Citations de Emily Dickinson (515)
n°48 (p. 129)
Le Silence est notre seule crainte.
Il y a dans la Voix un Rachat-
Mais le Silence est l'Infini.
Il n'a pas de visage.
(Lettre à Susan Dickinson)
Qu’un puits recèle de mystères !...
Qu’un puits recèle de mystères !
voisine venue d’un autre univers
nul n’a jamais vu les bords
Sinon ce couvercle de verre –
Par où contempler à loisir
La face d’un abîme
Les seules nouvelles que je connaissent
Sont les Bulletins Quotidiens
De L’Immortalité.
Les seuls Spectacles que je voie -
Demain et Aujourd’hui -
Peut-être l’Éternité -
Le seul que je visite
C’est Dieu - La seule Rue -
L’Existence - Traversée
S’il y a d’autres nouvelles -
Ou de spectacle plus admirable -
Je T’en avertirai -
L’eau, c’est la soif qui nous l’apprend.
La terre, une fois les mers traversées.
L’extase, après les agonies souffertes.
La paix, les guerres racontées.
L’amour, c’est un mémorial
Et les oiseaux par la neige.
Water is taught by thirst
Land - by the ocean passed
Transport - by throe -
Peace -by it's battle told -
Love, by Memorial Mold
Birds, by the snow
ET TOI ?
Je ne suis personne. Et toi,
personne non plus ?
Alors nous sommes deux, mais ne dis rien,
on nous chasserait, tu sais.
To make a prairie it takes a clover and one bee.
One clover, and a bee,
And revery.
To revery alone will do,
If bees are few.
Pour faire une prairie il faut du trèfle et une abeille,
Un trèfle, et l'abeille,
La rêverie.
Si les abeilles sont rares,
La rêverie suffit.
Impossible solitude (1865)
Ayant l'ouïe fine —
J'entendais les feuilles s'entretenir —
Et les fourrés — carillonner —
Où donc trouver un peu d'intimité
Loin des vigies de la nature ?
Je pensais pouvoir me cacher
Dans une grotte — mais les parois
Se mirent à parler —
La création — cassure énorme —
Se refusait à me cacher —
p.136
J'ai bu une Gorgée de Vie -
Savez-vous ce que j'ai payé -
Exactement une existence -
Le prix, ont-ils dit, du marché.
Ils m'ont pesée, grain par grain de Poussière -
Ont mis en balance Pellicule contre Pellicule,
Puis m'ont donnée la valeur de mon Etre -
Une unique Goutte de Ciel.
Il se lève - passe - sur notre Sud
Inscrit un simple Midi -
Cajole un Instant les Clochers
Et disparaît infini -
Je trouve dans le fait de vivre une extase
La simple sensation de vie est joie suffisante
Il n’y a pas de frégate comme un livre
Pour nous emporter en terre lointaine,
Ni de coursier comme une page
De fougueuse poésie.
Le plus pauvre peut être du voyage
Sans l’injure du péage.
Qu’il est frugal le chariot
Qui transporte l’âme humaine...
Le visage qui gît dans l'évanescence
Se distingue mieux que le nôtre,
Et le nôtre, sous l'angle de son bien,
Comme capsules pour la fleur.
(p. 169)
On tire bénéfice du Désespoir
En Souffrant - du Désespoir -
Pour que les Revers nous aident
On doit avoir subi les Revers -
La Valeur de la Souffrance comme
La Valeur de la Mort
Se vérifie en goûtant -
Comme aucune autre Bouche
Ne peut nous éveiller - aux Saveurs -
Que nous avons gouttées -
L’Affliction semble impalpable
Jusqu’à ce que Nous en soyons frappés -
Prenez-moi tout mais laissez-moi l'extase et je serai plus riche que mes semblables.
A word is dead, when it is said
Some say —
I say it just begins to live
That day
Un mot est mort, quand on le dit
Disent certains —
Moi je dis qu'il se met à vivre
Ce jour-là
Ce n'était pas la mort, car j'étais debout,
Et tous les morts sont couchés.
Ce n'était pas la nuit, car les carillons
Déchaînaient leur voix pour midi.
Ce n'était pas le gel, car sur ma peau
Des siroccos semblaient serpenter;
Ni le feu - car mes pieds de marbre
Auraient glacé un sanctuaire.
Il y avait de tout cela, pourtant:
Les formes que j'ai vues
Alignées pour les funérailles
Me rappelaient la mienne,
Comme si l'on avait raboté ma vie
Pour l'insérer dans un chassis -
J'avais perdu la clef du souffle -
C'était un peu comme à minuit,
Quand tout ce qui battait s'est tu,
Quand bée le vide alentour,
Quand le gel sinistre, aux matins d'octobre,
Abolit les pulsations du sol.
C'était avant tout un chaos - infini - glacé -
Sans une chance - sans un espar -
Sans le signe d'une terre,
Pour justifier le désespoir.
Je te vois mieux -dans la Nuit-
Nul besoin de Lumière-
Mon Amour pour Toi -est un Prisme-
Plus vif que le Violet-
Je te vois mieux avec les Ans
Qui dressent leur monticule-
Brille -la Lampe du Mineur-
Et la Mine s'annule-
Mieux que partout je Te vois -dans la Tombe-
Ses panneaux étroits
S'illuminent -Tout vermeils- de la Lampe
Que je tins si haut, pour Toi-
Qu'ont-ils besoin de jour-
Ceux dont la Nuit -possède- un Soleil si splendide-
Qu'il s'estime être -Sans cesse-
A son Zénith?
L’Homme invisible
Fantasme absolu
homme disponible
mais qui échappe à l’œil,
nu.
C'est l'Aube - petite fille - n'as-Tu donc
Rien de prévu Aujourd'hui?
Ce n'est pas dans tes habitudes, d'être en retard -
Reprends ton travail -
C'est Midi - Ma petite Fille -
Hélas - es-tu encore en train de dormir?
Le Lys - attend que l'Epouse -
L'Abeille - As-tu oublié?
Ma petite Fille - C'est la Nuit - Hélas
La Nuit est pour toi ce que
Devrait être le Matin - As-tu entamé
Ton petit Projet de Mourir -
Si je n'ai pu, t'en dissuader, ma Douce,
J'aurais pu - t'aider-
Trop heureux, le Temps se dissout
Sans laisser de trace -
C'est que sans Plumes ou trop lourde
Pour voler est l'Angoisse -
(p. 113)