J'ai été ravi par les dernières lignes : ‘On lit mieux, sans doute, dans une langue qui n'est pas sa langue maternelle, mais que l'on sait parfaitement. [ ?] C'est idéal m'est inaccessible. A défaut, il me semble qu'
on lit mieux dans une langue qu'on sait mal.'
Belle conclusion à une oeuvre qui a traité avec brio d'une vie de lectures en langues étrangères plus ou moins bien maîtrisées.
J'avais été séduit par le titre, car il m'arrive de lire tous les jours dans une deuxième langue et parfois parmi 3 autres que je sais plus ou moins mal, tout comme l'auteur. La vie a amené
Michel Zink à l'étude de textes en anciens français et occitan, discipline qui exige, dit-il, un effort constant d'attention aux détails du texte. N'étant guère adepte de traductions, il a étendu son champ de lecture aux langues vivantes voisines que sont l'italien, l'allemand et, surtout, l'anglais. Je pense suivre son exemple. Je ne crois pas que cette occupation puisse améliorer mon niveau dans mes langues cibles, l'italien, l'espagnol et l'allemand, mais elle pourrait m'obliger à lire autrement.
L'essentiel du livre n'évoque pas le fait de lire en langues qu'on sait mal. Il réside dans le récit joyeusement désordonné de lectures qui vont d'
Italo Svevo, premier auteur cité, à
Carson McCullers, en passant par de nombreux écrivains ‘classiques', mais aussi par un détour du côté des spécialistes du polar américain des années 1970-80. A mon avis, et sans être désobligeant à l'égard des
Chester Himes,
Tony Hillerman,
M Zink aurait pu se passer de cette déviation. Il faut prendre les bons polars, tout comme la science-fiction ou fantaisie, au sérieux. Ils méritent un titre spécifique, le plein de respects et plus qu'une arrière-pensée..
Toujours est-il que j'ai aimé ce voyage entamé à Trieste avec
Svevo, Ettore Schmitz de son vrai nom, et qui, malgré une éducation en allemand, a choisi d'écrire en italien. le contraire d'Elais Canetti. Les seuls exemples du genre dans le livre, me semble-t-il. Ah, non, j'allais oublier un passage consacré au vaillant Conrad, passé du polonais à l'anglais, langue à laquelle
Michel Zink donne une très grande partie de son attention et de ses lectures d'ailleurs.
Virginia Woolf et, plus tard dans le texte,
Jane Austen forcent l'admiration de notre grand lecteur voyageur. Dickens retient un peu son attention avant un long et fascinant développement outre Rhin chez
Thomas Mann. Moins intéressante l'évocation de germanophones obscurs, (pour moi), que furent
Theodor Fontane (1819-1898) et
Eduard von Keyserling (1855-1918), tous le deux nés en Prusse, désormais rayée de la carte.
Les écrivains anglais, plutôt qu'américains, ont la faveur de
M Zink.
George Eliot,
William Thackeray,
CS Lewis et la néo-zélandaise, reine de la nouvelle,
Katherine Mansfield.
Lors de quelques références à la littérature française, chez
Proust l'incontournable,
Balzac, à peine
Flaubert, on apprend que les auteurs français n'aimeraient pas leurs personnages. Les anglais, réputés souvent ne pas aimer leurs enfants, auraient plus de tendresse pour leurs personnages de fiction. Tout est concevable dans l'univers de la grande fiction.
En effet, parlant de celui qui lit dans une lange étrangère, notre auteur proclame que ‘l'incompétence est pour lui un stimulant autant qu'un handicap'.
A bon entendeur, salut !