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Margarita Barakauskaite-Le Borgne (Traducteur)
EAN : 9782381401874
352 pages
Viviane Hamy (01/05/2024)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Berlin, République de Weimar, 1926. Walter a hérité de la prestigieuse bibliothèque de son grand-père, dont certains des volumes sont reliés avec la peau d`un animal en accord avec leur contenu. Tous sauf un, auquel Walter voue une véritable fascination : une première édition du marquis de Sade, recouverte de l`épiderme d`une aristocrate guillotinée ; une merveille de bibliopégie anthropodermique. Sa demi-soeur, Lotta, jalouse de cet héritage, est une femme trompée ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Voilà un autre titre, paru en début de mois de mai chez les Editions Viviane Hamy, qui lance cette saison de la Lituanie, Se voir en l'autre / Kitas Tas Pats, organisée entre autres par l'Institut Français – j'en parle ici : Undinė Radzevičiūtė est une autrice lituanienne, née à Klaipėda, la ville de naissance de Tomas Venclova. Il faut dire que du pays, à côté de Vilnius la capitale, Klaipėda et Kaunas sont des villes essentielles au point de vue culturel. Elle a reçu le fameux prix européen de littérature en 2015 pour son roman Žuvys ir drakonai (Fish and Dragons, 2013). Elle est également historienne et, sans surprise, les fictions historiques se révèlent être son genre de prédilection. Ce que notre roman ci-présent ne manque pas de confirmer.

Berlin, République de Weimar, 1926. Walter est un jeune dandy, qui se pense atteint d'une maladie incurable, richissime, il vit en célibataire dans la demeure qu'il a hérité d'Egon, son grand-père. Sa soeur Lotta et son neveu Axel viennent ponctuellement lui rendre visite. Ce grand-père ne lui a pas seulement légué la demeure, mais l'ensemble de ses biens et en particulier une bibliothèque hors-du-commun. La scène liminaire du texte est un dialogue entre frère et soeur qui échangent sur leur ville, Berlin, et son atmosphère particulière en cette fin de décennie, en peu moins de dix ans après la fin d'une guerre, qui a laissé une Allemagne perdante sur bien des plans et en premier lieu sur le plan économique. C'est la misère, et la débandade, les moeurs y sont légères, les lupanars pullulent, et la poudre blanche commence à faire son apparition. C'est la période d'entre-deux-guerres, une période pleine d'espoirs et de désillusions en même temps, des Berlinois en recherche d'idéaux, alors que Lotta s'avère être une épouse déçue, car trahie par ses deux maris, qui sont allés voir ailleurs si l'herbe y était plus verte, et que Walter, jouant l'agonie, se complait dans cette maladie imaginaire.

Tout part de ce tableau que Lotta réclame à son frère, du peintre allemand Cranach, une demande que ce dernier a bien du mal à comprendre tellement il le trouve laid. de laideur et de beauté, il en sera question tout au long du roman, de la vie de Walter jusqu'aux années soixante-dix. Après l'épisode du tableau, Walter s'emploie à montrer à son neveu certains livres de cette fameuse bibliothèque, pas n'importe lesquels puisqu'il choisit de montrer ceux recouverts de peau de bêtes, et encore plus glauque, de peau humaine. C'est à ce point une fascination totalement morbide qui va s'enraciner dans le cerveau, bien plus malade que le corps, de l'homme, qui va partir dans un débat intérieur sur la question de la beauté et du mal, la corrélation entre deux concepts, l'idéal que va se fabriquer l'homme : la recherche du Beau, de ce qu'il implique, c'est-à-dire à faible ou grande mesure, d'une goutte ou d'un océan de Mal. Walter va se lancer dans la constitution de sa propre oeuvre d'art, en prolongation de ce qu'Egon son propre aïeul a commencé, des livres recouverts de véritable peau humaine. Mais l'exigence de Walter est encore plus élevée, elle implique des peaux minutieusement tatouées donc soigneusement triées et sélectionnées.

