Citations de Caroline Laurent (253)
La justice ne vient pas des lois ni des États. Elle vient seulement des hommes, parfois.
Tout n'est pas à vendre. On n'achète pas la dignité. On n'achète pas un pays. On n'achète pas l'âme ou la foi. Certaines choses sont sacrées et doivent le rester.
« Tu sais quel est le problème des morts, Gaby ? murmura-t-elle après un silence. C’est qu’ils ne meurent jamais. Leurs fantômes sont plus vivants que toi et moi. »
Chapitre IV
Le monde moderne ne serait que ça : un ensemble de territoires éclatés et dominés par une guerre des nerfs froide, implacable, réglée au millimètre près par des missiles lancés depuis des bases secrètes ; un monde d'alliances et d'intimidations à la folie exponentielle, dans lequel les puissants ne se contenteraient plus de leur puissance mais chercheraient la neutralisation absolue de toute force opposée ; un monde où les discours médiatisés l'emporteraient sur le reste - démocratie, liberté, partage, paix, justice, à d'autres !, le XXème siècle avait choisi son camp et ce serait celui du mensonge, de l'effroi et de la haine.
Le métissage, c'est toujours trop ou pas assez. Il n'y a pas d'équilibre. Pas de recette, pas de dosage. Quoi que vous fassiez, vous serez pris pour celui que vous n'êtes pas.
(p. 323, édition Les Escales)
c'est l'éternel histoire de Diego Garcia : ils n'étaient pas des pères, presque jamais des maris. Au mieux des souvenirs ; au pire des regrets.
Le courage est l’arme de ceux qui n’ont plus le choix
Je n’ai rien pour les défier, pas d’argent, pas de diplômes, pas de pouvoir. Mais ce rien, c’est assez pour me battre. Ce rien, c’est moi. Mon corps. Mon souffle. Quand on est pauvre, on n’a que ça : soi-même.
Ce n’est pas grand-chose, l’espoir.
Une prière pour soi. Un peu de rêve pilé dans la main, des milliers d’éclats de verre, la paume en sang. C’est une ritournelle inventée un matin de soleil pâle.
Pour nous, enfants des Îles là-haut, c’est aussi un drapeau noir aux reflets d’or et de turquoise. Une livre de chair prélevée depuis si longtemps qu’on s’est habitués à vivre la poitrine trouée.
Alors continuer. Fixer l’horizon. Seuls les morts ont le droit de dormir. Si tu abandonnes le combat, tu te trahis toi-même. Si tu te trahis toi-même, tu abandonnes les tiens.
Ma mère.
A la campagne, le bruit des oiseaux, des tracteurs au loin et sporadiquement celui du train... et le soir, le bruit de la vieille maison qui craque. Délectation !
de Marie d'Harcourt
La justice est la méchante sœur de l'espoir. Elle vous fait croire qu'elle vous sauvera, mais de quoi vous sauvera-t-elle puisqu'elle vient toujours après le malheur. Un verdict, ça ne répare rien. Ça ne console pas. Parfois tout de même , ça purge le cœur
Ma mère n’a jamais pris l’avion. Si elle avait pu voler au-dessus des cieux, elle aurait compris qu’il n’y a pas d’autre paradis que celui dont on vous donne le regret. De même l’enfance qui nous empêche de devenir grands vient à nous manquer le jour où elle s’éloigne. C’est la perte, c’est la douleur qui crée l’idéal.
Ça veut dire quoi, l’indépendance ? Qui est indépendant ? L’êtes-vous vous-même ?
J’ai longtemps cru en ce rêve. Liberté, autonomie. Applicable aussi bien en politique que dans l’intimité. Je t’aime, je ne t’aime plus, si je ne t’aime plus je pars, ma vie ouverte aux quatre vents. Je crois que je me trompais. L’indépendance, je veux dire la pure, la véritable, l’absolue, n’existe pas.
On est toujours le colonisé d’un autre.
Ce constat nous oblige.
Les Chagos dépendaient de Maurice, qui dépendait du Royaume-Uni, qui dépendait de l’Europe, qui dépendait des Nations unies, qui dépendaient du monde démocratique. Qui a entendu parler de nous ? Diego Garcia, Peros Banhos ? Non, connais pas. Qui sait ce que le monde démocratique nous a infligé ?
Croyez-moi. Notre sort vous concerne tous, et sans doute bien au-delà de ce que vous pourriez imaginer.
Qu'est-ce qui forge une identité ? Un nom, une profession, la couleur d'un passeport, un certain alignement des planètes ?
Ce qui nous fonde, n'est-ce pas simplement l'amour qui a présidé à notre naissance, ou bien l'inverse, l'absence de tout sentiment ?
Au moment où l'avion s'élance, saluant le sphinx vert de la montagne du lion et les serpents du macadam, je songe à tout ce que tu n'as pas connu, Maman. A ce que tu ne connaîtras jamais.
La puissance des moteurs ; le ciel au-dessus des nuages et les anges qui ne nous y attendent pas ; les prochaines élections ; la dynastie des Ramgoolam ; de père en fils, le pouvoir ; les pommes importées d'Europe ou d'Afrique du Sud quand on croule sous les litchis, les papayes et les ananas.
[...] il n'y a pas d'autres paradis que celui dont on vous donne le regret.
Leur ligne de défense ne variait pas: c'était avec l'accord de Maurice que Diego Garcia avait été, selon leurs propres mots, "excisé".
page 349
La bonne trahison est celle qui nous arrache à nos adhérences, à nos préjugés, nos illusions, nos loyautés. On ne transmet rien sans trahir un peu de ce qu’on a reçu. C’est la condition même d’une pensée vivante.
Tu comprends Joséphin ? Tout n'est pas à vendre. On n'achète pas la dignité. On n'achète pas un pays. On n'achète pas l'âme ou la foi. Certaines choses sont sacrées et doivent le rester. p.332
Un autre document, signé du 30 décembre 1966, révélait un accord secret entre le Royaume-Uni et les États-Unis. Diego Garcia serait loué aux Américains pour une période de cinquante ans, avec possible reconduction du bail durant vingt ans. Un projet de base navale était à l’étude.
Le dernier document établissait un calendrier prévisionnel d’évacuation de l’île. Les Américains devaient présenter à l’ONU un dossier fourni par les Anglais assurant que le territoire était vierge « d’habitants autochtones », afin d’obtenir un accord pour créer la base militaire. Les Britanniques visaient un plan en trois étapes. D’abord, encourager les départs volontaires, sans préciser aux voyageurs que le retour sur l’île leur serait interdit. Ensuite, pousser les gens à partir d’eux-mêmes en stoppant l’acheminement de vivres et de biens via les navires de ravitaillement. Enfin, face à d’éventuels récalcitrants, ne pas hésiter à employer la force.