AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Maurice Nadeau (40)


Puisque la révolution sociale a échoué et semble indéfiniment reportée dans le temps, on s'oriente du moins vers une révolution morale.

[Maurice Nadeau qualifie le climat politique et littéraire d'après guerre]
Commenter  J’apprécie          40
L'homme déchiré entre sa raison agonisante, mais qui fait toujours la fière, et un domaine inconnu qu'il sent le véritable moteur de ses actes, de ses pensées, de sa vie, et dont il a la révélation dans le sommeil à quoi il consacre près de la moitié de son existence, ose y porter les yeux.
Commenter  J’apprécie          40
Ils [les surréalistes] s’aperçurent chemin faisant que vouloir changer sa vie, sa propre, son individuelle vie, c’est ébranler les assises mêmes du monde. La vision d’un tel but n’est pas pour les effrayer, au contraire.
Commenter  J’apprécie          40
Pieyre de Mandiargues est amoureux de l'insolite sous toutes ses formes : celui qui se manifeste dans les créations de la nature et des hommes, celui qu'on rencontre dans la vie quotidienne. Il est ennemi du banal, du coutumier, de l'habituel, de tout ce qui se manifeste à un nombre trop grand d'exemplaires. Esthète (à la façon dont on dirait décadent à la fin du XIXe siècle), il s'enflamme pour le détail d'un tableau, pour le motif ornemental d'un meuble, pour la forme bizarre d'un rocher. L'insolite n'est pas pour lui le signe d'une présence mystérieuse et ne renvoie à aucun au-delà. Il existe par lui-même et pour lui-même ; la joie qu'il communique est purement esthétique. Comme toute apparition de "baroquisme" en notre civilisation industrielle et utilitaire, il témoigne des mille possibilités de l'homme livré à lui-même, hors des contingences, des mille formes que peut revêtir son désir d'évasion.
Commenter  J’apprécie          30
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris l'U.R.S.S.
©1963, Éditions Gallimard.
Commenter  J’apprécie          21
Comme celle de 1914-18, la Guerre mondiale de 1939-45 a profondément ébranlé la société occidentale.
Ce que l'événement et ses suites ont manifesté correspondait à des changements moins visibles qui s'étaient depuis longtemps opérés dans les structures économiques et sociales autant que dans les esprits.
La montée des fascismes européens, le sursaut, en France, d'un libéralisme faiblement teinté de socialisme, l'écrasement de la révolution espagnole — aspects divers d'une même crise — avaient réuni les conditions de l'énorme affrontement sanglant qui mit aux prises, presque partout à la surface du globe, des millions de combattants dont tous n'étaient pas volontaires.
L'événement devait outrepasser les limites qui lui avaient été tacitement reconnues et dérouler, à son tour, une série de conséquences imprévues. Quand on sortit du cauchemar, on s'aperçut que des valeurs depuis longtemps mises en doute étaient bien mortes. Le temps du nihilisme, dont on attendait et redoutait la venue, cette fois nous le vivions. La faim, les ruines, les exactions, les tortures, les millions de cadavres, l'assassinat délibérément perpétré de masses humaines dans les camps de concentration ou les grandes cités urbaines et qui devait culminer dans l'anéantissement instantané des habitants d'Hiroshima, tendaient à l'homme européen une image de lui-même qu'il ne reconnaissait pas. Les croyances, morales, philosophies, métaphysiques qui représentaient la conquête dure et patiente des meilleurs esprits de tous les siècles avaient été consumées dans l'événement. On avait vu fleurir l'exaltation des instincts biologiques et raciaux, les fanatismes religieux et nationaux, la confiance aveugle en Dieu ou dans le Destin. L'homme d'Occident reprenait pied, hagard, dans un univers saccagé.
Les plaies furent assez rapidement pansées, les ruines relevées. La Science et la Technique, démobilisées, prenaient un nouveau départ qui menait à une restauration des richesses, à leur augmentation dans des proportions considérables. Avec la domestication de l'énergie atomique, de nouveaux horizons s'ouvraient, prometteurs de merveilles. L'homme, aujourd'hui en passe de voyager dans le Cosmos, jouit sur sa planète de conditions de vie qu'il n'a pas encore connues. Aux nations rivales, dont les antagonismes avaient conduit en moins de cinquante ans à des incendies gigantesques, se substituaient de grands empires continentaux qui maintiennent "l'ordre" et "la paix" dans leurs sphères d'influence respectives.
Pourtant, la confiance n'est pas revenue. Le nouvel équilibre mondial, précaire, est sans cesse à la merci d'une pesée un peu plus forte sur l'un des plateaux de la balance. Les conquêtes de la Science et de la Technique effraient plus qu'elles n'enthousiasment: au terme d'une série de causes et d'effets qui n'obéissent pas tous à la volonté des hommes, elles peuvent immédiatement mettre en question l'humanité toute entière, cette humanité qui comprend encore un milliard d'hommes sous-alimentés. Tout se passe comme si le mal dont souffrait l'Europe et qui l'a menée au bord du suicide, au lieu de se résorber, avait fait tache d'huile. Après les nations d'autrefois, ce sont maintenant les empires dont dépend le sort du monde qui s'abandonnent aux fanatismes conquérants, aux patriotismes bornés, aux menaces d'anéantissement réciproque. Un "équilibre de la peur" s'est instauré, dans la perspective redoutée d'un suicide généralisé qui agit en même temps comme une terrible tentation.

