J'avais vu le film de
Clint Eastwood issu du livre il y a une vingtaine d'années. J'ai voulu lire le livre afin de sentir s'il y avait quelque chose de plus que le cinéaste n'aurait pu retranscrire. Puis, sitôt ma lecture achevée, j'ai revu le film, car les souvenirs sont parfois capricieux et modifient ce qu'avait été notre perception.
Somme toute, je considère à présent que le film est, dans sa catégorie, mieux réussi que le livre, dans sa catégorie, en ayant pourtant puisé l'essentiel de lui. Selon moi, la différence a trait à l'esthétique : le film, via les images très soignées (cadrages, lumières, etc.), son rythme doux, apaisant (sauf dans les moments intenses), atteint un haut degré de raffinement esthétique, proche du lyrisme.
Le livre, quant à lui, prend délibérément le parti du minimalisme, c'est-à-dire, pas de recherche esthétique particulière autre que l'efficacité narrative et le scénario de l'histoire. La structure narrative du récit me semble très bien conduite mais je n'ai relevé aucun lyrisme dans les formules, aucune beauté particulière dans l'expression qui aurait concouru à générer une esthétique romanesque particulière.
Robert Waller a juste cherché à être simple et efficace, et il est simple et efficace : il a fait le job mais sans ce supplément d'âme qui fait qu'une écriture ne peut être portée à l'écran. Ce supplément d'âme, en littérature, cela s'appelle le style, or, dans sa catégorie, le film a, lui, du style, d'où sa supériorité d'après moi.
En ce qui concerne les différences dans le scénario, en revanche, je trouve que les choix effectués dans le film n'apportent strictement rien (rôle plus important des enfants de Francesca, création de personnages absents du roman, scènes de dispute entre Robert Kincaid et Francesca, remise du médaillon par Francesca, etc.). Tout ceci était franchement plus subtil dans le livre.
Donc, vous l'aurez compris, l'oeuvre de Robert Waller vaut, selon moi, principalement pour son scénario, simple, efficace, particulièrement bien construit. le rôle de la narration y est déterminant (avec différents narrateurs tous très discrets mais sacrément bien amenés, parfois c'est une lettre de Francesca ou de Robert Kincaid, parfois c'est un témoignage, parfois c'est l'auteur qui écrit « je » en tant qu'auteur, bref, toute une panoplie de fins artifices pour nous faire adhérer à son histoire). Les deux personnages principaux, bien que finalement assez rapidement esquissés, sont très crédibles. Et leur histoire d'amour, si elle possède une certaine forme de magie, cela tient au fait qu'elle n'a pas eu le temps de s'éroder naturellement comme toutes d'ordinaire s'érodent. En ce sens, la magie de la relation est elle aussi rendue crédible alors que sans cela, elle aurait été mièvre.
Sans vouloir trop en dévoiler pour ceux qui n'auraient ni vu ni lu cette histoire, sachez seulement qu'elle se déroule principalement sur quatre jours, dans un état rural des États-Unis en 1965. Une fermière de 45 ans, Francesca Johnson, voit débarquer chez elle un photographe du National Geographic, arrivant de l'autre bout du pays et venu spécialement pour un reportage sur les ponts couverts du Comté de Madison (le titre original rappelle davantage les titres du National Geographic : The Bridges of Madison County).
La famille de Francesca (mari et enfants) sont partis pour la semaine à un concours agricole situé loin de chez eux. Entre la fermière et le photographe venu demander où se situait le pont, une attirance mutuelle s'établit mais qui n'est pas sans poser quelques problèmes… Je m'en voudrais d'en dire davantage mais me permets d'insister sur le fait que ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.