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Citations sur Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d'assassinat (23)

Si j'avais vu combien j'avais l'air mal en point, si j'avais connu la gravité de mes blessures, j'aurais eu du mal à mobiliser la force nécessaire pour tenir le coup.
Les images défilaient. Mon œil globuleux comme un œuf dur pendant de manière improbable sur mon visage, l’iris perché sur le blanc enflé, formant un angle impossible. La longue entaille horizontale sur mon cou enflé et noirci, les plaies tout autour, les estafilades sur mon visage. C'était difficile à regarder. Le cerveau refusait de comprendre. Mais tout était là, sur l'écran, et insistait pour être vu.
Je découvris que ma réaction à ce spectacle était inattendue. Oui c'était choquant, mais à ma grande surprise, je sentis que je devenais très calme, à mesure que je regardais, j'étais capable d'observer tout cela avec détachement.
(p.176)
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Tant que je n'aurais pas affronté l'attaque, je ne pourrais rien écrire d'autre. Je compris qu'il fallait que j'écrive le livre que vous êtes en train de lire avant de pouvoir passer à autre chose. Écrire serait pour moi une façon de m'approprier cette histoire, de la prendre en charge, de la faire mienne, refusant d'être une simple victime. J'allais répondre à la violence par l’art.
Je n'aime pas l'idée que l'écriture soit une thérapie, l'écriture, c'est l'écriture, la thérapie, c'est la thérapie, mais il y avait de bonnes chances qu'écrire cette histoire de mon point de vue, m'aide à me sentir mieux.
(p.174)
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Je suis devenu un drôle d'oiseau, célèbre non pas tant pour mes livres que pour les tribulations de mon existence. La bonne réponse à la question « en quoi cela va-t-il affecter votre écriture ? » est : cela va effectuer la façon dont mon écriture est lue. Ou pas lue. Ou les deux à la fois. [..]
Si le destin m'a transformé en Rushdie icône de la Liberté d'Expression, une sorte de poupée Barbie vertueuse amoureuse de la liberté, alors j'assumerai ce sort. C'est peut-être cela que signifie pour moi « tourner la page » : accepter la réalité et continuer à aller de l'avant à travers cette réalité.
(p.259)
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« J'avais l'air de quelqu'un d'autre », lui dis-je. Commençons par là.
Le plus terrible dans cette attaque c'est qu'elle a fait de moi la personne que j'ai essayé de toutes mes forces de ne pas être. Pendant plus de trente ans, j'ai refusé de me laisser définir par la fatwa et j'ai insisté pour que l'on me considère comme l'auteur de mes livres, cinq avant la fatwa et seize après. Je venais tout juste d'y arriver. Quand j'ai publié mes derniers livres, les gens ont finalement cessé de m'interroger à propos des attaques contre Les versets sataniques et contre leur auteur. Et à présent me revoilà, tiré en arrière et renvoyé à cette problématique indésirable. Je pense à présent que je n'y échapperai jamais. Quels que soient les livres que j'ai écrits ou que je pourrais aujourd'hui écrire, je serai toujours le type qui s'est fait poignarder. Le couteau me définit. Je vais me battre contre cela mais je pense que je vais perdre. Ma victoire, c'était de vivre, mais le sens que le couteau a donné à ma vie était ma défaite.[..]
J'ai rarement apprécié le moment même de la parution d'un livre. C'est comme se déshabiller en public, ce qui permet aux gens de pointer du doigt et de rire. Dans un monde idéal, quand un de mes livres paraît, j'aimerais pouvoir me cacher derrière les meubles pendant quelques semaines. Mais ce n'est pas possible dans le monde réel. Et puis je venais de me cacher derrière les meubles pendant six mois. En ce mois de février, le moment était venu de montrer mon visage.
