obliques rayons du crépuscule
irradient sur collines et vallons
jeux d'ombre et de lumière
élémentaire mélancolie de l'existence
tout compte et rien n'importe
j'existe le monde existe tout est insensé
et tout est merveilleux
la vie est démesurément belle
et la mort est immensément là
(" Je est un pronom sans conséquence")
Sur la pente de la vie
plus le temps va vite, plus il ralentit
moins il reste de moments
plus ils irradient
autrefois pour une journée de soleil
on disait:il fait beau aujourd'hui
ce matin sous le ciel bleu
je dis:il fait beau dans la vie
j'aime-et chaque instant est grâce
Pas encore, je n'ai pas encore
assez étudié le manège des saisons
pas encore, je n'ai pas encore
vraiment compris le vol des abeilles
pas encore, je n'ai pas encore
lu tous les livres d'Erri De Luca
pas encore, je n'ai pas encore
assez aimé celle que j'aime
mon éternité, c'est encore quelques instants
Sous ce ciel, à la lisière de cet horizon
vit celle que, miraculeusement, j'aime
dans l'abîme du temps, dans la confusion des siècles,
parmi l'indescriptible chaos de tout ce qui est
au coeur de l'absurde non sens de la vie
vit celle que, miraculeusement , j'aime
quand j'ouvre les yeux c'est elle que je veux regarder
quand la vie me sourit, c'est elle qui sourit
quand je nomme le bonheur, c'est son nom que je dis
Et si je vous disais que dans le ciel
tout bleu les oies sauvages sont passées
et si je vous disais qu'elles m'appelaient
viens au lointain nord avec nous viens
et si je vous disais que je suis parti
avec elles me dissoudre au-delà de l'horizon
et si je vous disais que mon âme chétive
a tout doucement bleui dans la bleuitė
le bleu du ciel-ma demeure à jamais
parfois je me demande comment je fais pour tenir debout parmi les débris et les traumatismes, les cassures et les effondrements
CXIV
jamais plus — pathétisme qui n'émeut
personne, sauf celui qui le profère
j'ai le cœur brisé — parole de midinette
sauf pour celui qui a le cœur brisé
je ne vais plus jamais goûter ton miel
produit par les abeilles du désir
douceur / douleur, ça bascule à l'endroit
même où nos deux initiales s'enlacent
tombe le couperet du désamour
toute la douceur était si doux leurre
si les circonstances ou les convenances (trop proche voisinage, trop minces cloisons, etc) ne permettent pas vraiment de hurler, cela diminue substantiellement la qualité de la jouissance finale
Je t'ai regardée beaucoup
et ça m'a beaucoup ému
Je t'ai trouvée si belle
que ça m'a presque fait pleurer
et j'ai pensé au dedans de moi
que je ne voulais pas bientôt mourir
et j'ai pensé que je voulais encore
et encore te prendre dans mes bras
il m'importe mon amour que nous vivions
(" Je est un pronom sans conséquence ")
60.
Disques et cassettes, par centaines alignés sur les planches ; muettement, ici c'est silence, je n'écoute plus de musique, presque plus, presque jamais, j'aime & cultive le silence, il pèse mais apaise aussi, je suis tout le temps, inconsciemment, à l'affût, ne pas être surpris, entendre à temps si jamais quelqu'un s'approche, frappe ou sonne à ma porte, cela n'arrive que très rarement, quand ça sonne, c'est le facteur, avec des livres ou une signature pour une lettre recommandée, quand ça sonne c'est le gamin de la femme de ménage qui vient voir la chatte, deux ou trois fois par semaine il entre et monte à l'étage, à la recherche de l'animal qui somnole dans une des chambres, après un quart d'heure il redescend, dit à bientôt et s'en va, quand ça sonne c'est la petite Norya qui vient avec son père ou sa mère, elle a deux ans, toute gracieuse & espiègle, elle adore explorer mon logis, court d'une pièce à l'autre, s'empare des stylos qui traînent partout, me demande de lui dessiner un bébé chat, – tout le reste du temps je suis seul dans ma grande maison, seul et muet et silencieux, je lis, étudie, écris, de temps en temps je monte à ma chambre, m'allonger, somnoler, avant de glisser dans la somnolence, je suis assailli par les souvenirs, presque chaque fois le spectre de l'autre maison, je me promène à travers les pièces, me souviens de notre vie, dix années abîmées effondrées détruites dissoutes, a heap of broken images...
30 décembre 2008