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sur 1324 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Sherman Mac Coy, à seulement 38 ans, a tout du golden boy. Autoproclamé « Maître de l'Univers », ce père de famille vaniteux travaille sur Wall Street, où il vend des obligations pour sa société de bourse. Il touche presque un million de dollars de revenus annuels, entretien une liaison dans un studio miteux avec une brune pulpeuse, vit dans un appartement au luxe indécent sur Park Avenue où il retrouve chaque soir sa femme Judy, une mondaine anorexique, et leur fille de six ans, Campbell.


Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour cet homme à la réussite sociale flamboyante, jusqu'au jour de l'accident… Alors qu'il raccompagne sa maîtresse de l'aéroport, dans son coupé Mercedes, Sherman rate la sortie d'autoroute pour Manhattan et se retrouve dans le Bronx. Affolé et sans repères, il perd définitivement ses moyens lorsqu'il tombe dans un traquenard monté par deux jeunes noirs désireux de le délester de sa voiture… le couple adultère parvient à s'enfuir mais non sans renverser au passage l'un des deux malfrats… le choc lui vaut un traumatisme crânien qui le plonge dans un profond coma. Dès lors, les médias et les politiciens s'emparent de cette sordide histoire afin de dénoncer l'injustice sociale et judiciaire dans une ville en plein clivage. Commence pour Sherman le début d'une longue descente aux enfers…


Et bien, quelle claque ! Il aura fallu le challenge « Variété 2015 » de Shenandoah pour que je sorte enfin « le bûcher des vanités » de ma PAL ! Je regrette d'avoir attendu si longtemps pour découvrir ce chef-d'oeuvre de la littérature américaine !



Durant les 914 pages de ce « petit » pavé, Tom Wolfe dresse une satire féroce et grinçante du New-York des années 80. Nul n'est épargné par la plume de ce brillant écrivain à l'humour corrosif. Qu'il soit blanc ou noir, pauvre ou riche, américain ou anglais, journaliste ou avocat, chacun en prend pour son grade et tous sont coupables que ce soit de lâcheté, de corruption, de malveillance ou ne serait-ce que d'avoir un ego démesuré… Bref Tom Wolfe se lâche et ça fait du bien !


Malgré sa densité, « le bûcher des vanités » est un roman sans longueurs, ni fausses notes, mené à tambour battant et qui nous plonge avec brio au coeur d'une ville aux multiples facettes, où le faste et la richesse côtoient la pauvreté, l'injustice sociale et la délinquance. Un roman audacieux et sans limites, magnifiquement orchestré, dans lequel règne une certaine folie et qui mets à mal les mondes de la justice, de la politique et des médias !