On ne peut pas ne pas penser au Baudelaire des Fleurs du mal, qui tente de s'échapper de son ennui existentiel, qui cherche par certains de ses poèmes à trouver de la beauté dans laideur, de cette recherche d'un Beau qui n'a rien à voir avec le Bien, ce que Walter va transposer en une recherche d'esthétique qui va le mener sur les voies sombres de l'assassinat pour assouvir ses besoins de collectionnite, dans le fond très malsaine, mais qui vont satisfaire sa recherche de son propre Beau. Dans cette période charnière, impossible de ne pas passer à côté de ce que ce traitement de l'humain, séduit, massacré, broyé pour satisfaire un individu, annonce. Dans son monde de synthèse, les Paradis Artificiels qui sont les siens sous l'état poudreux de la cocaïne humée, tout nouveau remède en vogue dans ce Berlin des années vingt, Walter reprend vie et explore son inhumanité, cette satisfaction perverse qu'il a à posséder des hommes et femmes dans sa bibliothèque, d'avoir obtenu le livre unique et parfait – à ses yeux – à fois si humaine, et tellement inhumaine.

Ce roman porte à la fois la noirceur des romans gothiques qui jouent avec tous les codes de la mort, du roman historique qui s'implante là même où le mal historique éclora dix ans plus tard, Sade, Wild, Baudelaire, ceux qui ont amené avant cela, la beauté de la souffrance, sa jouissance, à travers la mort, moyen ultime de posséder un être humain -posséder sa peau et ses pensées, son essence à travers ses tatouages – à travers la distinction entre Bien et Beau, Mal et Mauvais et l'ordre et désordre. le désordre d'un Berlin ensauvagé, image martelée régulièrement d'abord par Lotta, remariée à cet homme, Rudolf qui deviendra le parfait modèle du nazi de service. Cette notion d'ordre et de désordre n'est en outre pas sans rappeler les sermons, eux aussi martelés régulièrement, par les partis politiques d'ultra-droite (remettre de l'ordre). le désordre du monde justifiant, selon les discours, ces mesures autoritaristes prises pour le bien de tous. Mais il y a de Nietzsche, et de Dostoïevski, le roman que nous lisons est lui-même tatoué au fer chaud des stigmates des plus grands théoriciens de la mort, de la beauté, de Dieu dans une grande réflexion sur les erreurs qui ont mené au nazisme et à son acceptation naturelle par beaucoup.

Accepter aussi qu'une certaine forme de désordre est de tout façon inhérente à la nature de l'être humain, qu'exiger une pureté sans concession de l'art, qui est l'objet d'un dialogue entre Walter et Rudolf le bon soldat du Führer – le prénom est ici volontairement familier, j'imagine -, est la manifestation d'une intransigeance déraisonnée, une inflexibilité insensée, cette « perfection absolue » qui mène à la destruction. Avec une démarche artistique très discutable, Walter est encore celui qui dévoile une lecture raisonnée, et surtout nuancée, de l'art face à l'extrémisme qui se dévoile. Bien loin de cette image quelque peu détestable de l'homme nouveau que propose Rudolf, une théorie terriblement prémonitoire

