C'est très difficile de ne pas se faire remarquer quand on pèse plus de quatre-vingt-dix kilos à seize ans et pourtant j'ai toujours songé que ce poids encombrant n'était là que pour me dissimuler. Moi toute entière, comme si je m'auto-dévorais.
"Elle profite" est l'expression convenue pour décrire l'énormité de ma présence.
Je ne profite de rien. Je me cache. Elle est "enveloppée en est une autre comme si mon corps était un emballage cadeau. (p.8-9)
C'est la première fois que j'ai un corps. Un sexe. C'est obscène. Déplacé. ça me fait honte. ça me fait mal. Il n'y a plus de mots. Juste des représentations qui me paraissent sales. je me perds. Trou noir.
Fuir. La fuir. Ne pas la salir. Mon amie, ma soeur. Mon grand corps émerveillé me révulse. Le désir n'appartient pas à l'amitié. Aimer, oui. mais ça, non. (p.32-33)
Vide, une carcasse morte, inoffensive. Les grilles sont fermées, je passe devant et je crache à terre. Mon portable sonne. Je ne veux pas savoir. Je le jette dans les poubelles devant le lycée. Je crache encore et encore. C'est aussi la première fois que je crache.