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Un techno-thriller haletant sur l'importance du souvenir à l'ère numérique … Olivier Paquet met en effet en valeur dans son dernier livre « Composite » l'influence des réseaux sociaux, des algorithmes et de l'Intelligence Artificielle (IA) sur nos souvenirs.

France, 2035, dans ce futur proche aux IA plus élaborées et sophistiquées qu'aujourd'hui, nous continuons à léguer quotidiennement aux réseaux sociaux nos vidéos et nos photos, piliers de nos mémoires et illustrations de nos sensibilités, témoins des moments clés de nos existences…miroirs de notre narcissisme aussi…L'auteur imagine qu'une IA modifie subrepticement ces souvenirs et que ce vol, cette vidéo changée, cette photo modifiée, même légèrement, va influencer notre vie présente, en se basant par là même sur l'hypothèse que nos souvenirs passés façonnent notre devenir, nos réactions, notre caractère. de quoi nous libérer d'un passé lourd ou de chaines invisibles, ou de quoi manipuler des masses jusqu'à l'insurrection.

Ce dernier point, la manipulation des foules par les réseaux sociaux, me rappelle d'ailleurs l'excellent essai de Giuliano Da Empoli « Les ingénieurs du chaos », permettant de comprendre comment certains partis d'extrême droite manipulent les électeurs afin d'orienter leurs choix de vote. Il m'avait permis de réaliser, avec un certain effroi, à quel point les formes de manipulation existent d'ores et déjà, et ce roman d'anticipation ne fait que forcer un peu plus le trait, ce qui parait complètement probable et réaliste d'ici une petite quinzaine d'années. Probable et réaliste également les nouveaux métiers imaginés par Olivier Paquet, métiers que la transition numérique va apporter, sur cet aspect-là j'ai trouvé le livre carrément visionnaire.

Tout démarre avec Esther, une éco-restauratrice. Esther nous interpelle immédiatement avec ce « vous » employé afin de nous expliquer en quoi consiste son métier, celui de connecter des gens à des réminiscences. Ce « vous » nous embarque aussitôt dans le récit. le réchauffement climatique a modifié profondément les paysages, le rôle d'Esther consiste à élaborer une restauration écologique de ces paysages transformés en se basant sur les images et les vidéos conservés sur nos téléphones et nos ordinateurs. S'inspirer des paysages qui créaient, par le passé, des moments heureux, des instants de communion, des spectacles de beauté, pour tenter de prévoir quelles plantes faire pousser, quel décor apporter, quelle organisation spatiale déployer afin de s'en approcher le plus. Esther utilise donc les bases de données de nos images et vidéos sans les transformer ni les voler mais juste pour s'en inspirer. L'objectif, en redonnant vie au souvenir, est que les générations actuelles et futures se sentent solidaires des générations plus anciennes.

« J'aimerais quelques chênes de plus à cet endroit, des frênes plus hauts et un vieux saule trempant ses branches là-bas. Bien sûr, quand tous les travaux seront terminés, je ne verrai que des jeunes pousses, des faces de pierre encore blanches et un flot toujours glauque à mes pied. Dans deux ans, les relevés géologiques confirmeront l'évolution que j'ai initiée, peut-être faudra-t-il procéder à une ou deux retouches, mais le résultat définitif n'aura de sens que dans trente ou cinquante ans ».

Une notification reçue sur son téléphone, notification se basant sur le simple rappel d'une photo ancienne prise durant le confinement de 2020, crée un trouble chez la jeune femme. C'est un souvenir heureux et précieux de son adolescence ce moment, cette promiscuité forcée avec son père, ce balcon en début de soirée au soleil couchant et pourtant, elle se sent perturbée au point de rompre avec son petit ami. Elle comprend peu après que la photo a été modifiée.

Experte en informatique, Esther va déceler une IA cachée derrière cette action et va réussir à joindre d'autres personnes qui vont subir prochainement une violation de leurs souvenirs. C'est ainsi qu'elle rencontre Vincent, policier au passé lourd, surnommé par tous « le fils du monstre ». Il s'occupe d'interroger les enfants victimes d'abus sexuels et est aidé, pour traquer les délinquants sexuels, d'un ensemble d'IA « les Chéris » qui se font passer pour des enfants afin d'être la cible des prédateurs précisément. Il va lui subir un vol de photo. Et étrangement, il va se sentir libérer du terrible souvenir associé.

D'autres rencontres, dont une certaine Manon qui transforme l'art vivant en mesure de popularité au moyen, là encore, d'IA, d'autres violations…et en ligne de fond une société en plein délitement…J'ai aimé la façon dont l'auteur plante le contexte politique, social, sociétal et écologique de cette France de 2035. Les écologistes sont à la tête du pouvoir, le changement climatique se fait un peu plus sentir, les réseaux sociaux ont une influence grandissante. Intelligent cette façon de nous toucher en faisant allusion aux grands événements récents comme l'épidémie de Covid 19, les Gilets jaunes (qui sont désormais Foulards blancs), l'attentat du Bataclan…Points névralgiques qui excitent les tensions que nous avons en nous et qui nous rend le récit émouvant et touchant, preuve s'il en est de l'importance des souvenirs même collectifs dans notre façon d'appréhender la vie en société, ici de plus en plus fracturée, binaire et manichéenne, bestiale même, réfléchissant uniquement en 0 et 1 sans pont possible entre les deux camps. Cette analyse est particulièrement bien rendue à la fin du livre et m'a particulièrement marquée.