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Walter, vingt-cinq ans, a hérité de la maison de son père et de sa superbe bibliothèque. Il y vit cloîtré avec Mle Berthe, l'ancienne femme de maison. Il ne cesse de clamer sa mort imminente et entend léguer le domaine à son neveu, le fils de sa demi-soeur Lotta. La collection de livres est exceptionnelle. Avec notamment des chefs d'oeuvres de la littérature parfois reliés de vraies peaux en concordance avec le sujet du livre. Ainsi Robinson Crusoe est recouvert d'une peau de chèvre et le livre du Marquis de Sade d'une peau de femme. Un sombre parfum règne dans cette bibliothèque.
A la suite d'un accident de la route qui blesse un étudiant candidat au suicide, Walter, sous l'effet de la drogue récupérée chez un apothicaire sur les conseils de Lotta, s'engage vers un sombre commerce. Avec l'aide de Maus, un cordonnier croyant, sourd et muet, il prépare des peaux aux superbes tatouages. « Dieu est mort », clame Walter.
Imaginez les belles reliures possibles pour Les fleurs du mal, Crime et châtiment ou les romans de Jules Verne.
Il n'est pas courant de lire des auteurs lituaniens. L'histoire de la Lituanie est marquée par les invasions russes et allemandes, par la Shoah. Ce roman commence en 1924 et se déroule dans un Berlin décadent bientôt gangrené par le mal, la folie d'Hitler.
Lotta, fille de pasteur, déplore la décadence de la capitale allemande, envahie par les prostituées. Son mari vient de la quitter pour une danseuse. Elle vient régulièrement chez son frère afin de l'inciter à sortir, à s'équiper de nouveautés électroniques et surtout discuter du bien et du mal.
Ce sont des dialogues basiques mais tournés vers la réflexion. Et l'on y perçoit une analogie entre le monde de Walter et l'Allemagne nazie.
Cette lecture nous rappelle l'excellent roman de Patrick Süskind, le parfum. On y trouve la même frénésie à la recherche de la peau adéquate, la même plongée dans l'horreur. Mais Undiné Radzevičiūté ne se place pas dans le même registre. Avec une dose d'humour noir, un style plus léger, quelques dialogues simples sur le beau et le mal, elle tient l'horreur à distance.
Surtout, l'horreur se situe aussi dans le contexte, avec la montée du nazisme.
Ce roman est une lecture fluide et plutôt addictive qui invite à la réflexion sur le beau et le mal.
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Dans la permissive inquiétude des années 30 à Berlin, une recherche du Beau, de l'unique, vire à la meurtrière obsession, à l'ironique et drôle satire afin de réfléchir sur la part de maléfice dans toute quête esthétique. Avec une fausse naïveté, un sens assez sûr du rythme, Undinė Radzevičũtė nous décrit l'inénarrable bibliothèque de Walter, vivant, selon lui, au seuil de la mort, tente de traverser cette époque de troubles, dont il serait trop aisé de tirer prophéties et ressemblances, dont surtout La bibliothèque du beau et du mal parvient à dessiner en creux, par le comique, des autres personnages qui traversent cette très sombre fantaisie.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Lorsque la domestique se fut retirée, Walter prit un long coupe-papier, introduisit la pointe dans l’enveloppe et, d’un geste d’orfèvre, la fendit. Au même instant, il ressentit une douleur cuisante, comme si la lame venait de lui transpercer la poitrine.

« Mon cœur appartient au Führer », avait écrit Inguès.

Elle avait un cœur de pierre.

Walter admit qu’il s’était trompé au sujet de la poésie de Rilke.

La peau d’Inguès aurait mieux convenu pour couvrir Mein Kampf.

Mais Walter avait-il envie de laisser entrer un tel livre dans sa bibliothèque du beau et du mal ?
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Une larme d’horreur cachée dans la beauté oblige les hommes à rester sur leurs gardes. S’il n’y avait pas le moindre danger dans la vie, l’homme serait détruit par l’ennui.
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Quelquefois, pour qu’un objet ordinaire devienne une œuvre extraordinaire, unique, nous devons occulter notre sens de la morale, dit Walter.
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Le champ mort et désert, où les frelons autrefois bourdonnaient seuls autour des fleurs grasses, dans le silence écrasant du soleil, est ainsi devenu un lieu retentissant, qu’emplissent de bruit les querelles des bohémiens et les cris aigus des jeunes vauriens du faubourg. Une scierie, qui débite dans un coin les poutres du chantier, grince, servant de basse sourde et continue aux voix aigres.

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