C'est avec un doux frisson que le lecteur se retrouve pris, aux côtés de Sherman Mac Coy, dans cette spirale infernale qui ne semble pas avoir de fin… Au fur et à mesure des mésaventures du jeune courtier, le lecteur oscille malgré lui entre effroi cauchemardesque et fascination morbide pour le scandale et le malheur des autres. Un roman haletant et passionnant, qui fait tomber les masques et fait ressortir les aspects les plus détestables de la nature humaine. Un texte d'autant plus surprenant qu'il semble très actuel, malgré une parution datant de 1987 ! Bref, à lire absolument !
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New York et proche agglomération ,est une ville que je connais pas mal et que j'ai fréquenté occasionnellement mais régulièrement et depuis un bail.
Si on connait cette ville depuis très longtemps on sait qu'elle a radicalement changé sur environ quarante ans.
Ce livre est un pavé ancré dans le détail et les nuances . Les détails sont amenés en touches discrètes et ils génèrent une consistance légère mais d'un réalisme sans faille. La citée est dans ce roman un véritable écosystème et c'est sans réserve que le lecteur parcours cet univers démesuré.
La ville dessinée dans ces pages est une ville géographiquement (géographie humaine) différente de celle d'aujourd'hui. Elle était au début des années 80 plus « Naughty » , assez dangereuse, très encanaillée et souvent populaire et au bas de l'échelle sociale ,avec de nombreux ilots ethniques variés de primo-arrivants ou non. Une grandeur bourgeoise démesurée et puissante planait sur la ville à l'époque alors que le métro était arpenté par ses milices populaires , avec leur pantalons rouges moulant et remontés jusqu'au cou, pour protéger les voyageurs du métro des toxicos et autres manants. Musées, bâtiments officiels, police ,univers maritime « skyline » envahissait les regards et les ressentis des visiteurs ,plongés de facto dans le vertige et la démesure. Cette ville monde ,de pierres de briques ,de verre, futuriste et encrée dans le passé. ,tout en altitude artificielle et visionnaire était une fourmilière comparable à Mumbai centre aujourd'hui.
Elle s'est depuis beaucoup aseptisée et résidencialisée , « gentriffiée » en fait. J'ai arpenté Harlem relativement récemment et c'est un endroit très agréable ,pas trop cher ,peuplé de gens tout à fait aimables et le Gospel est presque devenu confidentiel. Si par exemple on assiste à Harlem à un concert dans une église et que l'on est blanc on peut s'assoir n'importe où, sans se mettre nécessairement à côté de la sortie au cas où. Si le ciel et l'horizon dégagé vous manquent et que le bruit vous assomme il faut s'approcher d'un des nombreux bord de mer où planent constamment des allures entêtantes de Nouvelle Angleterre maritime.
Non, La ville d'aujourd'hui n'est plus et de loin celle du Bucher des vanités mais les choix sociologiques de l'auteur qui sont un prisme d'insertion dans l'univers de New York sont absolument valides et contemporains.
Le bucher est une fresque morale enracinée dans l'humain (les individus et le collectif) et il l'est aussi dans des représentions sociales pertinentes ,dures mais sans véhémence outrée ni dénonciations idéologiques obsessionnelles (moralité et politiques) ou caricaturales.
La minutie des détails et du rythme font que cette lecture alimente la sensation de déplacement réel. Les personnages ne sont pas très sympathiques et souvent la ville les malmène et leurs sociabilités en rajoute au lieu de les aider généralement.
New-York c'est des visages souriant partout avec des sourires techniques très convaincants et biens apprêtés qui lissent efficacement l'âpreté d'une réalité individuelle souvent sous pressions, fragile et toujours en péril. Une réalité qui est elle-même posée sur des sables mouvants. La New York du bucher est secouée de manifestions et d'émotions populaires et collectives sur lesquelles planent la vanité et la dénonciation exigeante de certains acteurs importants de la vie locale et qui incarnent énormément de symboles.
C'est un New York qui n'existe plus mais pourtant New York est toujours New York, même « gentriffiée ». On dit que le Diable est dans les détails et il semble bien en effet que ce soit vrai. le lecteur averti appréciera cette ville des années 80 ou le simple fait de prendre le métro vous causait des poussées d'adrénaline endiablées.
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D'un fait divers insignifiant, un étudiant « nègre » se fait renverser par une luxueuse Mercedes dans le Bronx, Tom Wolfe réalise le tour de force d'en faire un pavé de plus de 900 pages et une oeuvre incontournable de la littérature américaine.
L'auteur met toute sa malice, son esprit sarcastique et son humour pour développer un échantillonnage impressionnant de personnages tous plus immoraux les uns que les autres, vénaux et ce, quelques soit la couche sociale dont ils sont issus. Même s'il fait de cette petite affaire digne d'une rubrique des chiens écrasés, une affaire de racisme, ce n'est que le prétexte pour faire l'étude de ses contemporains, habitants de la grosse pomme. Tom Wolfe n'y va pas avec le dos de la cuillère mais plutôt à coup de seaux de vitriol. Ses propos acides décapent la croûte superficielle de ses « héros » pour laisser couler le pus pestilentielle de leurs coupables envies, faiblesses et vicieux penchants. Son roman est le musée des petites horreurs quotidiennes, dans ce que l'homme a de plus abject, sa corruption, sa compromission, sa lâcheté. Tom Wolfe met à nu les travers de chacun avec une adresse et un naturel confondant. Tout semble évident même dans les réactions les plus viles. Il fait la démonstration d'une justice à l'âme corrompue qui sert les intérêts d'une société de cafards plus que la vérité une et inaltérable.
Tom Wolfe établie la preuve que la société moderne n'a pas abandonné son goût du sacrifice humain, offrande au dieu Moloch sur l'autel du temple dédié à l'argent. Cette société qui oublie Henry Lamb, l'étudiant « nègre », la victime et Sherman McCoy, le richissime trader, le coupable mal grès lui, au profit des intérêts de personnes dont ils ne seront que les outils. C'est l'essence même du « Bûcher des vanités »…Et comme dit le grand philosophe gallinacé Calimero : « C'est injuste, c'est vraiment trop injuste ! ».
On ne voit pas forcément au début du roman où l'auteur veut nous amener, mais il suffit de se laisser guider par l'inventeur du nouveau journalisme pour jubiler de cette peinture sans concessions de nos contemporains et peut-être de nous-même.
Traduction de Benjamin Legrand,
Editions le livre de poche, 920 pages.
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Mazette, je viens de tourner l'ultime page de ce roman et je n'arrive pas encore à réaliser. Mais quelle claque !

