AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Edgar Hilsenrath (401)


[…] ton père a des mains sensibles, mais elles sont quand même très différentes de celles d’Enver Pacha. Ce sont des mains tristes, tourmentées, car les mains, à l’instar des yeux, ont une expression.
Commenter  J’apprécie          30
- Tous les Arméniens sont sales, dit le kaïmakan, car ils ne se lavent pas cinq fois par jour ainsi que le Prophète l’a prescrit. Ils sont impurs comme le cochon dont ils se repaissent.
Commenter  J’apprécie          30
- Ce Jésus, c’est qui ?
- C’est le Dieu des infidèles.
- Qui dit cela ?
- Mehmed Effendi a dit cela.
- Il a dit autre chose ?
- Oui. Il a dit : Ce Jésus est cloué sur une croix et fait des tours de magie.
- Qu’Allah me protège, dit le zaptieh.
Là-dessus, le zaptieh alluma une cigarette […].
- Crois-tu que ce Jésus a pu retirer les bottes à ce pendu ?
- C’est bien possible, dit le garçon, car Mehmed Effendi m’a dit que Jésus avait grand besoin d’une paire de bottes jaunes en cuir de chèvre, étant donné qu’il a été cloué pieds nus sur la croix.
- Tu dis pieds nus ?
- Oui, dit le garçon.
- Qu’Allah me protège, dit le zaptieh.
Commenter  J’apprécie          30
Il avait parfaitement conscience qu'il n'était pas en train de commettre un simple vol de chaussures ; son geste passait ici pour un crime très grave. Même les plus endurcis n'osaient pas dépouiller un mourant ; ils préférait attendre qu'il soit mort pour lui prendre ses affaires.
Commenter  J’apprécie          30
A l'époque encore, les luttes les plus acharnées avaient lieu pour un quignon de pain. C'est seulement plus tard, avec ces convois humains arrivant sans cesse de Roumanie, qu'il avait fallu aussi se battre pour dégoter une place où dormir. Lutte toute aussi acharnée et brutale. Et tout aussi vitale.
Commenter  J’apprécie          30
Ce matin-là, je n’arrivais pas à calmer ma bite. A la maison, j’ai pris une douche froide illico. Ça n’a servi à rien. J’ai pensé à Auschwitz. En vain.
Commenter  J’apprécie          30
Vous écrivez un livre ?
J'écris un livre.
Sur la vie dans le ghetto ?
Sur la vie dans le ghetto ;
Sur l’hécatombe ?
Sur l’hécatombe.
Sur le désespoir ?
Sur le désespoir ;
Écrivez-vous aussi sur l’espoir ?
J’écris aussi sur l’espoir.
Rien d’autre ?
Rien d’autre… sauf la solitude que chacun de nous porte en lui. Moi compris…
Commenter  J’apprécie          30
Tu comprends ? sans cet ordre, je n'aurais jamais osé faire ce que j'ai osé faire. J'aurais eu la trouille. Car moi, Itzig Finkelstein, à l'époque Max SCHULZ, je n'étais qu'un petit poisson de rien du tout, anxieux et frétillant, un petit poisson qui ne frappait que parce que c'était permis
Commenter  J’apprécie          30
c'est chacun pour sa pomme.
Commenter  J’apprécie          30
"Seuls les morts sont incapables d'aimer."
Commenter  J’apprécie          30
Mais les yeux et les oreilles d'un conteur ne sont-ils pas aussi mensongers que sa langue ? Et pourquoi me racontes-tu des histoires mensongères, alors que je sais que tu cherches à me dire la vérité ? »
