Eric lui exposait les rudiments de la peinture à l'huile, lui expliquait que chaque couleur possède une nature différente et doit être traitée avec respect, de la même façon que l'on doit soin et respect à un animal en cage. Et que les brosses ont le pouvoir d'apprivoiser des bêtes, et de les transposer sur la toile, afin de créer la beauté, ou la puissance.
" Je puis être beaucoup de personnes, avait-elle entendu Merle dire sérieusement à Eric. Pourquoi dois-je n'en être qu'une seule ? Je suis une foule de gens et je les aime tous et tous m'aiment."
C'est une petite île, et une petite communauté. Nous n'avons pas besoin de courir. Nous marchons. Si quelque chose presse, on peut emprunter une bicyclette.
Simplement parce que nous sommes entrés dans le monde moderne, en avons-nous terminé avec la souffrance ? En avons-nous terminé avec l'amour, avec la mort ? En avons-nous terminé avec les guerres ? Là, il y aura des sacrifices ! Et quand les parents se tuent au travail pour nourrir leurs enfants ? Sacrifice ?
Et lorsqu'une mère meurt en couches ?
Sacrifice.
Ses yeux semblent exprimer qu'il sait tout mais qu'il ne dit rien.
Il se demande si quelques minutes de joie entière et absolue peuvent valoir une vie entière passée à batailler.
"Je l'aime tellement. Je ferais n'importe quoi pour lui. [... ]. Sauf que je ne parviens pas à l'atteindre. Pas à la façon d'une mère. Il est loin de moi, comme s'il était parti en voyage quelque part, dans un endroit où je ne peux le suivre. il voit des choses que je ne vois pas. Je suis incapable de vous expliquer. [... ]. C'est comme aimer quelqu'un venu d'un autre monde. "
C'est beau. Tellement beau. Rien de spectaculaire cependant, pas de quoi rester bouche bée, c'est simplement une vue ravissante, de ces paysages qui font chaud au coeur et rendent joyeux du seul fait de leur existence.
Éric réfléchit à sa vie, chose qu'il évite habituellement, parce que sa vie n'a pas toujours été facile. Il se demande si quelques minutes de joie entière et absolue peuvent valoir une vie entière passée à batailler.
Peut-être, pense-t-il. Peut-être, si ce sont les moments essentiels.
S'il devait combattre, et s'il devait finir par mourir, au moins qu'il ai pu voler comme un ange, avant.