La mort est un filon comme les autres. Pas facile de qualifier la profession du narrateur. « Apologiste des défunts ? Compositeur des morts ? Conteur posthume ? Prosateur nécrologique?Glorificateur des trépassés ? ». Antoine écrit des oraisons funèbres personnalisés de haute tenue à partir des renseignements collectés auprès de la famille du défunt. Parfois, voulant vérifier in situ l'effet de ses éloges, il assiste discrètement aux obsèques. Jusqu'à ce qu'il y rencontre inopinément l'amour, chamboulant la vie bien ordonnancée de cet homme solitaire et discret.
Le roman fait moins de 150 pages à grosse police, pages aérées. Forcément, avec un texte aussi court, la réussite repose encore plus sur la qualité de la construction narrative. Et dans ce domaine, c'est incontestable que
Christophe Wojcik excelle et maîtrise parfaitement le genre novella. Au millimètre, il trouve le bon tempo pour déroulé son intrigue : rythme soutenu, pas de temps à perdre, mais sans se précipiter, avec les faux plats nécessaires pour la compréhension des personnages et de leurs actes, vite dépassés par des péripéties inattendues.
On ne s'ennuie jamais, d'autant qu'on rit beaucoup sur un sujet culotté, la mort sous tous ses aspects( deuil, euthanasie, soins palliatifs, business mortuaire ), qui ne prête pas intuitivement pas à la plaisanterie. Evidemment, l'humour porte noir. Si on l'apprécie, les situations sont délectables et cocasses à souhait, allant d'une palette gentiment acide à une piquante immoralité, en passant par des nuances beaucoup plus à la fantaisie tendre car
Service après-mort est avant tout une histoire d'amour sous couvert de fable contemporaine espiègle questionnant sur nos travers.
A un moment, j'ai eu tout de même peur d'un petit côté moralisateur punissant les déviants, mais l'auteur a l'art des chausses-trappes permettant de changer judicieusement de braquet, jusqu'à un savoureux épilogue, simple mais évident. Antoine, qui disait « Si je mourais demain, il n'y aurait rien à déclarer » dans la première moitié du récit, peut se targuer, à la fin, d'avoir au contraire beaucoup à déclarer.
L'auteur a une vrai patte, très plaisante à lire lorsqu'on goute l'humour noir, même si l'empreinte sera fugace.