« Parce que je suis le conteur, dit le conteur. Je ne dis que la vérité, mais je la dis à ma façon. »
Commenter  J’apprécie          20
Lorsqu'un enfant commence à se tenir sur ses jambes, les Arméniens célèbrent la fête du Cherkerli, la fête des premiers pas, car on dit que la direction des premiers pas indique le chemin qu'il prendra dans la vie.
Commenter  J’apprécie          20
- Combien en avez-vous tué ? demanda l'avocat.
- Une douzaine, exactement, dit le meurtrier
- Pourquoi juste douze ?
- Pour ne pas me tromper dans mes calculs. (99)
Commenter  J’apprécie          20
J’étais certain qu’ils allaient m’assassiner. Bronsky, je me suis dit. Là où les nazis ont échoué, ces mecs-là vont réussir.
Commenter  J’apprécie          20
Un jour, j'avais tout refoulé,dit l'étranger. Mais c'est très mauvais de refouler. Cela fait du mal à l'esprit,et au corps. C'est une illusion. Tu ne peux pas déchirer les images de tes souvenirs, qu'elles sont insaisissables. Tu peux seulement en estomper les contours. Rien de plus
Commenter  J’apprécie          20
« L’Irgoun* a fait sauter l’hôtel du Roi David ! dit Jakov Lind. Il paraît qu’il y a quatre-vingt morts, dont la moitié de l’état-major britannique. »
Quelques minutes plus tard des ambulances arrivaient avec les blessés anglais.
« Mais c’est impossible ! ai-je dit. L’hôtel du Roi David est à Jérusalem, et nous sommes à Tel-Aviv ! »
« Ce sont peut-être d’autres Anglais. »
« Possible. »
Le portier dit : « J’ai eu d’autres nouvelles. Des Juifs viennent d’attaquer une caserne aux environs de Tel-Aviv. »
« Ce sont donc bien d’autres Anglais. »
Mais pour ne pas te tenir trop longtemps en haleine : nous avons transporté les Anglais au bloc opératoire.
Environ une demi-heure plus tard, nous sommes allés chercher l’un d’eux. Il était mort et recouvert d’un drap blanc.
Et c’est là que c’est arrivé. Mon ami Jakov, plus malin que moi, portait le côté le plus léger du brancard, je descendais l’escalier le premier en portant le côté le plus lourd. L’escalier était raide, et le mort a commencé à glisser, ses jambes ont dépassé du drap et ses pieds blancs et raides se sont retrouvés juste dans mon cou. J’ai secoué la tête, mais ça ne servait à rien, alors je me suis mis à courir en entraînant Jakov. Nous avons descendu l’escalier à toute vitesse avec le corps qui tressautait et que nous avons finalement livré à la morgue.
Voilà.
— C’est tout ? dit le trafiquant.
— Oui.
— Tu n’as pas de meilleures histoires en rayon ? Je veux dire, de Palestine.
— Quelques-unes, si. Mais pas maintenant.
— Tout ça, c’est bien joli, ricana le trafiquant. Je veux dire l’hôtel du Roi David et l’état-major anglais et l’insurrection juive. Mais je me demande ce que ça a à voir avec la libération de la Palestine qu’un Anglais mort gratouille le cou d’un poète juif avec ses pieds. Qu’est-ce que ça signifie ?
— Rien du tout, ai-je dit.

