Joshua Slocum, ce marin, qui dit ne posséder "aucune expérience en yachting" est un modeste. C'est un capitaine au long cours qui a possédé et commandé plusieurs de ces trois-mats qui ont fait l'orgueil de la marine à voile, définitivement dépassée par la marine à vapeur en cette fin du XIXème siècle. Il a connu les fortunes de mer. Plusieurs fois, après naufrage, il a ramené sa famille et son équipage sur des bateaux qu'il avait lui même construits ou aménagés. Désormais sans embarquement, il songe à se reconvertir dans la construction navale. Un vielle coque pourrie lui est donnée par un ami. C'est l'occasion de la reconstruire de ses mains, à l'identique. le Spray est un petit sloop de 11 mètres, rustique et marin, avec lequel il décide un jour (le 24 avril 1895), à 51 ans, de faire ce qui n'a jamais été fait auparavant sur un si petit bateau : le tour du monde en solitaire !
En toute modestie : il avoue ne rien connaitre aux voiles auriques, "la plus grande partie de [sa] vie s'étant écoulée sur des bateaux à phares carrés" mais avec "l'amour de la mer, l'intuition naturelle et le bon sens", et, ajoute-t-il quand-même, "l'expérience". Moyennant quoi, sa circumnavigation va s'avérer une promenade de santé. Rien de particulier à signaler : Son bateau marche tout seul, les pires tempêtes laissent le pont sec, un échouement sur des coraux n'entame même pas sa quille, il est reçu et fêté aux escales, fait quelques conférences pour se renflouer financièrement et reprend tranquillement sa route sans se laisser longtemps distraire de l'objectif du retour au point de départ.
Son récit, qui commence par la minutieuse description de la construction du Spray, avec une hache et une chaudière pour mettre en forme les membrures, est un modèle du genre : dépouillé et sans apprêts, il contient quelques scène touchantes ou mémorables, parmi lesquelles :
- la visite du Spray à Apia dans les îles Samoa, par la veuve de
Robert-Louis Stevenson, qui lui confie les Instructions Nautiques de la Méditerranée et de l'Océan Indien ayant appartenu à son mari ;
- sa rencontre, en Afrique du Sud, avec le président
Paul Kruger qui persiste à penser que la terre est plate ;
- sa lecture paisible , le 31 mars 1898, sur route du retour, après avoir quitté Capetown "par brise fraîche de S.-E. bien établie" au milieu d'un millier de marsouins, du "délicieux" Inland Voyage de
Stevenson: "j'étais à la fois sur le Spray et à bord de l'Arethusa, sur l'Oise."
C'est la lecture de
Slocum qui décide
Jack London à s'embarquer sur le Snark en 1907. Alain Gerbault lit aussi
Slocum, qui figure en bonne place dans la bibliothèque de son Firecrest, dans la période de l'entre deux guerres, alors qu'il se débat avec toutes les misères imaginables qui s'abattent sur son sloop.
Bernard Moitessier nomme son premier bateau le Snark, en souvenir de London, et c'est sur un ketch en acier nommé Joshua en mémoire de
Slocum que
Moitessier s'élance en 1968 sur
la Longue route.
La légende de
Joshua Slocum est définitivement scellée par sa mystérieuse disparition en mer, en 1909, dans le triangle des Bermudes, alors qu'il était reparti en solitaire vers l'Amazone.
Lien :
https://diacritiques.blogspo..