(Introduction : L'artiste et son temps)
Commenter  J’apprécie          20
On ne peut plus aimer après Breton et Eluard comme on aimait avant eux : la femme qu’ils ont magnifiée plus qu’aucun poète est devenue le pain vivant de tous les jours, le ciel des contrées sumériennes, l’alpha et l’oméga de toutes les recherches, c’est le monde comestible à portée de la bouche.
Commenter  J’apprécie          20
La vraie révolution, pour les surréalistes, c’est la victoire du désir.
Commenter  J’apprécie          20
L’homme était non seulement prisonnier de la nature, de ses conquêtes sur elle, mais de lui-même ; il s’était entouré l’esprit de bandelettes qui l’asphyxiaient peu à peu.
Commenter  J’apprécie          20
Ce que Sartre reproche à Mauriac, dans un article retentissant, c'est d'agir à l'égard de ses personnages comme un Dieu créateur, omniscient et tout-puissant, qui connaît à l'avance les réponses aux questions qu'il pose, alors que le roman doit être le terrain où ces questions se résolvent au moyen des personnages ou des situations. Non seulement Mauriac tient ses personnages en laisse, mais il parle par leur bouche. Ils ne sont qu'un masque à travers lequel il s'exprime. Il s'est "préféré" à eux. Il ne faut donc point attendre qu'ils le surprennent ou nous surprennent. Alors qu'un roman est écrit "par un homme pour des hommes", M. Mauriac "a choisi la toute-connaissance et la toute-puissance divines". Conclusion: "Dieu n'est pas un artiste; M. Mauriac non plus."

P. 84
Commenter  J’apprécie          10
VI- Qu'est-ce qu'un auteur ?

Comment découvrir de nouveaux auteurs ?

Par la poste ! Ling Xi va pouvoir témoigner, elle m'a envoyé le manuscrit, et j'ai répondu tout de suite.M'a rendu curieux le fait qu'elle est une chinoise qui écrit en francais.Elle avait la possibilité de publier chez plusieurs éditeurs, parmi les grands, mais elle m'a choisi.J'en suis fier.

(...) M.N.: Je venais de lire quelques romans chinois, des traductions, quand j'ai reçu le manuscrit de " La Troisième Moitié ".J'ai voulu rencontrer l'auteur, je me disais que si elle avait vraiment écrit cela en français c'était tout à fait extraordinaire.Sa langue est vigoureuse, percutante, imagée, évocatrice....je l'ai donc appelée tout de suite.

