Une chercheuse-actrice en santé publique et un philosophe esquissent un bilan scientifique, éthique et politique de deux ans de crise sanitaire là où la guerre en Ukraine a éclipsé la moindre velléité de tirer les leçons d'un choc sociétal.
La grande faiblesse de l'approche pluridisciplinaire (groupe de travail constitué de connaisseurs des sciences sociales et de praticiens hospitaliers et de soignants) réside dans le refus de dessiner "le monde d'après", laissant à la conscience de chacun le soin de reprendre sa place dans le cours du temps.
Hormis ce bémol, le contre-récit de
Barbara Stiegler &
François Alla observe l'avènement d'un nouveau libéralisme autoritaire, fossoyeur de la démocratie sanitaire. La France a basculé dans un régime d'exception, - confinement généralisé, pass sanitaire, isolement des personnages âgées, stigmatisation des réfractaires à la vaccination, appel à la dénonciation sur la radio jeune Skyrock -, au nom de l'intérêt général, en faisant l'impasse sur une application ciblée des mesures sanitaires.
Du coup, les autorités ont fracturé la population, cultivé un discours manichéen binaire : pour et contre, ami/ennemi, antivax = provirus, multipliant les contre-vérités notamment sur l'efficacité vaccinale. Exit la rationalité scientifique et le raisonnement médical, place au jugement moral. Les non vaccinés minent la réussite du plan global, ce sont des emmerdeurs.
Les associations, les médecins, les groupements citoyens ont été mis sur la touche; les droits des patients, entre autres celui à une information lui permettant un consentement libre et éclairé, deviennent devoirs sous l'emprise d'une fabrique du consentement forcé. de toute façon, la population est inapte à décider par elle-même, n'est-il pas...
La critique porte, étayée de nombreuses références, réquisitoire implacable d'une politique du tout ou rien, solution simpliste et réductrice au lieu de penser la santé publique en termes relationnels, ciblés et proportionnés.
Nos gouvernants ont oublié que la santé est d'abord un fait social.