Citations de Joshua Slocum (38)
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J'étais joyeux d'embouquer à nouveau le détroit de Magellan, et de le passer une seconde fois vers le Pacifique, car, au large de la Terre-de-Feu, la mer était plus que mauvaise : elle était littéralement "montagneuse". Dans les rafales les plus violentes, et alors que le sloop ne portait que la trinquette avec un ris, le seul battement de cette petite voile le faisait frémir et trembler de la carlingue à la pomme du mât. Si un doute sur la solidité du bateau avait pu me venir à l'esprit, j'aurais craint alors qu'une voie d'eau ne se déclarât au galbord, au pied du mât ; mais pas une fois je ne dus pomper. Sous l'impulsion des petites voiles réduites que j'avais établies, le Spray filait vers la terre comme un cheval de course, et c'était un travail passionnant que de le mener à travers les lames, de crête en crête, en manoeuvrant pour qu'il ne se couche pas. Je ne quittais plus la barre, maintenant, et je faisais de mon mieux.
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NDL : il doit être "au vent portant", et maintenant, on appelle ça "surfer sur les vagues", et c'est vrai que c'est jouissif de mener un bateau de plusieurs tonnes à surfer !
Souviens-toi, mon Dieu, que ta mer est si grande et que mon bateau est si petit.
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NDL : Joshua prie cela au large du Chili ; moi, sans comparaison ( mais tout de même ), je l'ai fait au large de Guernesey.
Le marin, comme le parapentiste dans son domaine, est fier et trop confiant tant qu'il n'a pas subi cette épreuve ; après, il peut devenir "un vieux marin aguerri".
Dans le beau pays maritime de Nova-Scotia ( Nouvelle Ecosse ), s'élève une chaîne de montagnes appelée North Moutain, qui regarde d'un côté la baie de Fundy, et de l'autre la fertile vallée d'Annapolis.
La journée était parfaite, le soleil clair et chaud. Chaque goutte d'eau devenait en l'air un diamant, et mon bateau, taillant rapidement sa route, semblait rejeter derrière lui des colliers de brillants. Nous avons tous vu des petits arcs-en-ciel se former dans les embruns soulevés par l'avant d'un bateau, mais je n'en avais encore jamais admiré de semblable à celui qui précédait le Spray ce jour-là. Nous avions embarqué un bon ange à bord. Je le lisais dans la mer.
De beaux spécimen de Patagons, alertes et vigoureux à leur arrivée en ville le matin, ont lieu, le soir, de se repentir d'avoir approché des hommes blancs, qui les enivrent abominablement pour leur voler les fourrures qu'ils apportent.
La journée était merveilleuse, trop belle même pour que l’on pût se trouver bien à terre
Le consul américain, dans une belle vedette, vint m'accoster avant que j'eusse franchi les jetées, et un jeune officier de marine, qui craignait sans doute pour la sécurité de mon vaisseau, monta à mon bord et m'offrit ses services de pilote. Ce jeune homme, je n'en doute pas, aurait certainement été parfaitement capable de manœuvrer un grand navire de guerre, mais le Spray était beaucoup trop petit pour l'abondance des galons qu'il portait. Néanmoins, après avoir accroché tous les bateaux du port et coulé une barque, le Spray se trouva amarré sans avoir souffert trop de dommages. J'ai cru comprendre que ce merveilleux pilote s'attendait à recevoir une "gratification". Mais je n'ai jamais su si c'était parce que son gouvernement, et non pas moi, allait payé le renflouement de la barque envoyée par le fond, ou parce qu'il entendait être récompensé pour n'avoir pas coulé le Spray...Enfin, je lui pardonne.
Mon père était le genre d’homme qui, abandonné sur une île déserte, aurait réussi à rentrer à la maison, à condition de trouver un couteau et un arbre.
Le vent soufflait toujours du sud-ouest mais il avait un peu molli et les lames rugissantes s'étaient transformées en petites vagues qui frappaient doucement la coque du Spray, lui racontant des histoires qu'il écoutait visiblement avec plaisir.
