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EAN : 9782246159124
256 pages
Grasset (10/09/1997)
3.84/5   19 notes
Résumé :
Esther habite, seule, "La Barette rouge", une forteresse au pied du Ventoux que l'on dit hantée. Elle recueille un vagabond recherché par la police. Mi-homme, mi-bête, il inspirera à la jeune fille une passion étrange.

Un livre éblouissant de force et de cruauté.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Roman de 250 pages que j'ai lu dans la collection Les Cahiers Rouges de Grasset (élégante et simple cette couverture vêtue simplement d'écarlate…), la Barette rouge se rapporte à une bâtisse – bastide château fort déchu qui aurait été édifié par un cardinal (d'où le nom qui correspond à un couvre chef propre aux ecclésiastiques et dont le rouge est même dit rouge cardinal) renégat de l'un des papes d'Avignon. Dans cette demeure loin des routes fréquentées et des villages au pied du mont Ventoux va se dérouler une tragédie avec deux protagonistes : Siffrein et Esther. D'ailleurs les deux premiers chapitres de ce roman se rapportent à leurs vies respectives avant leur rencontre.
Siffrein, jeune homme à l'enfance marquée par la violence, le manque d'amour et l'abandon, est une brute complètement inadaptée à l'amour, la pitié et de manière générale à tout comportement social adapté. Il est habité par des monstres qui le poussent à la violence et qu'il tente de canaliser intuitivement dans le dessin. Un détail notable est son manque total de pulsion sexuelle qui se justifie par un épisode de sa jeunesse qui l'a marqué, aussi bien dans le sens propre que figuré. Son arrivée à la Barette rouge se produit lors de sa fuite et son errance après un crime sordide.
Esther est issue d'une famille illustre du comtat Venaissin qui vit depuis des lustres recluse et presque étrangère à ce pays. Elle en est doublement étrangère puisqu'elle est née d'une mère danoise dont elle a acquis l'apparence un peu évanescente de certaines blondes effacées aux yeux bleus profonds à s'y noyer. Elle s'installe dans la demeure familiale à l'aube de la vingtaine, orpheline avec une rente lui permettant de ne pas travailler, seule et ne fréquentant presque personne.
Les deux derniers chapitres suivant relacent leur rencontre jusqu'à la fin tragique dans un huis-clos abrité par la Barette rouge.
Si les deux premiers chapitres introduisant les protagonistes seraient dignes d'être des nouvelles à part entière, les deux derniers chapitres sont encore bien meilleurs car ils mettent en interaction deux êtres solitaires dont la rencontre semble inéluctable. Les deux sont deux inadaptés : elle est d'une beauté et d'une intelligence telle qu'aucun homme n'ose la fréquenter ; il est tellement fruste qu'il passe facilement pour un idiot et d'une brutalité sourde créant une ambiance malaise par sa simple présence . Ils sont comme des protons et des électrons : opposés mais que tout attire, ils sont inconsciemment en attente l'un de l'autre pour une rencontre qui ne peut qu'être destructrice.
Et c'est en cela que de Richaud m'a ébloui par la justesse de ses descriptions de situations, des sentiments et actions qui ne font serrer un filet dont il est impossible de s'échapper. Et c'est un régal d'admirer cet ordonnancement de mécanismes qui s'emboîtent parfaitement pour mettre en branle une machine infernale qu'on pressent dès qu'on débute sa lecture.
Mon coup de coeur de l'été ! C'est vraiment injuste que de Richaud soit pratiquement tombé dans l'oubli. Forcément il faudra que j'y revienne !
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Quelque part dans un petit village du sud de la France après la Grande Guerre, naît et grandit Siffrein dans la violence d'un père alcoolique et d'une mère soumise et indifférente. Adulte, Siffrein vit de travaux dans les champs, subit ce labeur et dépense sa maigre solde dans l'alcool. Mais un jour, Siffrein refuse de reprendre le travail. Comme un évadé il s'échappe, court à travers champs et forêts, vagabonde de village en village et un soir, la bête assassine.

Non loin de là vit seule et isolée la belle Esther, dans le domaine maudit de la Barette rouge. Elle-même étrangère en ses terres ensoleillées, Esther a la certitude que sa présence dans ce pays « était prévue depuis longtemps et qu'elle n'avait fait qu'accomplir une sorte d'oracle. » La jeune femme sort rarement, ne voit personne, aime sa liberté à huis clos : « Son coeur restait fermé comme restent fermées ces fleurs nées sous des climats qui ne sont pas les leurs. Elle n'aspirait à aucune éclosion. Elle n'avait aucune envie de naître. »

Une nuit dans le froid de l'hiver alors que le vent souffle avec violence, Esther s'éveille en sursaut : on frappe à sa porte. Après maintes hésitations, elle se lève, sort de sa chambre, descend l'escalier et près de la porte, tend l'oreille. « Qui est là ? » Une voix rauque lui répond : « Ouvrez-moi. » Ce destin qu'elle « sentait par tout son sang », Esther le reconnaît. Alors, la jeune femme ouvre la porte…

Albert Camus dit d'André de Richaud (1907-1968) que son premier roman La Douleur lui fit entrevoir le monde de la création. Malgré cette reconnaissance et celles de Jean Cocteau ou Joseph Delteil, les romans d'André de Richaud reçoivent un accueil mitigé tant cette obsession du crime, présentes dans chacun d'eux, déconcerte et inquiète la critique littéraire.