(p.178)
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Au cours de cette dernière soirée d'innocence, la nuit du 11 août, je me tenais tout seul devant la résidence et je contemplais la pleine lune qui brillait de tout son éclat au-dessus du lac. Seul, enveloppé dans la nuit, rien que la lune et moi, ensemble. […] Pour finir, je me suis également souvenu du voyage dans la lune de Georges Méliès, un film muet de quatorze minutes, le classique des débuts du cinéma, datant de 1902, sur les premiers hommes à atteindre la Lune, en voyageant dans une capsule en forme d'obus tirée par un canon aux proportions immenses. Ils portent des chapeaux hauts de forme, des redingotes et tiennent des parapluies. La scène la plus fameuse du film est celle de l'alunissage.
Je ne me doutais pas en repensant à l'image du vaisseau spatial blessant l'œil droit de la Lune de ce que la matinée suivante réserverait à mon propre œil droit.
(p.21-22)
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J’ai toujours voulu écrire sur le bonheur, en grande partie parce que c’est extrêmement difficile. L’écrivain français Henry de Montherlant est l’auteur de cette formule célèbre : « Le bonheur écrit à l’encre blanche sur des pages blanches. » En d’autres termes, on ne peut pas le faire apparaître sur la page. Il est invisible. Il ne se montre pas.
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Bien des gens, des gens de gauche comme des conservateurs, se sentent en difficulté quand on leur demande de critiquer la religion. Mais si seulement on pouvait faire la distinction entre la pratique religieuse privée et l'idéologie politisée dans la sphère publique, il serait plus facile de voir les choses telles qu'elles sont et de parler librement sans avoir à s'inquiéter de heurter des sensibilités.
Dans la vie privée, croyez ce que vous voulez. Mais dans le monde tumultueux de la politique et de la vie publique, aucune idée ne saurait être protégée et soustraite à la critique.
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Aussi, ma première pensée quand je vis cette silhouette meurtrière se précipiter vers moi fut : « C’est donc toi. Te voilà. » On raconte que les dernières paroles de Henry James ont été : « Elle a donc fini par venir, la chose distinguée. » La mort venait à moi, également. Mais elle ne m’a pas frappé comme une chose distinguée. Je l’ai trouvée anachronique. Ce fut ma seconde pensée : « Pourquoi maintenant ? Vraiment ? Il s’est passé tant de temps. Pourquoi maintenant, après toutes ces années ? » Le monde était assurément allé de l’avant et cette question était réglée. Et pourtant ici, approchant à toute vitesse, il y avait une sorte de voyageur temporel, un fantôme meurtrier surgi du passé.
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Nous n'avons plus besoin de figure (s) de l'autorité parentale, d'un Créateur ou de plusieurs Créateurs pour expliquer l'univers ou notre propre évolution. Et nous n'avons pas besoin, disons plus modestement, je n'ai pas besoin de commandements de papes, ou de serviteurs de dieu d'aucune sorte pour me communiquer des principes moraux. J'ai mon propre sens de l'éthique, merci bien. Dieu ne nous a pas transmis la morale. Nous avons créé Dieu pour incarner nos instincts moraux.
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Je me rappelle être allongé au sol et regarder la mare de sang qui s'écoule de mon corps. « Cela fait beaucoup de sang », me suis-je dit. Et puis j'ai pensé: « Je suis en train de mourir. » Je n'éprouvais pas cela comme un drame ou une chose particulièrement horrible. Cela semblait simplement probable. Oui c'était vraisemblablement ce qui était en train de se produire. C'était une évidence.
Il est rare de pouvoir décrire une expérience de mort imminente. Je voudrais d'abord raconter ce qui ne s'est pas produit. Il n'y avait rien de surnaturel là-dedans. Pas de « tunnel de lumière ». Je n'ai pas eu le sentiment de m'élever hors de mon corps. En fait je me suis rarement senti aussi fortement relié à mon corps. Mon corps était en train de mourir et il m'emportait avec lui. C'était une sensation physique intense.
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