("L’histoire de l’Anglais mort", p. 43-44)
*Organisation armée sioniste en Palestine mandataire.
Commenter  J’apprécie          20
Vivre ensemble en Bucovine

Les sociétés multiculturelles ont existé de tout temps. Dans l’histoire récente, je pense à l’Empire ottoman ou à l’Union soviétique, à la Monarchie austro-hongroise et, last but not least, aux États-Unis d’Amérique. Mais nulle part les cultures coexistant dans le cadre d’un État national donné n’ont pu bénéficier d’une réelle égalité de droits, du fait de la prétention à la suprématie et de l’effet d’absorption du groupe culturel et linguistique prédominant, en d’autres termes du groupe qui se croit seul habilité à représenter l’identité nationale de l’État en question.
J’avoue ne pas avoir de solution passe-partout pour combattre l’oppression et les tendances nationalistes. Mais je peux raconter une petite histoire : en 1938, nous avons dû fuir l’Allemagne, car nous étions Juifs. Comme aucun pays au monde ne nous autorisait à immigrer, nous sommes allés avec un visa de visite en Roumanie, dans la province de Bucovine où vivaient mes grands-parents. La Bucovine appartenait auparavant à l’Autriche, mais avait été annexée par la Roumanie après la Première Guerre mondiale. De nombreux peuples y vivaient paisiblement ensemble. Roumains, Ruthènes (Ukrainiens), Juifs, Allemands, Tsiganes, Arméniens, Lipovènes (minorité russe), Bulgares etc. Dans les villes, notamment à Czernowitz, la langue courante était l’allemand, mais on entendait aussi toutes les autres langues dans les rues.
Jeune garçon, je parcourais souvent les villages. De l’un à l’autre, on parlait une autre langue, roumain, ruthène, hongrois, allemand etc. Les us et coutumes, la langue, les costumes étaient différents dans chaque village, même les maisons et les cours, les églises et les sanctuaires des religions diverses. J’habitais alors à Siret, une petite ville juive à quarante kilomètres de Czernowitz. Les Juifs parlaient allemand et yiddish, les fonctionnaires roumains parlaient le roumain. Quand les paysans des environs venaient à la ville les jours de marché, on entendait toutes sortes de langues sur la place et dans les tavernes. Tous faisaient commerce les uns avec les autres, et celui qui ne savait pas le roumain, la langue officielle, ni celle de son interlocuteur, se faisait comprendre par gestes. Pas plus difficile que ça. Tout le monde vivait en paix, jusqu’au jour où tout a changé. Les fascistes roumains ont pris le pouvoir. Les langues étrangères ont été interdites, on a vu apparaître sur les murs et les colonnes Morris des affiches proclamant : « Parle roumain ! » C’était une menace. Ceux qui ne savaient pas le roumain n’osaient plus ouvrir la bouche dans la rue. Partout des espions surveillaient le processus de roumanisation. La peur se répandit. Les Allemands quittèrent peu à peu le pays, pour « rentrer chez eux dans le Reich », attirés par la propagande d’Hitler. De nombreux Juifs passèrent la frontière pour se réfugier en Union soviétique. Puis la guerre éclata à l’est et les Juifs qui étaient restés furent expulsés.
Je suis revenu en Bucovine quarante-sept ans plus tard, en août 1988, à la recherche du monde multiculturel paisible d’avant la guerre. Mais je ne l’ai pas retrouvé.

Faisons en sorte que l’Europe unie soit le premier pas vers un État mondial ! Le premier pas est concevable. Ce qui est concevable est possible. Et si les utopies ne peuvent être réalisées, je n’en continue pas moins à rêver.

(p. 15-16)
Commenter  J’apprécie          20
"Un bâtard" dit-il, "une saleté de bâtard." Et il ajouta : "Elle rêve peut-être du bâtard... ou que Moïshe va la quitter quand le bâtard sera né."
Deborah sourit faiblement. "Comment savoir de quoi elle rêve..."
"Enfin..."
"On ne peut jamais savoir ce qui se passe dans la tête des autres, ni pourquoi ils crient dans leur sommeil."
Commenter  J’apprécie          20
L'obscurité était tombée d'un coup et la rue s'étendait devant lui, déserte, comme toujours à cette heure. De temps à autre, le vent apportait des gémissements lugubres qui montaient des fourrés -- mais ce n'était que les vivants qui se lamentaient sur les morts --, des sons légers, familiers, qui troublaient à peine le silence, car ils faisaient partie de la nuit. Ranek s'arrêta quelques secondes devant l'entrée de la cave, reniflant l'air comme un animal. Il va pleuvoir, pensa-t-il.
Commenter  J’apprécie          20
Ils s'arrêtèrent. Deborah s'adossa à la clôture et attendit qu'il commence, mais une nouvelle fois il ne trouva pas ses mots. Ses lèvres restaient serrées. Il s'avança juste un peu pour examiner son visage, sans rien dire. Ses cheveux bruns et lisses étaient tirés en arrière et noués sur sa nuque en un simple chignon... la même coiffure qu'avant... avant la guerre. Son visage était émacié. Elle n'avait jamais été bien épaisse, mais ces pommettes saillantes, ces joues caves... c'était nouveau. Et pourtant... plus il la regardait, moins son visage lui paraissait changé. Par quel miracle ? Et soudain il sut : ni la guerre ni les épreuves ni l'injustice n'avaient pu altérer son expression profonde.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Edgar Hilsenrath (2036)Voir plus

Quiz Voir plus

Jeu du vrai ou faux [47. Quiz thermométrique]

1. Le roman «Fahrenheit 451» de l’écrivain Ray Bradbury a été porté à l’écran par François Truffaut.

VRAI
FAUX

10 questions
48 lecteurs ont répondu
Thèmes : températures , littérature , culture générale , livresCréer un quiz sur cet auteur

{* *}