Citations de Carsten Henn (91)
— Tes yeux ne sont pas comme d’habitude, insista Schascha qui recula pour l’observer attentivement.
— Je n’en ai qu’une paire, et on ne peut pas en changer.
— Tu as pleuré ?
— Non.
— Tu as pleuré à l’intérieur, peut-être ? Pas avec des larmes dans les yeux, mais avec le cœur ?
— Avec des larmes dans le cœur ?
— Oui, c’est ça.
— Mais pourquoi mes yeux auraient-ils l’air différents, alors ?
— Ils ont honte parce que c’est eux qui sont censés pleurer.
Le vieux Gruber avait pour habitude de dire: " Ce qui compte, ce n'est pas ce qu'on lit, c'est le fait de lire."Carl ne pouvait pas totalement souscrire à cette affirmation, car le contenu de certains livres était toxique- heureusement, bien plus souvent, les pages lues servaient de remède à des maux dont vous ignoriez même qu'ils avaient besoin d'être soignés.
( p.19)
Les romans que Carl lisait se reflétaient dans le monde réel de sorte qu’il imaginait son univers peuplé de personnages de fiction, toutes époques et toutes nationalités confondues. Ainsi, dès l’instant où Christian von Hohenesch avait ouvert pour la première fois la porte de sa villa, Carl l’avait cru sorti tout droit du grandiose Orgueil et préjugés de Jane Austen. Carl venait donc de quitter le château de Pemberley, dans le Derbyshire du XVIIIe siècle, et son propriétaire Fitzwilliam Darcy, un gentleman riche et intelligent qui, en dépit de manières impeccables, paraissait souvent un peu dur et arrogant.
Tu sais, il n'y a pas de livre qui plaise à tout le monde. Et s'il y en avait un, il serait mauvais. On ne peut pas être ami avec tout le monde, parce que chacun est différent. Ou alors il faudrait être sans personnalité, sans angles ni aspérités. Et même comme ça, cela ne se pourrait pas, car les gens ont besoin d'angles et d'aspérités. Tu comprends ? Chacun a besoin de livres différents. Parce que ce qu'une personne aime du fond du cœur en laisse une autre autre complètement indifférente.
Ces livres produisaient le même effet qu'une cheminée quand un feu y brûlait ; en s'éloignant de l'âtre, on sentait à quel point il faisait froid autour. À la lecture de ces œuvres remplies de vie, Mr Darcy avait fini par percevoir la solitude qui régnait dans sa villa.Avoir ces romans à portée de sa main le rendait à la fois heureux et triste.
( p.207)
Une idée m'a traversé l'esprit ce soir.Pourquoi ne pas créer un club de lecture? Vous savez, tout le monde lit le même livre et on en parle ensuite.Comme avant, quand les hommes se regroupaient autour du feu pour se raconter des histoires.La chaleur du foyer les a peut-être rapprochés à l'âge de pierre, mais ce sont les histoires qui les ont civilisés.
( p.207)
Carl ne lui avait encore jamais confié ce genre de chose. Peut-être la tristesse d’Andrea était-elle plus palpable ce jour-là, peut-être l’avait-il sentie ? Il l’ignorait. Sa bouche prononçait parfois des phrases sans avoir reçu l’approbation de sa tête.
Remerciements
Mes remerciements vont à tous ceux qui m'ont offert des livres. Ce sont de merveilleux cadeaux. Quand la personne qui vous offre un livre l'aime vraiment, une partie de cet amour se transmet.Un petit tour de magie qui produit un grand effet.
( p.265)
Il avait beau aimer les enfants, il ne les comprenait pas. Sa propre enfance remontait à si loin qu’elle lui faisait l’effet d’un Polaroid délavé. Et à mesure qu’il vieillissait, les enfants restant toujours des enfants, la distance entre eux et lui n’avait cessé de croître. Désormais, il ne savait plus comment la franchir.
Je suis un anachronisme
Et j'aime ça. Je suis lent dans un monde qui va de plus en plus vite.Je veux que les gens lisent, confia-t-il en prenant un ouvrage de la petite pile.Tout ce que j'ai lu est aussitôt envoyé à la bibliothèque de la vieille ville, pour que d'autres puissent en profiter avant que le livre ne jaunisse.
( p.56)
Les écrits resteront, Madame Schäfer. Parce qu’il y a des choses qu’on ne peut pas exprimer autrement. Et rien n’égale le livre imprimé pour préserver les pensées et les histoires. Elles peuvent y vivre des siècles.
Si tout nous est imposé dans la vie, au moins peut-on encore décider de ce qu'on lit.
Lire beaucoup ne fait pas de vous un intellectuel. Manger beaucoup ne fait pas non plus de vous un fin gastronome. Je lis très égoïstement, pour mon plaisir, pour l’amour des bons récits, pas pour apprendre quelque chose sur le monde.
Même quand un livre merveilleux finit au bon endroit, au bon moment, et que tout ce qui aurait pu y être ajouté n’aurait fait que détruire cette harmonie, on voudrait qu’il compte plus de pages. C’est le paradoxe de la lecture.
- Tu sais, les gens oublient de plus en plus de lire. Pourtant, entre les couvertures, on découvre d'autres gens, avec leurs histoires. Dans chaque livre que tu ouvres, un coeur se met à palpiter, et ton propre coeur bat à l'unisson.
Et rien n'égale le livre imprimé pour préserver les pensées et les histoires. Elles peuvent y vivre des siècles.
En se réveillant, Carl se sentit une fois de plus comme un livre qui aurait perdu quelques pages. Au cours des derniers mois, ce sentiment s’était renforcé et il avait l’impression qu’il ne restait plus beaucoup de papier dans la reliure de sa vie.
Figure-toi que c'est à cette époque que mon père m'a offert " Les Misérables "! Des centaines de pages de longues phrases! Des phrases merveilleuses, forgées comme des chaînes d'or précieux, mais si interminables qu'elles m'ont surtout effrayé. " Guerre et paix" a suivi un an plus tard, et lorsque j'ai eu dix ans, ma mère m'a remis " A la recherche du temps perdu ".Mes parents ne voulaient pas distinguer les livres pour enfants des livres pour adultes, à leurs yeux il n'y avait que de bons ou de mauvais livres, et ils m'ont donné les meilleurs. De même que d'autres offrent des bijoux en diamants, un cadeau dont profiter toute sa vie durant.
Tu sais, les gens oublient de plus en plus de lire. Pourtant, entre les couvertures, on découvre d'autres gens, avec leurs histoires.Dans chaque livre que tu ouvres, un cœur se met à palpiter, et ton propre cœur bat à l'unisson.
- Je suis si heureuse que les livres existent, confia-t-elle. Tout change si vite. Pourvu qu’eux ne changent jamais ! Les gens ne paient plus qu’avec des cartes en plastique. Quand je veux faire l’appoint à la caisse, on me regarde bizarrement !
- Les écrits resteront, madame Schäfer. Parce qu’il y a des choses qu’on ne peut pas exprimer autrement. Et rien n’égale le livre imprimé pour préserver les pensées et les histoires. Elles peuvent y vivre des siècles. (Édition XO, page 16)