Trop petite pour lire le livre à sa sortie en 1987, trop jeune encore pour voir le film sorti en 1991, finalement c'est quelques décennies plus tard que je me prends en pleine figure ce monstre de la littérature américaine. Car si les films peuvent mal vieillir, les livres en revanche traversent les âges. Encore un avantage pour mon ami le livre, eh eh !
J'aurais juste loupé Bruce Willis avec des cheveux...

Fidèle à mes valeurs, vous n'aurez rien ici du contenu, de la substantifique moelle de l'intrigue mais, je l'espère, une mise en bouche qui éveillera votre appétit. Car il en faut un peu pour dévorer ces 915 pages.

Alors voilà : l'auteur nous emmène dans le New-York des années 80. Et les années 80 à New-York, c'est chouette.
Le NYC des années 80, c'est Manhattan avec ses tours gigantesques et des cabines téléphoniques partout, des brushings de l'espace, des robes improbables aux épaulettes surdimensionnées, des appartements dont on ne compte même plus les mètres carrés décorés par les dames qui portent les robes et les brushings cités ci-dessus, des sacs de dollars jetés sur les trottoirs, des limousines de 25 mètres de long pour parcourir 3 pâtés de maisons, des soirées avec plein de gens connus qui écrivent des livres sur l'existentialisme et peignent des croûtes dont on se demande dans quel sens il faut les accrocher, des enfants qui vont dans écoles privées avec un bel uniforme écussoné, des traders qui donnent le La du marché financier mondial nuit et jour. Et c'est surtout Sherman McCoy.

Parce qu'il possède tout cela, Super Sherman.
Et Super Sherman, il a bien sûr plus d'un tour dans son sac pour passer du bon temps avec sa Magic Maîtresse. Sauf que quand il se trompe de route, tout dérape et il se mange le bitume à pleines dents.

On passe alors de l'autre côté du miroir avec le NYC des années 80 moins reluisant et beaucoup moins glamour : les quartiers mal famés, gangrenés par la pauvreté, l'injustice et la drogue, les politiciens affamés de pouvoir, les journalistes toujours à l'affût du "coup" qui propulsera leur carrière.

Prenez tous ces ingrédients, mettez-les dans un sac, secouez bien, ajoutez un talent monstre pour dépeindre ce décor unique teinté de réalisme et de cynisme et vous obtenez un chef d'oeuvre qui traite à merveille de deux mondes radicalement opposés, qui s'entrechoquent et dont personne ne ressortira indemne.

Pour ma part, j'ai mis quelques 200 pages pour m'immerger complètement car l'auteur dresse les différents tableaux qui vont ensuite se superposer.

Merci à GeorgesSmiley pour cette belle découverte ;-)

Lien : https://mamanlyonnaise.wordp..
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Il y a des personnes qui ne manquent pas de provoquer le respect, l'admiration ou la jalousie. Comme ce procureur du Bronx, au corps sculpté comme un dieu grec, qui pourfend inlassablement le crime ; ou ce trader en vue de Pierce & Pierce, qui brasse des millions avec nonchalance jour après jour.

Et pourtant ! le premier doit subir la petite humiliation quotidienne d'aller au travail en baskets : quand on prend le métro dans le Bronx au moment des émeutes raciales, mieux vaut éviter de passer pour un blanc fortuné. Il évite soigneusement ses anciens amis, qui gagnent quatre fois plus que lui, et qui n'ont aucun mal, eux, à assurer le train de vie auquel leur statut donne droit. Et son sens de la justice consiste à se déchaîner contre les accusés pour impressionner les jolies jurées qu'il espère sauter à la fin du procès.

Quant au second, qui se qualifie modestement de « Maître de l'Univers », il peine à se faire respecter au-delà de son bureau. Son propre chien, dont la promenade lui sert d'alibi pour appeler sa maîtresse, refuse, toutes griffes dehors, de se laisser balader sous la pluie. Quelle humiliation pour un homme qui décide du sort de milliers de personnes la journée de devoir traîner un animal de force sous les regards perplexes des passants ! Et de ne même pas pouvoir rivaliser niveau prestige avec le père éditeur de la meilleure amie de sa fille, laquelle tente vainement de comprendre ce qu'il fait pendant ses journées.

