nous faut, dit-il en ouvrant l’armoire […]. J’vas m’habiller en poule et toi en homme, tu piges, face d’âne.
Le temps de déchirer quelques corsages dans des essayages malheureux, et ils purent s’admirer dans la glace, transformés en mariés de mardi gras. Quand ils parurent dans la cour, bras dessus, bras dessous, ce fut une courte stupéfaction, puis une clameur les salua.
— Vive la noce ! beugla le premier, Fouillard.
Les autres braillèrent plus fort, et l’escouade hurlant de joie entoura les deux chienlits.
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Je me souviens de nos soirées bruyantes, dans le moulin sans ailes. Je leur disais: " Un jour viendra où nous nous retrouverons, où nous parlerons de nos copains, des tranchées, de nos misères et de nos rigolades… Et nous dirons avec un sourire: C'était le bon temps!"
Avez-vous crié, ce soir-là, mes camarades. J'espérais bien mentir, en vous parlant ainsi. Et cependant… […]
C'était le bon temps… Oui, malgré tout, c'était le bon temps, puisqu'il vous voyait vivants.
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Elle me poussait à écrire, mais ne m'en laissait pas le loisir. Tous nos après-midi, nous les passions au lit. Une fois assouvie, elle s'en voulait et m'en voulait aussi. S'étant approchée de la glace elle regardait avec désespoir son visage défait où le maquillage avait coulé. " - me voilà fraîche", sifflait-elle, les lèvres pincées. Alors elle devenait hargneuse ; "- Allons, dépenchez-vous, je suis en retard." J'essayais gauchement de l'aider, mais il fallait de la patience et de l'adresse, deux qualités qui m'ont toujours manqué. Ajuster le corset en serrant les lacets était encore facile, avec sa taille de guêpe; pour le pantalon à volants de dentelle, les jarretières, le cache-corset, elle pouvait se passer de moi, mais restait la robe, c'était le plus compliqué. Il y avait dans le dos tellements d'agrafes et de boutonnières que j'en sautais et, arrivé en bas, les deux pans ne joignaient plus. -" Ce que vous êtes maladroit ! c'est à croire que vous le faites exprès ! ".Elle partait furieuse, sans m'embrasser. Le lendemain, tout penaud, je m'attendais à la voir fachée; mais non, elle arrivait les joues brulantes, et nous reprenions nos jeux.
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Prélude.

Cet après-midi-là j'étais monté sur la butte, promenade dont je ne me lasse pas. Parfois, c'est la joie qui m'entraîne, comme si je devais retrouver ma jeunesse là-haut ; certains jours, en revanche, ce sont les regrets qui me poussent et je vais à Montmartre comme on se rend au cimetière; mais, par ce bel après-midi de mai, j'avais le coeur en fête et riais d'avance à mes souvenirs. Mon itinéraire ne varie jamais : Moulin de la galette, rue Girardon, rue de l'Abreuvoir, rue des Saules, rue Cortot, pour aboutir place du tertre, d'où je redescends par la place Ravignan, cherchant des ombres à chaque coin.
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- Ce soir, les brancardiers vont sûrement venir, ils nous l'ont promis hier...

La vie, mais cela se défend jusqu'au dernier frisson, jusqu'au dernier râle. Mais s'ils n'espéraient pas les brancardiers, si le lit d'hôpital ne luisait pas comme un bonheur dans leurs rêves de fièvre, ils sortiraient de leurs tombes malgré leurs membres cassés ou leur ventre béant, ils se traîneraient dans les pierres avec leurs griffes, avec leurs dents. Il en fat de la force pour tuer un homme; il en faut de la souffrance pour abattre un homme.
Cela arrive, pourtant. L'espoir s'envole, la résignation, toute noire, s'abat lourdement sur l'âme. Alors l'homme résigné ramène sur lui sa couverture, ne dit plus rien, et comme celui-là qui meurt dans un coin de tombeau, il tourne seulement sa tête fiévreuse, et lèche la pierre qui pleure.
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Non, je ne peux plus les voir dormir.Le sommeil écrasant qui les emporte ressemble trop à l'autre sommeil. Ces visages détendus ou crispés, ces faces couleur de terre, j'ai vu les pareils, autour des tranchés, et les corps ont la même pose, qui dorment éternellement dans les champs nus.
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le major déchira la chemise de sulphart
pour regarder sa blessure.
- cela ne coule plus,donne la main.
sulphart ne put s empêche de crier quand on défi son pansement collé.
- ce n'est rien, seulement il va falloir te couper deux doigts.
- tant pis, lui répondit le rouquin je ne suis pas pianiste

