Citations de Rabih Alameddine (330)
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De tous les plaisirs délicieux que mon corps a commencé à me refuser, le sommeil est le plus précieux, le don sacré qui me manque le plus. Le sommeil sans repos m’a laissé sa suie. Je dors par fragments, quand j’arrive à dormir. Lorsque j’envisageais la fin de ma vie, je ne m’attendais pas à passer chaque nuit dans l’obscurité de ma chambre, les paupières à demi ouverts, calée sur des coussins ratatinés, à tenir salon avec mes souvenirs.
Le sommeil seigneur de tous les dieux et de tous les hommes. Ah, être le flux et le reflux de la vaste mer. Quand j’étais plus jeune, je pouvais dormir n’importe où. Je pouvais m’étaler sur un canapé, m’y enfoncer, l’obligeant à m’accueillir en son sein, et disparaître dans les enfers somnolents. Dans un océan luxurieux je plongeais, dans ses profondeurs je m’abîmais.
Virgile appelait le sommeil frère de la mort, et Isocrate avant lui. Hypnos et Thanatos, fils de Nyx. Cette façon de minimiser la mort est peu imaginative.
« Il est tout aussi indigne, de la part d’un homme pendant, de croire que la mort est un sommeil », a écrit Pessoa. La règle de base du sommeil est que l’on s’en éveille. Le réveil est-il alors une résurrection ?
Sur un canapé, sur un lit, sur une chaise, je dormais. Les rides s’évanouissaient de mon visage. Chaque silencieux tic-tac de l’horloge me rajeunissait. Pourquoi donc est-ce à l’âge où l’on a le plus besoin des vertus curatives d’un sommeil profond qu’on y accède avec le plus de mal ? Hypnos dépérit tandis que Thanatos approche.
Quand je songeais à la fin de ma vie, je n’envisageais pas que je passerais des nuits sans sommeil à revivre mes années antérieures. Je n’avais pas imaginé que je regretterais autant la librairie.
Je me demande parfois à quel point ma vie aurait été différente si je n’avais pas été embauchée ce jour-là.
Je suis témoin d'une innocence qui n'a jamais été la mienne, d'une enfance qui m'a manqué et qui me manque. Nulle nostalgie n'est vécue avec autant d'intensité que la nostalgie de ce qui n'a pas eu lieu.
J'aime beaucoup la citation de Mark Twain : « L'histoire ne se répète pas mais elle rime.»
La littérature est mon bac à sable. J'Y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux.
Elles sont unies l'une à l'autre comme deux quartiers de la même orange.
L'enfance se joue dans une langue étrangère et notre mémoire en est une traduction à la Constance Garnett.
Je me suis glissée dans l'art pour échapper à la vie. Je me suis enfuie en littérature.
La recherche de la causalité est un vilain défaut.
Aucune voiture ne ralentira pour me laisser traverser – cela ne s’est encore jamais produit, cela ne se produira jamais. je me faufile entre les véhicules, je danse la disco beyrouthine pour atteindre l’autre côté.
Le monde continue de tourner, que je fasse ou pas ce que je fais. Que nous retrouvions ou pas la valise égarée de Walter Benjamin, la civilisation poursuivra sa marche en avant et en arrière, les gens iront de par le monde, les guerres feront rage, des repas seront servis. Qu'on lise Pessoa ou pas. Ces histoires artistiques sont des broutilles. Ce n'est que pure folie.
Vanitas vanitatum, omnia vanitas.
"Je suis lasse. Je ne souhaite pas penser à ma mère ce matin. Je ne souhaite pas penser à ma vie Je veux me perdre dans celle de quelqu'un d'autre. Un matin léger et sans effort, voilà ce dont j'ai besoin."
Quiconque prétend que le stylo est plus fort que l'épée ne s'est jamais retrouvé nez à nez avec un pistolet.
Je suis seule.
C'est mon choix, mais c'est aussi un choix qui tient compte du peu d'autres options disponibles. La société beyrouthine n'appréciait pas les femmes divorcées sans enfants en ce temps-là.
Les Beyrouthins non loquaces sont aussi rares que les couleurs primaires vives dans l'Arctique enneigé (...)
Des livres dans des cartons - des cartons remplis de papier, de feuilles volantes de traduction. C'est ma vie.
Je me suis depuis longtemps abandonnée au plaisir aveugle de l'écrit. La littérature est mon bac à sable. J'y joue, j'y construis mes forts et mes châteaux, j'y passe un temps merveilleux. C'est le monde à l'extérieur de mon bac à sable qui me pose problème. (p 15)
La littérature m’apporte la vie, et la vie me tue.
Je me suis rapatriée dans la chambre, retour à la pile de livres sur mon armoire de toilette sans glace, des livres non lus que j'ai l'intention de lire, une pile imposante.
Le choix du livre ne pose pas de problème. J'opte typiquement pour le dernier rapporté à la maison. Je fais constamment l'acquisition de livres que je place sur la pile à lire. Lorsque je termine la lecture d'un livre, quel qu'il soit, j'entame le dernier acheté, celui qui a attiré mon attention le plus récemment. Bien sûr, la pile ne cesse de grossir jusqu'à ce que je décide que je n'achèterai plus un seul livre tant que je n'aurai pas lu la pile. Parfois cela marche.
Je me suis rapatriée dans ma chambre, retour à la pile de livres sur mon armoire de toilette sans glace, des livres non lus que j’ai l’intention de lire, une pile imposante. Le choix du livre ne pose pas de problème. J’opte typiquement pour le dernier rapporté à la maison. Je fais constamment l’acquisition de livres que je place sur la pile à lire. Lorsque je termine la lecture d’un livre, quel qui soit, j’entame le dernier acheté, celui qui a attiré mon attention le plus récemment. Bien sûr, la pile ne cesse de grossir jusqu’à que je décide que je n’achèterai plus un seul livre tant que je n’aurai pas lu la pile. Parfois cela marche.
Pour filer cette métaphore sableuse, si la littérature est mon bac à sable, alors le monde réel est mon sablier – un sablier qui s’écoule grain par grain. La littérature m’apporte la vie, et la vie me tue.
Ce soir je me sens vivante - vivante avec cheveux bleus et vin rouge.