Citations de Natsume Soseki (666)
Pour l’heure j’ai oublié la poésie
Ma mémoire ne tente rien pour la retrouver
J’ai oublié tous les poèmes
L’oeil vague je regarde par la fenêtre s’étendre
L’ombre des arbres qui s’ennuient
Le soleil couchant éclaire un sentier
Un moine s’éloigne
Le feuillage cuivré d’un érable cache
Le campanile du temple
Qui s’enfonce dans les profondeurs
Du village embrasé par l’automne
Détaché de toutes choses
Je lève les yeux vers les nuages
Mon cœur est transporté
Le son d’un koto
Je suis heureux
Vieillir dans la sérénité
Bonheur suprême de l’homme sur cette terre
Le cœur en paix
Qu’un chien aboie que le coq chante
Tout résonnera avec douceur à mon oreille.
« Est-ce que je vous lave la tête ?
— Non, je n'y tiens pas.
— Bien, je vais m'occuper de vos pellicules alors. »
Le patron a trempé ses dix doigts dans l'eau douteuse de la cuvette, et le voilà qui les pose avec aplomb sur mon crâne et sans me demander mon avis se met à frotter avec une force étonnante dans un aller et retour infernal. Ses ongles passent et repassent à l'allure d'un râteau géant sillonnant une contrée stérile à la vitesse d'un ouragan, en séparant un par un les cheveux noirs à la racine. J'ignore combien de centaines de cheveux poussent sur ma tête, mais chacun d'eux ayant été déraciné, le terrain nu et graisseux labouré, avec les forces qui lui restent, le patron me masse le crâne avec une telle violence que le choc me traverse des pieds à la tête et que mes os et ma cervelle en sont ébranlés.
« Qu'est-ce que vous en dites ? Ça fait du bien, non ?
— Vous avez un doigté exceptionnel !
— Vous croyez ? Tout le monde se sent bien après ça, vous savez.
— Je préfère vous dire que j'ai l'impression que ma tête va se décoller !
— Vous êtes à ce point fatigué ? Ça doit être à cause de la température. »
Chapitre 5.
Il me parut absurde de me retrouver dans un paysage aussi beau pour faire des commentaires avec ma mère à l’infini dans le dos de ma belle-sœur.
p.119
Aujourd'hui je sais l'automne
Ruissellement de la pluie
Qui ne connaît pas de fin
Monstre
Il montre son cul rond
Le potiron.
Assis seul en silence
J'aperçois une lueur au fond de mon cœur
Il se passe trop de choses chez les hommes
Comment pourrais-je oublier ce monde intérieur ?
J'ai par hasard obtenu une journée de sérénité
J'ai compris cent ans d'agitation
Où pourrais-je garder cette nostalgie lointaine ?
Sinon dans le ciel vaste où règnent les nuages blancs
L'expression d'une force admirable contient en elle-même la crainte qu'un jour elle ne s'épuise.
OREILLER D'HERBES, Chapitre 6.
Faire preuve de raison crée des conflits. Laisser parler son cœur conduit à la dérive. Imposer sa volonté est source de fatigue. Bref, il n'est pas facile de vivre dans le monde des hommes.
Chapitre 1.
Un jour, tandis que j'étais dans mon bureau, occupé comme d'habitude à confier au papier des choses mélancoliques, un bruit étrange est parvenu à mon oreille.
La véranda bruissait. On aurait d'abord pu croire qu'une femme avançait en retenant le bas de son kimono de soie, mais le froissement de l'étoffe sur le plancher était par trop vif pour un simple bas de robe. J'ai alors comparé ce bruit au crissement des plis de l'ample pantalon que porte le chambellan, lors de la fête des poupées, évoquant le glissement de la soie sur les marches du palais fictif. Laissant mon roman, je sortis sur la véranda, le stylo entre les doigts : le moineau de Chine prenait son bain.
Sur l'aile du vent
Légère et lointaine
L'hirondelle
(" Haikus")
Le lendemain, à la suite du Maître, je sautai dans la mer. Puis je me mis à nager dans la même direction que lui. Comme nous avions à peu près fait deux-cents mètres vers le large, le Maître se retourna vers moi et m'adressa la parole. Immense et bleue, s'étalait la mer. Rien ne flottait aux environs, hors nous deux. Et la forte lumière du soleil, aussi loin que les yeux portaient, illuminait l'eau et les montagnes. La liberté, la joie emplissaient ma chair, que je faisais mouvoir dans la mer en une danse folle. Le Maître cependant arrêta ses mouvements, se mit sur le dos et fit la planche sur les vagues. Je l'imitai. Le coloris du ciel bleu miroitait jusqu'à entrer dans les yeux à la manière d'une flèche, et je sentais à mon visage les violentes couleurs qu'il me jetait :
- Qu'on est bien, n'est-ce pas ! criai-je à pleine voix.
Peu après, semblant se dresser sur la mer, le Maître changea de position :
- Ne rentrons-nous pas ? me proposa-t-il.
J'étais de nature assez résistante, et j'aurais pu sur la mer prolonger mes ébats. Mais dès que le Maître m'eût exprimé son désir :
- Bien sûr, dis-je de bonne grâce, bien sûr, rentrons !
Et tous les deux, par le même chemin, nous retournâmes vers la plage.
C'est de ce jour-là que je fus lié avec le Maître. Mais où habitait le Maître, je l'ignorais encore.
C'est le poème, c'est le tableau qui libère le monde des vicissitudes et rend l'univers digne d'être aimé. C'est la musique, c'est la sculpture. On pourrait aller jusqu'à dire qu'il n'est pas nécessaire de récréer le monde. Il suffit de regarder autour de soi pour que vive le poème, pour que jaillisse le chant. Les notes n'ont pas besoin de partition pour que la mélodie retentisse dans le cœur. Les couleurs n'ont pas besoin de support pour que la magnificence de la peinture se reflète aux yeux de l'esprit. Il me suffit de purifier, en me l'appropriant avec sérénité, le monde d'ici-bas, décadent et fangeux, par l'intermédiaire du cœur. C'est ainsi que le poète sans voix qui ne compose pas une seule rime, le peintre sans couleurs ni tissu de soie, doué de la faculté de voir ce bas monde, capable de se délivrer des passions pour pénétrer dans une sphère de pureté et bâtir un univers sans pareil… plus qu'un fils de riche, plus qu'un fils de puissant, plus qu'un enfant chéri dans le monde ordinaire, est un être heureux.
Chapitre 1.
Vent d'est vent de printemps
Si je savais que tu m'attends
M'en irais de suite
L’amour est beau, la piété filiale est belle, pourquoi pas aussi la loyauté et le patriotisme ? Mais lorsqu’on est soi-même confronté à ce genre de situation, on est entraîné dans le tourbillon des intérêts personnels. Par conséquent, on ne décèlera pas soi-même où se situe la poésie.
Demandez au vent
quelle feuille
tombera la première
Entre les feuilles du volubilis
Un reflet
Les prunelles du chat
Les hommes meurent
Les hommes vivent
Passent les oies sauvages
L'année s'en va
Le chat demeure
Sur mes genoux blotti
Très bonne année 2023 à tous, que je vous souhaite poétique et douce!
Les hommes meurent
Les hommes vivent
Passent les oies sauvages
Je suis vivant
Mes yeux se lèvent vers le ciel si haut
Où vole une libellule rouge