Citations de Emily Dickinson (515)
J'essayais d'imaginer Solitude pire
Qu'aucune jamais vue -
Une Expiation Polaire - un Obscur Augure
De l'atrocement proche Mort -
Je fouillais l'Irrécupérable
Pour y puiser - mon Double -
Un Réconfort Éperdu sourd
De l'idée que Quelque Part -
Dans la Griffe de la Pensée -
Demeure une autre Créature
De l'Amour Céleste - oubliée -
Je grattais à notre Paroi
Comme On doit scruter les Murs -
Entre un Jumeau de l'Horreur - et Soi -
Dans des Cellules Contigües -
Je parvins presque à éteindre sa Main,
Ce devint - une telle Volupté -
Que tout comme de Lui - J'avais pitié -
Peut-être avait-il - pitié de moi -
Poème 532
L'espoir porte un costume de plumes,
Se perche dans l'âme,
Et inlassablement chante un air sans paroles.
Si ma barque file sur la mer
Si elle affronte les rafales
Si vers les îles enchantées
Elle replie ses voiles dociles
L’ancrage mystique
Qui la retient ce jour
Les emplettes de l’œil
Qui balaie la baie.
Wether my bark went down at sea
Wether she met with gales,
Wether to isles enchanted
She bent her docile sails ;
By What mystic mooring
She is held to-day,
This is the errand of the eye
Out upon the bay.
J'étais morte pour la beauté...
J'étais morte pour la beauté, mais étais à peine
Disposée dans la tombe
Qu'un homme qui était mort pour la vérité fut couché
Dans une chambre contiguë.
Il me demanda doucement pourquoi j'avais disparu.
ㅡ Pour la beauté, répondis-je.
ㅡ Et moi pour la vérité, les deux ne sont qu'une,
Nous sommes frères, dit-il.
Et ainsi, comme des parents qui se rencontrent dans la nuit,
Nous conversâmes d'une chambre à l'autre,
Jusqu'à ce que la mousse eût atteint nos lèvres
Et recouvert nos noms.
*
I died for beauty...
I died for beauty, but was scarce
Adjusted in the tomb,
When one who died for truth was lain
In an adjoining room.
He questioned softly why I failed?
"For beauty," I replied.
"And I for truth, the two are one;
We brethren are," he said.
And so, as kinsmen met a night,
We talked between the rooms,
Until the moss had reached our lips,
And covered up our names.
'Poèmes choisis', traduction de Pierre Messiaen, éditions Montaigne, 1956 | Originally in Poems: Packet XXXIV, Fascicle 21, Houghton Library – (183c). Includes 17 poems, written in ink, ca. 1862. First published in Higginson, Christian Union, 42 (25 September 1890).
Je ne l'ai pas encore dit à mon jardin -
De peur d'être conquise.
Je n'ai pas encore la force à présent
De l'annoncer à l'Abeille -
Je n'en dirai pas le nom dans la rue
Les boutiques me dévisagreaient -
Que quelqu'un aussi timide - aussi ignorant
Ait l'aplomb de mourir.
Les collines ne doivent pas le savoir -
Où j'ai fait tant de randonnées -
Ni dire aux forêts amoureuses
Le jour où je m'en irai -
Ni le chuchoter à table -
Ni par inadvertance, en passant
Suggérer qu'à l'intérieur de l'Enigme
Quelqu'un marchera aujourd'hui -
I have not told my garden yet,
Lest that should conquer me ;
I have not quite the strength now
To break it to the bee.
I will not name it in the street,
For shops would stare, that I,
So shy, so very ignorant,
Should have the face die.
The hillsides must not know it,
Where I have rambled so,
Nor tell the loving forests
The day that I shall go.
Nor lisp it at the table,
Nor heedless by the way
Hint that within the riddle
One will walk to-day !
À jamais est fait d'un myriade de maintenant.