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Toutes ces idylles se déroulaient selon le même rite. Des amis peintres faisaient leur portrait, qu'elles ne trouvaient jamais ressemblant, on leur lisait des vers qu'elles ne comprenaient pas, mais qui leur mouillaient les yeux, et cela donnait des amours éternelles qui se prolongeaient jusqu'à des six mois.
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D'ailleurs, nous en parlons jamais de la guerre: c'est défendu pendant les repas. Il est également interdit de parler argot et de s'entretenir du service. Pour toute infraction, il faut verser deux sous d'amende à la cagnotte: c'est notre jeu de tous les jours. Ricordeau, notre nouveau sergent, y mange ses dix-huit jours de solde.
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Elles étaient admirables ces nuits de neige et de glaçons, au Château des Brouillards. On eût dit, sous la lune, un verger féérique où les derniers flocons papillonnaient sans se poser. Un Noël pour enfants, avec des brindilles de sucre et des bourgeons fondants. Surtout à cette heure, tout semblait embelli et presque irréel. La haie avait un col d'hermine, le grillage devenait dentelle et un tapis givré recouvrait le perron. Pas un bruit. On croyait fouler du silence. Seule, la fenêtre de la relieuse veillait encore, laissant filtrer un rayon rose, couleur d'aurore sur le glacier.
Content de trouver son amie éveillée, Gérard, comme un gamin, roulait une boule de neige et la jetait dans ses carreaux. Tout de suite, la porte s'ouvrait.
- C'est gentil d'être venu.
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Roland Dorgelès
La jeunesse! Mais on ne la franchit jamais assez rapidement! Les vieux vous mentent lorsqu'ils vous disent «Profitez-en!». C'est un os qu'ils vous jettent à ronger pour qu'on se tienne tranquilles! Vingt ans; le printemps de la vie? Qu'ils aillent le demander aux dalles de la morgue! dans Le château des Brouillards

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Les lieux ou l'on a tant souffert sont toujours pareils aux autres,perdus dans la grisaille comme s'il ne pouvait y avoir qu'un meme aspect pour un meme martyre.C'est la,quelque part...L'odeur fade des cadavres s'efface.Mais moi,c'est dans ma tete,dans ma peau que j'emporte l'horrible haleine des morts.Elle est en moi,pour toujours;je connais maintenant l'odeur de la pitie.
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Mourir!Allons donc!Lui mourra peut-être,et le voisin et encore d'autres,mais soi,on ne peut pas mourir,soi...Cela ne peut pas se perdre d'un coup,cette jeunesse,cette joie,cette force dont on deborde.On en a vu mourir dix,on en verra toucher cent,mais que son tour puisse venir,d'etre un tas bleu dans les champs,on y croit pas.Malgre la mort qui nous suit et prend quand elle veut ceux qu'elle veut,une confiance insensee nous reste.Ce n'est pas vrai,on ne meurt pas!
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"Les autres voix ont bourdonné un instant, puis se sont tues. Ils dorment à présent. Redressé sur le coude, je les regarde, à peine distincts; je les devine plutôt. Ils dorment, sans cauchemar, comme les autres nuits. Leur respiration se confondent: lourds souffles de manoeuvres, sifflements de malades, soupirs égaux d'enfants. Puis il me semble que je ne les entend plus, qu'elles se perdent aussi dans le noir. Comme s'ils étaient morts… Non, je ne peux plus les voir dormir. le sommeil écrasant qui les emporte ressemble trop à l'autre sommeil. Ces visages détendus ou crispés, ces faces couleur de terre, j'ai vu les pareils, autour des tranchées, et les corps ont la même pose, qui dorment éternellement dans les champs nus. La couverture brune est tirée sur eux comme le jour où deux copains les emporteront, rigides. Des morts, tous des morts… Et je n'ose dormir, ayant peur de dormir comme eux."p.81; Les Croix de Bois, Roland Dorgeles.
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Gilbert ne chantait plus. Son souffle épuisé mourait dans un murmure que recouvrait la pluie. Mais ses lèvres semblaient bouger encore:

Voilà l'beau temps,
Ture-lure-lure,
... l'beau temps, pourvu que ça dure...

La pluie ruisselait en pleurs le long de ses joues amaigries. Puis deux lourdes larmes coulèrent de ses yeux: les deux dernières...
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-Pourquoi ça, que c'est une victoire?
Sulphart déconcerté un instant, ne trouvant pas tout de suite les mots qu'il fallait pour exprimer son farouche bonheur. Puis sans même comprendre la terrible grandeur de son aveu, il répondit crûment:
-J'trouve que c'est une victoire, parce que j'en suis sorti vivant...
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Devant moi, un homme blessé laissa tomber son fusil. Je le vis vaciller un instant sur place puis, lourdement, il repartit les bras ballants, et courut avec nous, sans comprendre qu'il était déjà mort. Il fit quelques mètres en titubant et roula...
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Roland Dorgelès
" Il n'y a que les aigris qui renient leur jeunesse et désavouent ses joies. Moi, je l'aime telle qu'elle fut, avec ses bêtises, ses écarts, son inconscience, ses excès. "
[préface de "Le château des brouillards", Éditions Albin Michel -1932]
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On préférait se priver de tout, mais ne pas abdiquer. Prendre un métier? Jamais.
Il est vrai qu'avec les repas à vingt-trois sous et des loyers de cent cinquante francs, il ne fallait pas tellement. On place des dessins, on vend un portrait, on propose un contrat. Si on peut, on fait des dettes, s'il faut on ne mange pas. Autant de souvenirs pour plus tard, quand on sera arrivé. Car c'était là, le secret de leur force, leur richesse ignorée : ils espéraient. Peintres, musiciens, poètes, tous se croyaient appelés à bouleverser le monde. La confiance fermentait en eux comme le vin dans les tonnes. Ils ne désiraient même pas ; ils étaient sûrs d'atteindre.
Les gens arrivés les rebutaient, les éditeurs fermaient leurs portes, les marchands de tableaux leur riaient au nez. Tant pis! Ils s'admireraient l'un l'autre.
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