Ces deux hommes se rencontreront lors d'un procès. le riche trader s'aventure par erreur au coeur du Bronx, dans une faune qu'il n'a pas l'habitude de côtoyer. le malaise se transforme rapidement en panique quand il se croit attaqué, et il renverse un jeune noir en prenant la fuite. Pour son malheur, cet accident est récupéré par des mouvements politiques, qui en font le symbole de l'inégalité sociale et du peu d'intérêt généré par la vie d'un noir, et la machine médiatique s'emballe.

Ce roman est un véritable coup de poing, tant l'auteur à rendre avec précision les conflits personnels de ses personnages : alors qu'ils se pensent au sommet de leur gloire, toute la petitesse du quotidien leur met sans cesse des bâtons dans les pieds : impossible d'échapper aux grosses factures à venir, à la peur de se faire ridiculiser devant ses pairs, à celle de dévoiler ses origines (le jeu sur les accents des personnages est sublime). de même, derrière les grandes idées travaillent souvent des personnages aux motivations très mesquines. Les juges, les avocats, les journalistes tentent surtout de rafistoler leur propre vie, quitte à devoir briser la vie de quelques personnes au passage.

L'oeuvre n'a rien perdu de son impact malgré les années. On n'en sort pas très rassuré sur la nature humaine, mais la petite dose de cynisme et la perfection dans le détail des personnages en font un livre incontournable.
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Sherman McCoy est une de ces traders new-yorkais à qui tout réussit : maître du monde autoproclamé, marié à une décoratrice de renom, père d'une petite Campbell et amant d'une magnifique garce.
Kramer est un assistant du procureur qui rêve de gloire et salaire mirobolant. Il rêve aux maîtres de ce monde, conscient d'être brimé par les circonstances.
Le jour où Sherman et sa maîtresse renverse un noir du Bronx, leur destin à tous deux vont basculer.
Tom Wolfe nous offre un livre puissant, d'une force rare. La vanité exposée au bûcher des medias et de l'opinion publique n'est pas celle qui nous écoeure le plus dans ce livre. Sherman n'est à la limite que méprisable dans sa lâcheté et son arrogance. D'ailleurs, il abandonnera vite cette posture intenable. L'oeuvre de Wolf est une satyre terrible du pouvoir des medias americains, et de l'hypocrisie qui gangrène les milieux politiques et sociaux de la ville.
Écrit avec une rare intelligence, ce livre est un classique de la littérature americaine dont on se remet difficilement, tellement il nous paraît plausible.
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Champagne millésimé
Plutôt que de faire une longue critique qui n'ajouterait pas grand chose à la liste, déjà bien longue, de celles publiées, je me contenterai de ce parallèle. Pour moi, à l'inverse de tant de livre lourds, poussifs, qui pourraient évoquer un pétillant (catalan à bas prix ?) légèrement trop chaud et éventé, il me semble qu'avec ce Tom Wolfe, on a plutôt à faire à un Dom Pérignon millésimé (mais peut-être le sont-ils tous) : humour, vivacité, plaisir constant !
Un pur bonheur, et pour moi un vrai chef-d'oeuvre. (En revanche, étonnamment on peut se dispenser de l'adaptation médiocre par le pourtant génial et brillantissime Brian de Palma...)
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Une oeuvre unique en son genre . le portrait d'une société à l'agonie , qui se berce d'illusions et qu'un drame vient ébranler trés fortement . Wolfe ne force pas le trait, il met à bas les conventions et dévoile le vrai visage d'une socièté qui a perdue ces masques . Cette oeuvre est essentielle pour comprendre les tenants et les aboutissants d'un monde dont l'on entend parler , mais que l'on ne connait pas : celui des nantis américains . La confrontation avec le commun des mortels fait trés mal , les mots sont "assassins" , Wolfe n'èpargne personne et livre un livre majeur qui reste longtemps en mémoire et s'impose comme un classique immédiat . Il faut lire ce livre au moins une fois dans sa vie de lecteur ! Culte !
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Ce livre est, à mon avis, un des meilleurs de la littérature contemporaine. Avec ses descriptions précises qui partent dans tous les sens, Tom Wolfe nous présente au fil des pages les personnages mis en situation, mais pas seulement. L'auteur nous livre aussi et surtout un tour d'horizon complet des milieux professionnels tels qu'ils apparaissent dans la pratique, vus de l'intérieur. On suit les activités professionnelles du personnage principal, Sherman Mac Coy, vendeur d'obligations de Wall Street, les journées professionnelles des juges, des avocats, des policiers, des journalistes, des hommes politiques… Tout y passe, la description de leurs faits et gestes, mais aussi et surtout la cuisine interne, le pourquoi de leurs décisions, les petits arrangements entre « amis » qui alimentent la « Banque des services rendus » sans laquelle le système judiciaire se gripperait. À la manière De Balzac ou de Zola, Tom Wolfe nous décrit aussi les manières de s'habiller et surtout de parler – les accents – de tout ce petit monde selon qu'il soit de telle ou telle origine ou classe sociale.