( p.87)
Commenter  J’apprécie          10
Il est des œuvres qui suscitent admiration et respect .D'autres qu'on se borne à aimer ,à relire,avec lesquelles on noue des rapports secrets , et qui ne sont pas forcément des chefs d'œuvre.D'autres pour lesquelles on s'est enthousiasmé et qui ,dix ans ,quinze plus tard, ont étrangement perdu leur suc.Rares sont celles qu'on aime et qui vous en imposent ,grandissent à chaque lecture ,deviennent plus riches , plus émouvantes,plus profondes.L'Education sentimentale est de celles-ci.
Commenter  J’apprécie          10
Maurice Nadeau
L'homme, pour Beckett, est seul, jeté dans un monde sans signification (...) nous errons sans but dans la nuit et sommes condamnés à y errer sans que cette situation pitoyable comporte un soupçon de grandeur Dans Combat, le 12 avril 1951 au sujet de Molloy
Commenter  J’apprécie          10
" L'oeuvre vaut toujours plus que le bien, ou le mal, qu'on dira d'elle. "
Maurice Nadeau
Commenter  J’apprécie          10
Mais les surréalistes ne sont ni des politiques, ni des savants, ni des philosophes, et fort peu des médecins. Ce sont des poètes, des spécialistes du langage, et c'est à lui qu'ils vont s'attaquer.
Commenter  J’apprécie          00
Il serait cependant erroné de croire qu'un mouvement de cette ampleur a été le fruit de quelques cerveaux isolés. L'audience qu'il a trouvée, l'admiration et la haine qu'il a suscitées, prouvent qu'il répondait à des besoins, des aspirations, éternels certes, mais qui prirent une particulière acuité à l'époque qui l'a vu naître. Il a été d'autre part précédé par le cubisme, le futurisme. Dada.
Commenter  J’apprécie          00
Comment parler d’Henry Miller ? Où le ranger dans nos classifications, que restera-t-il de lui après nos analyses, et faut-il que la critique soit toujours cette radoteuse qui ne peut dire oui sans ajouter mais, et prôner une affirmation sans la faire suivre d’un si ou d’un toutefois ? Miller est un de ces hommes qu’on accepte ou qu’on rejette en bloc. Il suscite l’admiration ou le dégoût, sans restrictions. Et qu’on ne vienne pas embrouiller la question avec les sempiternelles considérations morales. C’est un nihiliste, un maniaque sexuel et un débauché, un schizophrène et un mégalomane. Tout ce que vous voudrez. C’est aussi un homme qui se tient fermement sur ses deux pieds, qui écrit : « Le corps est le fondement, l’impérissable », et mène d’une main ferme ses hallucinations parmi le dédale des plus beaux délires verbaux. Ce débauché écrit : « Je porte un ange en filigrane », ce mégalomane qui n’a jamais tenté d’être Dieu s’est efforcé d’être l’homme qu’il est. Lui et ses livres, c’est tout un, et que nous importe que certaines de ses aventures soient imaginaires ?
(« L’œuvre pathétique de Miller »,
Combat, mars 1946)
Commenter  J’apprécie          00
L’apparition d’Aimé Césaire dans le ciel poétique d’après-guerre ne peut au mieux se comparer qu’à l’éclatement d’un astre dont nous ne percevons pas encore la lumière. Michaux, Prévert, Péret, Breton, étoiles fixes que la nuit de l’Occupation a rendues plus brillantes, scintillent aujourd’hui à ciel ouvert. Les astronomes de la critique ont levé leurs coordonnées, prévu leur ellipse, évalué leur maximum de luminosité et décelé déjà leurs satellites ; Césaire est un astre fou et vagabond dont l’incandescence n’est encore qu’au rouge sombre et doit parcourir quelques degrés du spectre avant de briller à l’égal de l’ultra-violet éluardien...
(« Aimé Césaire surréaliste »,
La Revue internationale, novembre 1946)
Commenter  J’apprécie          00
Dans les souvenirs et témoignages qu’il a donnés de son existence, Maurice Nadeau fait de cet engagement le tournant de sa vie, celui qui le fait passer de l’enseignement au journalisme, de l’action clandestine à la prise de position publique, de l’ombre à la lumière. Il faut comprendre ce que représente Combat à l’époque auprès des élites politiques et intellectuelles. La plupart des organes de presse d’Avant-guerre ont disparu  ; beaucoup de maisons d’édition ont trempé dans la Collaboration. D’importants penseurs sont morts fusillés ou en déportation. D’autres se sont exilés : Breton, Chagall, Lévi-Strauss, Jacques Maritain, Jean Perrin.
Les principaux repères du paysage intellectuel antérieur ont disparu. Il faut donc tout refonder à partir de la Résistance et des rares institutions qui ont préservé leur intégrité morale. Refonder, mais aussi réparer les crimes des années précédentes, avec les dilemmes moraux que l’on connaît : punir oui, mais comment ? dans quelle proportion ? et sans confondre justice et règlement de comptes…
Le Comité National des Écrivains, relancé en 1943, en établissant sa « liste noire », institue le débat sur la responsabilité de l’écrivain dont la page littéraire de Combat, entièrement sous la responsabilité de Nadeau, va se faire largement l’écho. Le journal de Pascal Pia, dont la postérité a fait le journal de Camus – mais Nadeau s’est toujours employé à rappeler que si Camus en était la vitrine, Pia en représentait l’âme et l’ouvrier –, a été pendant quelques années la référence morale en matière de presse indépendante.

