Citations sur Les Yeux de Mona (98)
Le tableau est ce qu'on appelle un "mémento mori"- encore une locution latine, Mona ! Ce qui signifie : "Rappelle-toi que tu vas mourir"
(p. 101)
De concert, ils eurent envie de pousser un immense hurlement afin de faire éclater la gangue de l'enfance et de se serrer dans les bras. Elle resta muette ; il ne dit rien. Elle était en apnée ; il ne fit aucun geste. Jamais ils ne s'avoueraient combien ce fût joli de s'être ainsi croisés au matin de la vie.
Léonard de Vinci disait de la peinture qu’elle suscitait un sentiment en miroir : l’image d’un homme qui bâille fait bâiller ; l’image d’un homme agressif rend agressif. Et l’image d’une femme qui sourit, qui sourit de ce sourire désarmant, est une invitation à sourire de même.
Tu as tout compris: disparus, nos aînés ne nous demandent pas de nous conformer à ce qu'ils ont fait; ils nous disent juste d'être dignes de ce qu'ils furent.
Marguerite Gérard--Il n'existe pas de sexe faible
(***À partir de son tableau " L'Élève intéressante " , vers 1786)
-Eh ben Dadé, on pourrait vraiment croire que seuls les garçon ont le droit d'être artistes au Louvre ! Il a fallu attendre 1787 pour que ce soit enfin une fille...
- Je vois que tu as lu le nom de l'autrice sur le cartel, chère Mona.Et tu as raison, Marguerite Gérard ouvre une brèche dans un monde écrasé par les hommes.D'autant qu'elle ne se contente pas d'exécuter, en tant que femme, une extraordinaire oeuvre d'art; son travail valorise , par son sujet, les femmes en général.
( p.140)
Et puis Henry, qui citait volontiers " L'Art d'être grand-père" de Victor Hugo, rappelait à qui voulait l'entendre un des principes cardinaux de la transmission : peu importe qu'on comprenne immédiatement tout ce que quelqu'un dit, comme s'il fallait que chaque nouveau mot soit déjà un arbre épanoui dans l'immense verger du cerveau, les éclosions sauraient venir le jour dit, à condition d'avoir tracé des sillons et planté des graines.
... le presque rien fait tout le charme de la vie; il suffit qu'il y ait ce presque rien pour que l'existence s'illumine. Sans ces presque rien qui nous échappent, les choses ne seraient que ce qu'elles sont. Il suffit d'un je-ne-sais-quoi et elles deviennent soudain délicieuses. "Less is more" disent les Anglais en un parfait raccourci.
Johannes Vermeer
L'infiniment petit est infiniment grand
Ce huitième passage au Louvre, devant
" L' Astronome" de Vermeer, fut le premier où Mona éprouva pleinement, sincèrement, un plaisir sensoriel.Jusqu'alors, elle avait surtout a accepté le contrat passé avec son grand- grand-père et tirait son plaisir- néanmoins réel de l' échange tissé avec lui.Elle ne le lui dit pas mais, cette fois, elle aurait pu se contenter d'être seule devant le foisonnement d'objets et de matière concentrés dans si peu de peinture.
Là, devant " L'Astronome ", elle regarda en silence le savant méditant et ce torrent de lumière douce, oubliant d'y réfléchir en vue de la discussion.Henry s'en rendit compte.Et le spectacle de ce détachement, où l'enfant vogue vers des territoires qui semblent tellement éloignés des joies du premier âge, l'emerveilla. Il en fut fier et, au fond de son coeur, très légèrement peiné, parce qu'il anticipait sa propre absence dans cette étrange discordance temporelle.
( p.89)
Rembrandt
Connais-toi toi-même
- (...) Tiens, d'ailleurs, comme ton père, Rembrandt était également marchand.Au rez-de-chaussée de sa grande maison du quartier juif d'Amsterdam, il tenait boutique, vendait ses peintures, ses gravures mais également celles d'autres artistes.On peut encore visiter cette demeure aujourd'hui ,tu sais.
- J'aimerais tant y aller !
- Tu iras, Mona, sois patiente.Et tu verras: Amsterdam est surtout traversé de canaux; la ville donne l'impression de tanguer sur les flots.L'hiver, l'atmosphère est brumeuse, énigmatique. L'ambiance y est mystérieuse et l'on retrouve bien souvent ce mystère dans les tons des peintres du nord de l'Europe.Et de Rembrandt en particulier.
- Je crois que je comprends, Dadé!
À Amsterdam, il fait humide, froid et nuit tôt...Et donc les peintres de là- bas, ils avaient un style qui ressemblait à la ville où ils vivaient !
( p.81)
- Ils étaient en or, je parie...
- Pas tout à fait.Il y avait en effet au Moyen-âge de très beaux tableaux recouverts en abondance de feuilles d'or.Cela donnait de la valeur à l'objet, et cela symbolisait la lumière divine, en plus ! Mais, à la Renaissance, la peinture se passe progressivement de l'effet clinquant de ce qui est doré pour chercher à mieux rendre la réalité telle qu'on la voit, avec ses paysages, la singularité des visages, les animaux, les mouvements des êtres, des choses, du ciel et de la mer.
- On aime la nature, c'est ça ?
- C'est très exactement ça : on se met à aimer la nature.
( p.33)