J'ai souvent pensé que la Paix était là
Quand la Paix était loin -
Comme les Naufragés - qui croient voir la Terre -
Au Milieu de l'Océan -
Et tirent au flanc - pour se retrouver
Aussi désespérés que moi -
Que de Rivages fictifs -
Avant le Port -
C'était un Poète -
Cet Être
Qui extrait un sens surprenant
De Signes Ordinaires -
Une si vaste Essence
Des espèces familières
Ayant péri à la Porte -
Qu'on s'étonne de ne pas Soi-même
L'avoir captée - d'abord -
D'Images, Révélateur -
Le Poète - Lui et nul autre -
Nous investit - par Contraste -
D'une incessante Pauvreté -
De la Partie - si inconscient -
Qu'un Vol ne le saurait léser -
Lui-même - pour Lui - Trésor -
Au Temps - étranger -
Le Temps est une épreuve du chagrin
Mais non un remède -
S'il s'avère tel - il prouve par là
L'absence de maladie.
( lettre à T.W.Higginson)
Un oiseau
Un oiseau passe sur le sentier...
Ses yeux ressemblaient, pensai-je, à des perles qui ont peur
Il remua sa tête de velours
Comme un être en danger, avec précaution.
Je lui offris une miette:
Il déplia ses ailes
Et s'en alla chez lui, voguant plus doucement
Que des rames qui fendent l'océan...
(" Poèmes choisis")
Aucune frégate ne vaut un livre
Pour nous mener en terre lointaine
Aucun alezan ne vaut une page
De poésie au pied dansant.
Que c'est bon - d'être en vie !
Que c'est infini - d'être
En vie - doublement - Par ma Naissance -
Et celle-ci - de plus, en - Toi !
How good - to be Alive !
How infinite - to be
Alive - two-fold - The Birth I had -
And this - besides, in - Thee !
Cahier 26 - 470
Que ma première certitude soit de toi
À la chaude Clarté du matin -
Et ma première Crainte, que l'Inconnu
Dans la nuit ne t'engloutisse -
Let my first knowing be of thee
With morning´s warming Light -
And my first Fearing, lest Unknowns
Engulph thee ni the night -
Sur le cours fantasque du Temps
Sans une rame
Nous sommes contraints de voguer
Notre Port un secret
Notre sort une Bourrasque
Quel capitaine voudrait
Courir le risque
Quel boucanier naviguer
Sans garantie contre le Vent
Ou horaire de la Marée
(" Car l'adieu, c'est la nuit")
Le cerveau - est plus spacieux que le ciel -
Car - mettez-les côte à côte -
L'un sans peine contient l'autre -
Et Vous - de surcroît -
The Brain - is wider than the Sky -
For - put them side by side -
The one the other will contain
With ease - and You - beside -
Cahier 26 - 632
Balayer le coeur avec soin
Mettre l'Amour de côté
Nous ne nous en servirons plus
Avant l'éternité.
La plus belle Maison que j'aie jamais connue
Fut fondée en une Heure
Par des Sujets que je connaissais aussi
Une araignée et une Fleur —
Un presbytère de dentelles et de Duvet —
The fairest Home I ever knew
Was founded in an Hour
By Parties also that I knew
A spider and a Flower —
A manse of mechlin and of Floss —
1877
Traduit par Françoise Delphy | pp. 1160-1
(poème 1443)
Le sang est plus voyant que le souffle
Mais ne peut danser aussi bien.
The blood is more showy than breath
But cannot dance as well.
Le rivage est plus sûr mais j'aime me battre avec les flots.
Pour être hanté nul besoin n'est de chambre,
Nul besoin de maison:
Les couloirs du cerveau l'emportent
Sur les lieux matériels.
Mieux vaut rencontrer à minuit
Un spectre visible
Que d'affronter, à l'intérieur,
Cet hôte - plus froid.
Mieux vaut traverser abbaye au galop,
Les pierres à ses trousses,
Que se rencontrer soi-même et sans armes
En un endroit désert.