Tiphaine Samoyault
Extrait de la préface
Août 2018
Commenter  J’apprécie          00
Les termes sont nets : « Création d’un mysticisme d’un nouveau genre. » Breton, résumant plus tard l’activité surréaliste, en verra l’ambition fondamentale dans la « création d’un mythe collectif ».
(…)
Un hosannah en l’honneur de l’Orient et de ses valeurs fait pourtant le contenu presque entier du numéro 3 de la Révolution surréaliste. Un éditorial intitulé : « A table », non signé, mais qu’il faut attribuer à Antonin Artaud, marque bien que la logique doit encore faire les frais de ce nouvel amour. Et dans une « lettre aux Recteurs des universités européennes » on semble s’en prendre aux racines du mal, à la funeste éducation occidentale toute juste capable de fabriquer des « sépulcres blanchis » : faux ingénieurs, faux savants, faux philosophes, aveugles aux vrais mystères de la vie, du corps et de l’esprit, parce que momifiés dans les bandelettes de la logique. Le remède se trouve dans l’Asie, « citadelle de tous les espoirs » (Robert Desnos) pour laquelle un amour s’exprime en déclarations enflammées :

« Nous sommes tes très fidèles serviteurs ô grand Lama, donne-tous, adresse-nous tes lumières, dans un langage que nos esprits contaminés d’Européens puissent comprendre et au besoin change notre esprit, fais-nous un esprit tourné vers ces cimes parfaites où l’esprit de l’Homme ne souffre plus…

« L’Europe logique écrase l’esprit sans fin entre les marteaux de deux termes, elle ouvre et referme l’esprit. Mais maintenant l’étranglement est à son comble, et il y a trop longtemps que nous pâtissons sous le harnais. L’Esprit est plus grand que l’esprit, les métamorphoses de la vie sont multiples. Comme vous, nous repoussons le progrès : venez, jetez bas nos maisons… »

Robert Desnos appelle au secours les barbares asiatiques capables de marcher sur les traces des « archanges d’Attila ». Et les morts eux-mêmes, ceux qui ont cru à la toute-sagesse de l’Asie, comme Th. Lessing, sont enrôlés pour cette croisade.

On voit pourquoi cette Asie idéale devait plaire aux surréalistes. Les sages de l’Orient n’avaient-ils pas déjà répondu aux questions que les surréalistes se posaient ? Au prix d’une destruction radicale ou d’un oubli parfait – mais peut-on oublier ce qu’on n’a jamais connu ? – de la logique, de la connaissance mécaniste, des compartimentages de la science, tout ce qui finalement donna la suprématie à l’Occident, ces hommes semblaient vivre dans une communion perpétuelle avec l’essence des choses, avec l’esprit du grand Tout, sinon dans un parfait bonheur – idéal vulgaire – du moins dans une liberté totale. (pp. 73-75)
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Maurice Nadeau (165)Voir plus


{* *}