Au début du livre, on vit avec Sherman Mac Coy dans son appartement de Park Avenue et l'on rit de sa maladresse. La description de sa gaffe commise dans une cabine téléphonique, en bas de chez lui, alors que la pluie redouble d'intensité et que son chien tire comme un forcené sur sa laisse nous arrache des éclats de rire. Puis, peu à peu, on est attendri par cet homme engoncé dans sa petite vie bourgeoise qui essaie à la fois d'être un père modèle et d'exister aux yeux de son épouse et de sa maîtresse. Il s'est fabriqué un petit monde et ses mouvements sont réglés comme sur du papier à musique.

Oui, mais voilà, par ambition, des hommes politiques, des acteurs du monde judiciaire et journalistique vont l'attraper dans leurs filets et le broyer sans complaisance. Et au fil des pages on se demande si Sherman Mac Coy le mérite vraiment ? Evidemment non. Et c'est pourquoi on souffre avec lui. le seul crime qu'il ait commis est de s'être perdu dans le bronx un jour qu'il revenait de chercher sa maîtresse de l'aéroport. Et, sous l'effet de la peur, de la peur panique, il saute de sa voiture, sa maîtresse prend le volant et dans un geste désespéré pour se sortir d'un mauvais pas imaginaire, sa maîtresse percute un jeune noir qui tombe dans le coma le lendemain. C'est elle qui conduisait. Oui, mais la victime a eu le temps de retenir une partie du numéro de la plaque minéralogique et c'est sa voiture à lui, Sherman Mac Coy.

Et, à nouveau, on le voit s'empêtrer dans sa maladresse. Les Mercedes avec ce bout de numéro de plaque minéralogique se comptent par centaines à New York. Les policiers qui mènent l'enquête viennent le voir par routine. Mais Sherman Mc Coy les reçoit sur la défensive et cela éveille les soupçons des flics. Ensuite, tout s'enchaîne. La victime est un noir du bronx, un brave étudiant et le « coupable » un millionnaire de Wall Street qui l'a écrabouillé avec sa Mercedes et s'est enfui, le laissant sur le carreau. L'occasion est trop belle. L'affaire se transforme en un combat de classes, un combat de races. Et tout le monde va y trouver son compte : le prêtre local, les politiques, les juges, les avocats, tout le monde sauf Sherman Mac Coy qui, humilié dans un monde judiciaire trop féroce pour lui, cherche désespérément une marque de sympathie, un appui parmi tous ces gens qui ne pensent qu'au bénéfice qu'ils pourront tirer d'une affaire si emblématique. Même son avocat le dépouillera en lui faisant croire qu'il va l'aider à s'en sortir…

On s'identifie pleinement à ce personnage parce que l'on n'a aucun mal à se mettre à sa place. N'importe qui, au volant de sa voiture, dans un moment de panique, dans une rue sombre, peut accélérer sans mesurer ni même être conscient des conséquences de ses actes. Et au fil des pages on se souvient de cette gaucherie de la cabine téléphonique du début. On le voit répéter encore et encore les erreurs d'un homme foncièrement bon, empêtré dans une situation qui le dépasse, abandonné par ses proches, criant au secours à sa manière en attendant toujours de voir la fin de ce cauchemar, comme si tout ceci ne pouvait pas vraiment lui survenir, lui le « Maître du monde » comme il aimait à se qualifier au début du livre, lui qui fait gagner des millions à sa banque d'un simple clic de souris d'ordinateur.

