LE LABYRINTHE DE LA SOLITUDE d'
OCTAVIO PAZ
Qui sommes nous et comment réaliserons nous ce que nous sommes, ainsi commence ce livre par cette question. Paz va s'interroger sur l'histoire de son pays, le Mexique, en dépit du côté illusoire des essais de psychologie nationale, il est lucide. Après la phase explosive de la révolution, c'est le temps de la réflexion pour analyser ceux qui ont conscience d'être mexicains, ce qui représente en fait peu de monde. Analyse des mexicains de Los Angeles, les Pachucos, jeunes qui se caractérisent par leur conduite et leur langage, qui ne veulent plus être mexicains sans pour autant vouloir être américains, alors ils deviennent des »clowns sinistres » qui cherchent uniquement à faire peur. Quand Paz écrit cet essai on est en 1950, il y a environ un million de mexicains à L. A. aujourd'hui bien qu'on ne comptabilise que les « hispaniques » il sont 4 ou 5 fois plus nombreux. L'histoire contemporaine réfute la croyance en l'homme, créature susceptible d'être modifiée dans son essence par n'importe quel instrument pédagogique ou social, bien que Paz croie, un peu, à la naissance d'un être nouveau. le mexicain ne peut pas s'ouvrir, se fissurer, car pour lui ce serait abdiquer, s'aliéner, la femme est un reflet de la volonté et du désir masculin. le mexicain est seul, c'est pourquoi tout est bon pour rompre cette solitude, fêtes, danses, cérémonies, ce sont les moments où passé, présent et futur se réconcilient. Les Aztèques étaient aussi peu responsables de leurs actes que de leur mort, la notion de liberté n'existait pas, seuls les dieux étaient libres. le mexicain ne craint pas la mort, la vie l'en a guéri, il ne transcende pas sa solitude, il se ferme au monde par la vie et par la mort. Paz étudie ensuite la religion, la Vierge de Guadalupe, mère Vierge à la Chingada, vierge violée puis enfin la Dona Malinche, maîtresse de Cortes qui s'est donnée à lui volontairement et qui incarne les indiennes séduites par les espagnols. le mexicain se veut fils du néant, ni indien ni espagnol. Paz analyse la méso Amérique à l'arrivée des espagnols, plus ou moins unifiée par les Tolteques mais les cités se rallièrent facilement à Cortes en raison de l'oppression exercée par les Aztèques et quand Montezuma a cédé c'est parce que les dieux l'ont abandonné, c'est une forme de suicide. Les prêtres catholiques n'auront aucun mal à remplacer les dieux déchus et les anciennes croyances, la population se sentant orpheline. Paz étudiera enfin le passage à l'indépendance, qui vint naturellement tant les liens avec Madrid étaient distendus, mais moins importante pour les mexicains que la lutte contre les latifundia et la répartition de la terre.
Paz terminera par une étude détaillée de cette solitude chez les mexicains dans ce qu'il appelle « la dialectique de la solitude »mythe du labyrinthe au milieu duquel se trouve un « talisman, une solution a tout »après une période de pénitence ou d'expiation du héros.
Vingt ans plus tard Paz reprendra ce texte pour en faire une mise à jour qui intègrera les bouillonnantes années soixante, le développement du Mexique, les jeux olympiques et le massacre de 325 étudiants en octobre 1968 qui le pousseront à démissionner de son poste d'ambassadeur en Inde.
Un essai passionnant.