Citations de Michael Marshall Smith (147)
Une idée a besoin d’un but à atteindre, mais la fuite n’offre pas de destination. La fuite se contente de vous hurler que vous devez vous trouver n’importe où sauf ici.
La forêt paraissait un peu moins froide. Tout devint flou et liquide tandis qu'il restait assis à tanguer dans le noir complet. Il avait froid et n'avait pas froid, il était mortellement las et parfaitement éveillé. La peur tournoyait dans les buissons mais restait hors d'atteinte, jusqu'à ce qu'il ne prenne plus la peine de se fourrer des choses dans la bouche. Vouloir suivre ses pensées, c'était comme marcher seul dans une rue déserte où tous les magasins fermaient l'un après l'autre.
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[La vieille dame] déposa une tasse de thé à côté de lui. Elle ne ressemblait à aucune des tasses à thé qu’il avait vues auparavant. Le liquide était d’un brun sombre, presque rouge.
_ Voilà.
_ Est-ce que c’est… un genre de thé spécial ?
_ Non, dit-elle en se laissant doucement retomber dans l’autre siège. C’est seulement fort la plupart des gens font leur thé bien trop léger. Et à quoi est-ce que ça sert ? Si vous voulez du thé, buvez du thé. Voilà ce que j’en dis.
A côté de la tasse, elle déposa une assiette sur laquelle était posé le contenu de son sac en papier brun. Il s’agissait d’un gâteau, mais d’un genre auquel Mark n’était pas habitué. Il pensait pourtant avoir vu des choses comme ça à vendre au Point de Rencontre. Le gâteau avait été soigneusement coupé en deux. Mark prit l’une des parts et y mordit prudemment. Il était dur, il avait un goût de farine et était garni de petits raisins. Ca ne collait pas avec l’idée qu’il se faisait de quelque chose de bon.
_ Très bon, dit-il en le reposant.
_ Continue, rétorqua-t-elle. Tout n’est pas bon à la première bouchée.
Cela ressemblait désagréablement au sermon que David lui avait fait à l’étage, avant qu’il s’enfuie. Et Mark se redressa sur son siège.
_ Oh, trésor, dit la vieille dame, est-ce que j’ai dit quelque chose de mal ?
Ils restèrent ainsi un moment. Mark reprit le gâteau et y mordit encore. Le goût était toujours bizarre, comme venu d’un temps où les gens mangeaient des trucs parce qu’ils étaient obligés de manger, et pas parce qu’ils espéraient en retirer du plaisir. La guerre peut-être, déduisit Mark, lorsque les choses avaient été en général de moins bonne qualité. En revanche, il aimait le thé fort. Et les troisième et quatrième bouchées de gâteau – il avait entre-temps revu son niveau d’exigence à la baisse – n’avaient pas été aussi mauvaises. Les raisins, au moins, étaient bons.
"Ce serait bien commode de pouvoir redessiner le passé, changer une chose ou deux, ici et là, certains gestes scandaleusement stupides par exemple, mais, si on le pouvait, le passé ne cesserait pas de bouger".
Quand on est avec une femme forte (et elles le sont toutes, quoi qu’elles puissent en dire : les femmes disposent d’une robustesse dont les hommes n’osent rêver), dès qu’on lui cède un pouce de terrain, on est sûr d’en concéder bien davantage à l’avenir.
Un enfant ou un chiot apprend, après avoir approché une flamme de trop près, à ne pas recommencer.
La panique résiste à la discussion, à l'analyse, comme à toute forme d'argument massue. La panique n'écoute pas, elle n'a pas d'oreilles, seulement une voix.
On s'attend que les gens s'entre-tuent dans les mégalopoles: en notre for intérieur, nous savons qu'elles sont trop vastes et qu'elles agglutinent des inconnus sans jamais préciser le pacte moral qui les lie.
Les monstres existent.
Pour de vrai.
Mon père m'a dévoilé la magie des livres. Entre deux couvertures, on peut trouver n'importe quoi. Les livres sont tranquilles et silencieux; pourtant chacun d'eux est comme une porte.
L'enfer, c'est la vie, et la vie, c'est tout ce qu'il y a.
Les silhouèttes recroquevillées à chaque coin de rue, sous chaque porche empestant la pisse, prouvent que la musique de la civilisation s'enraye souvent et qu'il ne reste jamais assez de chaises pouir tout le monde.
Mon paternel disait toujours que les chats n'étaient que des machines à dormir, placées sur Terre pour effectuer une partie du sommeil des humains à leur place.
Plus une théorie parait bizarre, plus elle a de chances d'être vraie. Elle n'a l'air tordue que dans le contexte des mensonges qu'on nous apprend à gober.
La vérité est une fiction que l'on complète après coup pour rendre les circonstances moins épouventables, plus explicables, pour en rejeter la faute sur un autre, même si c'est forcement la sienne.
Plus on vieillit, plus les os se refroidissent. Comme s'ils se pétrifiaient lentement, se préparant pour le jour inopiné - ou la nuit inévitable- où on essaie de remuer les membres et qu'on les découvre inertes à jamais. Il n'y a alors plus rien d'autre à faire que d'attendre que quelqu'un nous ferme doucement les yeux. Le corps se résigne à la vieillesse, il n'a jamais espéré durer pour toujours. L'esprit, lui, n'a pas cette conception, et n'a aucune considération pour le temps.
King County fut créé le 22 décembre 1852, et l'année 1853 vit la visite du premier gouverneur du territoire, le colonel Isaac Stevens, dont la mission consistait à chasser les tribus de leurs terres. En 1854, le chef Seattle prononça un discours exemplaire de justesse et de vérité. Mais Visage pâle n'a pas compris le message, bien sûr. Visage pâle est infoutu de piger quoi que soit.
La journée passe, et on se demande quelle est sa récompense. Il devient vite évident que le seul trophée à gagner est le droit d'avoir à supporter le lendemain.
Ce soir-là, il avait donné congé à son âme.
Le rire des enfants de cet âge est un des plus beaux sons qui soient. C'est le genre de son qui fait pousser les arbres.