Evidemment, tous ces événements personnels vont avoir des conséquences néfastes sur son activité professionnelle. Il va multiplier les erreurs et finalement tout avouer à ses supérieurs avant que le scandale n'éclate, attendant de voir ses « amis », ceux pour qui il a mobilisé tous ses efforts, le réconforter, l'appuyer, lui dire « tu peux compter sur nous ». Mais ces mots ne viendront pas. Et, à l'instar du milieu judiciaire, présenté comme fait d'atomes égoïstes et cruels, son mode professionnel le décevra aussi.

Cette descente aux enfers prend du temps. Il faut tourner beaucoup de pages. D'aucuns diront que c'est trop lent et fermeront le livre. Paradoxalement, pour moi qui ai adoré le livre, cette lenteur m'a aussi été pénible. Et non pas parce qu'il ne se passait rien. Au contraire, il se passait trop de choses ! Et, m'ayant identifié totalement au personnage, j'ai souffert tous ces petits affronts, toutes ces humiliations, ce harcèlement constant des journalistes… Et c'est cette avalanche d'épreuves vécues en même temps par Sherman Mac Coy et par le lecteur qui fait, à mon sens, tout le caractère insoutenable mais magnifique de cette oeuvre.

On a aussi l'impression que Sherman souffre plus que nous ne souffrions nous même confrontés à la même situation. Parce que Sherman Mac Coy cumule les circonstances aggravantes : sa gaucherie, sa situation confortable, son destin qui s'est déroulé jusque là sans accroc et qui ne l'a pas préparé à se battre dans cette jungle impitoyable qu'il découvre dans la situation la plus incommode que l'on puisse imaginer. Il apparait comme le parfait coupable, riche et insouciant, coupable d'un fait qui sera exagéré pour en faire un exemple, pour démontrer qu'un homme blanc et riche ne peut pas impunément écraser un noir pauvre, l'abandonner à son sort, puis s'enfuir en toute impunité, comme si rien ne s'était passé.

Et c'est ce qui est le plus paradoxal et le plus intéressant dans ce livre. C'est au nom de valeurs supérieures d'égalité et de justice que tous ces petits magouilleurs du monde judiciaire, politique, et journalistique le cloueront au pilori, lui qui finalement est le plus innocent, lui qui n'était même pas au volant de cette Mercedes noire, une nuit dans le bronx…



Mon explication du titre :« le bûcher des vanités », traduction littérale de « The bonfire of the vanities ».


Sherman Mac Coy est cloué au pilori, il est brûlé en place publique. À mon sens, ce sont les vanités des acteurs du monde judiciaire, politique et journalistique qui alimentent le feu du bûcher. Cet excellent titre est donc des plus appropriés.


Les plus :


- Descriptions des lieux, des professions vues de l'intérieur, des travers de tel ou tel groupe social (habillement, façon de parler, de se comporter, de penser).
- Descriptions des personnages qui permettent au lecteur de s'y identifier totalement.
- En une phrase, Tom Wolfe résume le paradoxe des situations. Exemple : « Donc, Sherman qui était venu pour virer son avocat lui signa un chèque de 75 000 $ ».
- Beaucoup d'humour, on trouve même une blague !


Les moins :


- Des récapitulatifs de ce qui s'est passé jusque là présentés sous forme d'articles de journaux. Ils alourdissent le récit inutilement.
- Après tant de pages, la répétition des expressions propres à l'auteur que l'on trouvait géniales en début de lecture finissent par lasser.
- Quelques expressions galvaudées. Un problème de traduction ?


Ma note : 10/10 Gros coup de coeur !
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"Le bûcher des vanités" est maintenant un classique dans la description du New-York des années 80.
La chute d'un trader est le prétexte pour faire côtoyer des classes sociales qui s'ignorent habituellement. Des riches indécents, des afro-américains du Bronx, des flics, des avocats, un juge, un journaliste, un substitut du procureur, le maire, le révérend Jackson.. tous vont vivre cette histoire en défendant leurs propres intérêts au mépris de la vérité. Personne n'est épargné.
Il y a de l'énergie dans l'écriture, des détails dans les descriptions, des dialogues enlevés, des fautes de syntaxes des personnages soulignées par l'auteur, une représentation d'un monde impitoyable et un final haletant.
900 pages remarquables et un tableau d'une époque.
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Tout au début du roman, la scène d'ouverture :

Maria fait du shopping
Sherman sort promener son chien
Sherman et Maria rentrent de l'aéroport en voiture

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