Fan absolue des aventures de l'avocat bossu Mathiew Shardlake, cela fait 4 ans que j'attendais ce tome 7 et la traduction française de Tombland paru en 2018. Cette série est, pour moi, la quintessence du thriller historique, qui doit équilibrer parfaitement l'intrigue policière et le contexte historique....Et là, malheureusement, pour la première fois, je n'ai pas retrouvé cette harmonie.
Je passe sur les quelques coquilles, les approximations du résumé de couverture et les bizarreries de traduction ( comme les petits " fawns" qui deviennent des petits faunes au lieu de petits faons...), cela nest pas bien grave...Non, le problème, Mon problème n'est pas là.
Tout commence comme il se doit pendant les 500 premières pages de ce pavé avec une intrigue qui se met en place : 2 ans après la mort du roi
Henry VIII, alors que le pouvoir est aux mains des Seymour qui exercent la régence au nom du petit roi Edouard VI, notre avocat humaniste est dépêché en toute discrétion dans le Norfolk pour enquêter sur le meurtre " obscène " d'un membre du clan Boleyn, susceptible d'entacher la fragile réputation de lady Elizabeth, fille d'Anne Boleyn et désormais, seconde dans l'ordre de succession derrière lady Mary ( pas encore bloody), fille de Catherine d'
Aragon.
Jusque-là, tout va très très bien..Mais, vers la page 500, on assiste au basculement de ce thriller historique dans le roman historique, voire même, l'essai historique avec une enquête qui passe complètement au second plan. L'auteur entreprend alors une remarquable reconstitution historique, en immersion totale et quasi " au jour le jour" de ce que furent les révoltes sociales et paysannes qui surgirent en Angleterre et plus particulièrement dans le Norfolk, durant l'été 1549, à l'instigation des frères Robert et William Kett. Les rebelles se regrouperont dans un camp établi sur la colline de Mousehold Heath, qui domine Norwich et aucun détail de la vie de ce camp ne nous est épargné pendant 500 pages supplémentaires : la profondeur des latrines, la construction des abris, la composition des repas, le contenu des prêches, les loisirs....
Malheureusement, on sait comment ce genre de " jacquerie " se termine! Nous irons donc jusqu'à l'ordalie après l'étude des stratégies militaires, la comptabilité des armes d'hast, le calibrage des boulets de canon....
Tout cela est très bien mais..et mon enquête ? Moi, je trépigne alors que nous approchons de la page 1000. Je veux savoir qui a tué Machin Boleyn, quel est l'alibi de lord X et le lourd secret de lady J!!!
Donc, l'enquête, puisqu'il faut bien, va se rappeler à nous avec la découverte providentielle d'un indice et se dénouer illico presto.
Alors oui, je rends un hommage vibrant au talent de C.J Sansom, à son style, à son incroyable travail de recherche historique pour nous présenter un épisode TOTALEMENT inédit et peu connu de l'histoire anglaise (et dont il reprend les points dans un appendice terminal supplémentaire de 150 pages) mais je lui reproche d'avoir utilisé Shardlake comme chausse pied pour un travail historique qu'il n'a pas osé publier comme tel. Or, il est clair que maintenant, il mérite ses galons d'historien !
Ouf! J'ai terminé cet essai historique épuisée, laminée, essorée...je lirai le tome 8 mais j'espère pas avant 2025!