Le brouillard se dissipa juste avant la nuit, et je pu voir le soleil se coucher. Lorsqu'il eut disparu, je me tournai vers l'est et là, juste au bout du beaupré, je vis une souriante pleine lune sortir lentement de la mer. Neptune lui-même montant à mon bord ne m'aurait pas surpris davantage. "Bonsoir, madame criai-je, heureux de vous voir!" Depuis ce soir-là, j'ai souvent eu de longues conversations avec la lune. Elle a eu toute ma confiance pendant le voyage.
Je dirai seulement que l’on apprend beaucoup par la pratique et que, pour les amoureux de la voile, les meilleurs professeurs sont le bon sens et l’expérience.
Le brouillard se dissipa juste avant la nuit, et je pus voir le soleil se coucher. Lorsqu’il eut disparu, je me tournai vers l’est et là, juste au bout du beaupré, je vis une souriante pleine lune sortir lentement de la mer. Neptune lui-même montant à mon bord ne m’aurait pas surpris davantage. « Bonsoir, madame ! criai-je, heureux de vous voir ! » Depuis ce soir-là, j’ai souvent eu de longues conversations avec la lune. Elle a eu toute ma confiance pendant le voyage.
Personne ne peut savoir quel plaisir on éprouve à naviguer seul en toute liberté sur les océans immenses, à moins d’en avoir l’expérience. Il n’est pas nécessaire, pour ressentir ce bonheur, de voyager en solitaire, mais pour moi, ce fut vraiment une grande joie.
J’étais donc destiné à naviguer dans la plus grande solitude, mais cela n’avait pas d’effets néfastes ; au contraire, les heures de méditation en mer faisaient croître en moi un sentiment de charité et de bienveillance.
J’ai souvent observé que les officiers trop sûrs d’eux-mêmes étaient ceux qui perdaient le plus souvent leurs bateaux, et des vies.
Plus je m’éloignais de la civilisation, moins j’entendais parler de ce qui était rentable ou pas
Je m’étais déjà aperçu que la solitude était une mauvaise chose, aussi trouvais-je compagnie dans tout ce qui m’entourait : parfois tout l’univers, et parfois mon insignifiante petite personne. Mais les livres étaient encore mes meilleurs amis.
Les jours passaient, heureux, partout où mon bateau naviguait
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Toute cette saison, je pêche avec mon nouveau bateau le long de la côte, pour découvrir finalement que je suis incapable de boëtter correctement un hameçon. Mais enfin voici le moment venu de lever l’ancre et de prendre la mer pour de bon. J’ai décidé d’effectuer un voyage autour du monde et comme, au matin du 24 avril 1895, le vent est favorable, à midi je lève l’ancre, j’établis la voilure et je quitte Boston où le Spray est resté mouillé bien sagement tout l’hiver. Les sirènes sifflent midi à l’instant précis où le sloop appareille sous toute sa toile. Je remonte un court moment dans le port, bâbord amures, puis, virant de bord, je mets cap au large, la bôme bien débordée à bâbord, et nous passons tous près des ferry-boats à bonne allure. Un photographe sur la jetée extérieure d’East Boston prend le bateau en photo quand il passe devant lui, son pavillon en bout de corne battant gaiement dans la brise. Je suis tout palpitant d’une émotion profonde. Mes pas sont légers sur le pont dans l’air vif. Je sais qu’il ne m’est plus possible de revenir en arrière et que je m’engage dans une aventure dont je ressens profondément la signification. J’ai pris fort peu conseil de quiconque, ayant en somme le droit d’avoir une opinion personnelle sur tout ce qui touche à la mer. Que le meilleur marin puisse faire pire encore que moi, même seul, cela m’est démontré à moins d’une lieue des docks de Boston où j’aperçois un grand vapeur avec équipage au complet, officiers et pilote, échoué et brisé. C’est le Venetian : il s’est proprement cassé en deux sur un banc. Cette première heure de mon voyage en solitaire m’apporte donc la preuve que le Spray est capable de faire mieux que ce vapeur avec tout son monde, car je suis déjà arrivé plus loin que lui.
C’est par un temps pareil que l’on songe à la vieille prière des pêcheurs : « Souviens-toi, Seigneur, comme mon bateau est petit et comme la mer est grande ! »