Citations de Blaise Pascal (802)
Les hommes sont aujourd’hui tellement corrompus, que, ne pouvant les faire venir à nous, il faut bien que nous allions à eux : autrement ils nous quitteraient ; ils feraient pis, ils s’abandonneraient entièrement. Et c’est pour les retenir que nos casuistes ont considéré les vices auxquels on est le plus porté dans toutes les conditions, afin d’établir des maximes si douces, sans toutefois blesser la vérité, qu’on serait de difficile composition si l’on n’en était content ; car le dessein capital que notre Société a pris pour le bien de la religion est de ne rebuter qui que ce soit, pour ne pas désespérer le monde.
Presque tous les malheurs de la vie viennent des fausses idées que nous avons sur ce qui nous arrive.
"Il y a donc deux sortes d’esprits, l’un de pénétrer vivement et profondément
les conséquences des principes, et c’est là l’esprit de justesse : l’autre de
comprendre un grand nombre de principes sans les confondre, et c’est là l’esprit de Géométrie. L’un est force et droiture d’esprit, l’autre est étendue d’esprit. Or l’un peut être sans l’autre, l’esprit pouvant être fort et étroit, et pouvant être aussi étendu et faible."
66. Si notre condition était véritablement heureuse, il ne faudrait pas nous divertir d'y penser.
La justice est ce qui est établi. Et ainsi toutes nos lois établies seront nécessairement tenues pour justes sans être examinées, puisqu’elles sont établies.
Nous courons sans souci dans le précipice, après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir.
Je mets en fait que, si tous les hommes savaient ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait pas quatre amis dans le monde.
La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles que nos instruments sont trop mousses pour y toucher exactement.
Quelle chimère est-ce donc que l'homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradictions, quel prodige ? Juge de toutes choses, imbécile vers de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur, gloire et rebus de l'univers.
La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier : le hasard en dispose.
L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il nous faut relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.
Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'y obéit qu'à cause qu'il les croit justes.
La vraie éloquence se moque de l'éloquence. La vraie morale se moque de la morale, c'est-à-dire que la morale du jugement se moque de la morale de l'esprit qui est sans règles.
Le temps guérit les douleurs et les querelles, parce qu’on change, on n’est plus la même personne. Ni l’offensant, ni l’offensé, ne sont plus eux-mêmes. C’est comme un peuple qu’on a irrité, et qu’on reverrait après deux générations.
"C’est en vain, ô homme, que vous cherchez dans vous-même le remède à vos misères. Toutes vos lumières ne peuvent arriver qu’à connaître que ce n’est point en vous que vous trouverez ni la vérité ni le bien. Les Philosophes vous l’ont promis ; ils n’ont pu le faire. Ils ne savent ni quel est votre véritable bien, ni quel est votre véritable état. Comment auraient-ils donné des remèdes à vos maux, puis qu’ils ne les ont pas seulement connus ? Vos maladies principales sont l’orgueil qui vous soustrait à Dieu, et la concupiscence qui vous attache à la terre ; et ils n’ont fait autre chose qu’entretenir au moins une de ces maladies. S’ils vous ont donné Dieu pour objet, ce n’a été que pour exercer votre orgueil. Ils vous ont fait penser que vous lui êtes semblables par votre nature. Et ceux qui ont vu la vanité de cette prétention vous ont jeté dans l’autre précipice en vous faisant entendre que votre nature était pareille à celle des bêtes, et vous ont porté à chercher votre bien dans les concupiscences qui sont le partage des animaux."
43. Le passé et le présent sont nos moyens; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux il est inévitable que nous ne le soyons jamais.
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.
Entre nous, et l'enfer ou le ciel, il n'y a que la vie entre deux, qui est la chose du monde la plus fragile.
Il n'y a rien qui choque plus notre raison que de dire que le péché du premier homme ( 1 ) ait rendu coupables ceux qui, étant si éloignés de cette source, semblent incapables d'y participer.
1- Adam.
L'imagination, cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plait à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature.