Le coup de force de Nasser avait été précédé d'une retraite. On pourrait presque dire d'un retour aux sources. Au lieu d'aller à sa maison de campagne de chef du gouvernement, près du dernier barrage du Nil, au milieu des fleurs, il avait choisi de réfléchir dans son pavillon d'officier pauvre, à Héliopolis. Cinq petites pieces, un jardinet, une porte aveugle , un mur bas, un unique garde du corps en civil. Nasser n'aime pas le bureau gorgé de livres, il le trouve laid parce-que il doit tout lire pour apprendre, pour un métier auquel il n'est pas préparé. Mais la nature des ouvrages, les biographies des dictateurs, apologie des dictateurs, traduit les tendances de l'homme. La traduction de Mein Kampf n'est jamais loin de la main et peut-être de la pensée d'Abd el Gamal Nasser. C'est près d'elle, sinon sous son influence, qu'il fit le point de l'aventure dans laquelle il est précipité. Il revenait de Brioni. Dans l'interpellation officielle, l'entrevue adriatique avait été une nouvelle apothéose pour le jeune chef de l'Égypte; en fait elle fut pleine de difficultés et même d'orages avec la condamnation nuancée de la France en Algérie...Ceux qu'il désire convaincre ou séduire, Nasser parle volontier de sa prudence et, peut-être existe-t-il effectivement chez ce petit fils de fellah un fond de jugement qui lui fait voir l'abîme dans lequel d'autres plus forts que lui ont sombré.
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J'ai tout simplement dévoré ce roman historique qui nous plonge dans l'histoire et nous retrace la vie de Nasser. Super !
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Je me souviens de tout cela, et je me souviens également que, durant cette période de la jeunesse où tout n'était que rêve, nous nous étions mis à réfléchir. Et Gamal avait dit : "Les Anglais sont responsables de tous nos malheurs." Cela nous le savions. Mais dit par lui, ces mots nous firent une étrange impression. C'était comme si tout à coup nous étions chargés d'une grande mission face à laquelle nous ne devions absolument pas nous dérober. Nous parlions de notre Égypte malade, conscient qu'il lui faudrait des années pour recouvrer sa santé. Nous rêvions de refaire la patrie. Une patrie au sein de laquelle chaque citoyen aurait sa place d'homme libre. »
La soirée était détendue, et les nokats fusaient. Brusquement, Gamal nous pria de faire silence et déclara d'une voix empreinte de gravité: "Mes frères, saisissons cette occasion pour créer quelque chose de solide. Que ce jour soit un jour historique. Faisons le serment de rester toujours fidèles à l'amitié qui nous unit. Grâce à cette union, nous triompherons de tous les obstacles." »
Le 9 avril 1948, à midi, des membres de l'Irgoun et du groupe Stern', dirigés par Menahem Begin, futur Premier ministre israélien, firent irruption dans le petit village palestinien de Deir Yassin. C'était un village paisible et sans histoire, situé à l'extérieur de la zone assignée par les Nations unies à l'État juif. Ce fut une boucherie. Sur les 750 habitants désarmés, une centaine fut massacrée froidement. Le lendemain, le délégué suisse du Comité international de la Croix-Rouge ne retrouva que trois survivants hébétés, dont une fillette. L'affaire de Deir Yassin eut des répercussions immenses. La presse et la radio se mirent à diffuser in extenso la nouvelle, provoquant côté palestinien une terreur généralisée. Poussés par la peur, des centaines de milliers d'Arabes abandonnèrent tout dans le seul but d'éviter de subir le sort des habitants de Deir Yassin. p.20-21
Sortir uniquement pour déjeuner ou se promener ne faisait pas partie de ses plaisirs favoris. Non. Nasser préférait, et de loin, le cinéma ! Ah oui ! Voir danser la sublime Cyd Charisse, dans Mission à Moscou ou Parade aux étoiles, voilà qui le comblait de bonheur !
Quand Gamal lit Rousseau ou Voltaire, ce n’est pas un collégien qui apprend une leçon ou se prépare à un examen. Non, c’est un jeune homme qui cherche à comprendre la vie, qui étudie la société, en quête de solutions aux problèmes que pose l’existence. Autour de lui, il voit des ouvriers, de petites gens pour lesquels la vie est rude. Parallèlement, il sait que de riches étrangers et des Égyptiens vivent dans le luxe. Pourquoi cette injustice ? Pourquoi cette prodigalité d’un côté, et de l’autre cette misère et cette humiliation ?
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