FLEUR BLANCHE
extrait 2
Ton corps de biche plus grande
De biche par-dessus l’eau
De biche dans l’air des poudres
Ton corps sanglant de marbre
Ton corps repousse les mots
D’un haussement de lumière
Fait un nœud dans la nuit
Où se forment les mots
À la source des mots
Elle pose un lien de soif
Le puits de ta lumière
S’ouvre dans mon silence
Et ton bâillon de plume, de poil
Et de poison,
Ton bâillon d’incendie
Est la pierre du silence
J’allais meuglant, des crics
dans le gosier, au printemps.
Il y a des péninsules…
Il y a des péninsules
et du bleu sur les branches
il y a de l’or entier
dans la neige qu’on récite
et des tessons de lune
dans la paille du carrefour
il y a qu’il pleut le dimanche
et que ça exaspère
les lents porteurs d’amour
…
les déjeuners sur l’herbe
[…]
On déjeunait d’olives et de sentiments
à l’ombre d’un vieux rocher
et tu te demandais
s’il existait de jeunes rochers
Je ne savais pas je ne savais pas
je regardais ta bouche te poser des questions
à voix haute, dans l’été
Il y avait bien des rats des requins des retours
dans des rais de lumière
mais ça ne comptait pas
On avait soif aux fontaines
faim juste avant la chasse
et le plaisir
coulait de sources inversées,
librement inversées
[…]
L'inutile
L'inutile nous regarde avec ses yeux serrés
L'alcool des grands morts brûle aux bûchers de l'âge,
brûle la hache des bouchers
On croira qu'il fait beau, on croira l'étincelle :
l'inutile nous regarde avec ses yeux de cire
Plus mort qu'un rat, plus roi qu'un mort
est l'inutile
avec ses filles entre les haies
et ses croisés à la fenêtre -
l'inutile aux bras lourds,
au souffle vaste sur les écrans
Il y a des poussières nues et des bêtes incertaines
ce n'est pas l'inutile
Il y a les roses de l'inutile,
le balancement de l'inutile,
des montagnes de montagnes
et les méduses du temps
L'inutile, c'est l'être-là,
et l'être-là nous n'y sommes pas.
Pierre Peuchmaurd, Parfaits dommages et autres achèvements