La Barette rouge, son chef d'oeuvre probablement, se compose de quatre parties : la première sur la vie de Siffrein m'a complètement happé, la seconde sur Esther, plus courte, m'a semblé un peu plus quelconque. L'écriture poétique aidant, j'attendais beaucoup de leur rencontre dans les deux dernières parties : de la séduction et de la répulsion, de la sensualité et de la fureur, des cris d'effroi, des silences lourds et des vertiges passionnels. Je dois admettre que mes attentes – peut-être trop élevées – n'ont pas été comblées.
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D'où vient le magnétisme puissant de ce livre ? du fait que ce roman "étrange et naturel" ne ressemble à aucun autre ? Imaginez du Poe mélangé à du Giono, bien secoué, servi frappé : voici "La Barette rouge"!

De la trajectoire de l'auteur lui-même ? André de Richaud, acclamé dans les années 30, puis oublié, termina sa vie d'alcoolique dans un hospice pour vieillards du sud de la France. La postérité a oublié ce talent trop inquiétant, trop en marge. C'est pourtant cette opacité qui mérite que nous lisions Richaud, en faisant comme Esther lorsqu'elle s'interroge sur le sens de sa rencontre avec l'homme sauvage qui est entré un jour chez elle : "il lui faudrait essayer de déchiffrer l'énigme"...

De son génie des images inoubliables ? Comme cette scène où le père de Siffrein, qui s'est déchargé de son fils mourant sur une vieille tante, entre dans la maison, soulagé et ivre, en serrant contre lui le petit cercueil de sapin léger qu'il a fabriqué, et que l'enfant lui tend les bras. Comme le visage de l'adulte qu'il est devenu, émergeant de la broussaille des poils hirsutes qu'il est en train de raser sous les yeux d'Esther : "un masque tragique, qui semblait s'échapper du savon, comme le soleil s'échappe des nuages".

De sa fascination pour le Mal et des chemins qu'il emprunte pour se frayer un passage dans le coeur des hommes ? La maltraitance que subit l'enfant, marqué littéralement au fer rouge par la violence du père, puis la peur qui s'en suit, "déposée au fond de lui comme une boue", puis sa transformation en violence sur la femme, le tout n'excluant pas une forme de joie trouble ou "une inquiétude qui avait un fond de bonheur", comme vous voulez.
A sa manière empoisonnée, André de Richaud nous parle de la mécanique du mal sans chercher à la comprendre : nous sommes au-delà de la morale, sur les chemins de la poésie et du crime, touchés par la "beauté convulsive " que louait André Breton, dérangeante et fascinante.
A découvrir ou redécouvrir d'urgence !
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Je n'ai pas terminé ce livre.
Cependant je me garderais bien de le déconseiller.
Je crois surtout que je n'étais pas ce jour là disponible à ce style.
Tentez une lecture pour me donner un avis.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Des restes de fresques s’entrevoyaient par places. Un visage à moitié rongé par le temps. Une main rouge se détachant d’une tache de salpêtre, un oiseau volant, les ailes en ligne droite. Ces vestiges étaient empreints d’une tragique beauté et Esther se demandait si elle avait raison de venir réveiller ces fantômes depuis si longtemps endormis. Pour la première fois, elle frissonna. Pour la première fois un regard humain la pénétrait jusqu’au cœur comme chargé de reproches et c’était celui d’une tête blême naïvement peinte, une tête d’adolescent aux boucles brunes coupées tout droit sur le front, dont le cou gracieux émergeait d’une collerette de fer. Tout son corps avait disparu et ne restait de lui que deux mains dont elle voyait les paumes minutieusement peintes et miraculeusement conservées. Ces deux mains, elle les voyait comme si le mur n’avait été qu’une plaque de verre et qu’elles fussent aplaties contre elle. Le jeune homme émergeait d’un nuage gris.
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La vieille sentait, depuis quelques minutes, une chose étrange qui pesait sur elle et qui l’oppressait. Elle laissa tomber son tricot sur ses genoux, regarda dans le rectangle noir de la fenêtre et se mit à trembler. Dans l’ombre deux yeux démesurés la fixaient. Les yeux mêmes d’une bête de la nuit, les yeux mêmes du démon. Clouée à sa chaise, paralysée par l’effroi, elle ne put même faire un signe de croix. Les yeux verts la fixaient toujours et elle ne pouvait en détacher les siens. Toute sa chaleur était aspirée par ces deux taches ardentes. Quoiqu’immobile, elle venait au-devant de la fenêtre et il n’était plus temps pour elle de penser à Dieu.
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Video de André de Richaud (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André de Richaud
André de RICHAUD – Une Vie, une Œuvre : 1907-1968 (France Culture, 1990) Émission "Une Vie, une Œuvre", par Jacqueline de Roux, diffusée le 3 mars 1994 sur France Culture. Invités : Maurice Baquet, Pierre Seghers, Pascal Mazzotti, Georges Abbé, Robert Morel, Léon Gabriel Gros et François Marie Lemonnier.
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