De très bonnes interrogations sur le rôle du souvenir dans la construction d'un individu, un contexte sociétal en écho à nos traumatismes récents, une anticipation réaliste où l'on entrevoit nouveaux métiers engendrés par la transition numérique et nouvelles menaces dont on connait déjà les prémisses, une analyse sociétale dans laquelle nous percevons aussi bien les bienfaits de la technologie que ses dangers ; tout cela entremêlés à quelques maladresses de style, à de petites invraisemblances de scénario que je vous laisse découvrir ou à des petites difficultés de compréhension technique par moment. Un livre qui reste cependant intéressant, agréable à lire et sur certains aspects je dirais nécessaire même.

IA sans conscience est assurément ruine de l'âme.
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J'avais déjà lu Les machines Fantômes d'Olivier Paquet et force est de reconnaitre que c'est un récit de haute volée que ce Composite, qui nous embarque dans un drôle de monde où une archéoécologiste se fait voler une vidéo souvenir sur les réseaux sociaux.
L'intrigue, sous couvert d'anticipation/SF, est en fait bien ancrée dans notre époque et il est impossible de ne pas s'y retrouver un petit dans cet étrange monde ultra-connecté.
Le roman nous embarque sur beaucoup de questionnements (écologie, manipulation, la place des algorithmes dans nos vies). étrangement tout cela fait écho à une autre lecture que je suis en train d'achever: L'Effet Werther. Très complémentaire pour ceux qui chercheraient à prolonger l'expérience.
La lecture est agréable, un bon page turner qu'on a du mal à lâcher. Bref, excellent roman que je recommande vivement.
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Après Les Jumeaux du Paradoxe, les éditions L'Atalante poursuivent leur rentrée littéraire avec un de leur auteur fétiche : Olivier Paquet.
En 2019, avec Les Machines Fantômes, l'auteur lyonnais nous invitait à prendre part à un techno-thriller malin et enlevé où la question de l'intelligence artificielle occupait une place centrale.
Il poursuit dans cette voie avec Composite, un roman plus court mais toujours très actuel qui s'intéresse cette fois à la notion de souvenir et à son importance à l'ère numérique.

Se souvenir des belles choses
Composite réduit le nombre de ses héros et se concentre sur l'enquête menée par Vincent, un flic chargé de dénicher des pédophiles sur les réseaux avec l'aide des Chéris, des I.As jouant le rôle d'enfants-appâts, et Esther, une « archécologue » qui reconstruit des espaces naturels en utilisant les traces numériques laissées par ceux-ci sur les photos/vidéos des gens du commun.
Leur rencontre n'a cependant rien de fortuit. C'est en effet par le vol d'un souvenir qu'Esther se met à la recherche de Vincent afin de l'avertir que lui aussi s'est fait rouler et que quelqu'un (ou quelque chose) tente de dérober des bouts de mémoires aux citoyens français. Mais pour découvrir le fin mot de cette histoire, Vincent et Esther vont devoir évoluer dans une France en crise où la révolte gronde. Paralysée par les « foulards blancs », le pays semble au bord du chaos alors que sur les réseaux on réclame la tête de la Première Ministre Adélaïde Ordenau, devenue ennemie publique numéro 1 depuis qu'un mystérieux « grand D. » a commencé sa campagne de désinformation sur Twittbook et que la situation est passée de la simple shitstorm aux fracas des CRS dans les cortèges.
Olivier Paquet resserre son intrigue et se concentre sur un nouvel aspect de notre société ultra-connectée, à savoir l'influence des réseaux sociaux, des algorithmes et de l'I.A sur nos souvenirs. Car sans s'en rendre compte, nous léguons à Facebook et consorts une masse formidable de vidéos et autres photographies qui font pourtant partie intégrante de notre mémoire.
Imaginez qu'un jour, on décide de modifier ces souvenirs numériques sans vous prévenir, en quoi cela va-t-il influencer votre vie présente ?
Incidemment, le français va bien plus loin que la simple étude technologique, il s'interroge sur le rôle joué par le souvenir sur notre futur nous, ou comment les évènements passés façonnent l'individu de demain.
Ne sommes-nous finalement qu'une construction mémorielle ? Peut-on résumer l'humain à la somme de ses expériences et traumatismes passés ? En sommes-nous prisonniers ?

Nuancer son époque
Pour répondre à ces questions, Olivier Paquet joue (encore) la carte du techno-thriller avec un fil rouge qui semble plus simpliste et tenu que son précédent roman en tentant de découvrir qui est le grand D. et comment déjouer son impact malfaisant sur la population. Plus intéressant là-dedans, le background que choisit le français où l'on retrouve naturellement l'influence de grands évènements récents comme les manifestations des Gilets Jaunes, l'attentat du Bataclan, la pandémie de Covid-19… En choisissant de nous exposer ces noeuds historiques, Olivier Paquet fait écho aux souvenirs plus intimes de ses propres personnages, il convoque le souvenir collectif que nous gardons tous de ces traumatismes et semble faire ressurgir au lecteur l'émotion ressenti face à ceux-ci. de façon maligne et intelligente, il prouve l'importance du souvenir et la façon dont ceux-ci affectent notre présent et notre ressenti.
Mais plus important encore, il plonge dans l'intrication entre souvenir, ressenti émotionnel et liens familiaux. Des éléments définitivement liés et qui permettent d'affronter le passé comme le présent… tout en décidant de notre avenir. C'est le rôle des parents, des conjoints, des petites amies qui va avoir un impact énorme sur notre façon de survivre aux temps, à travers les joies et les peines que le monde nous impose.
Enfin, profitant de cette enquête, Olivier Paquet nous parle de nuance(s), de polarisation de la société ou comment les réseaux sociaux et les évènements politiques concourt à fracturer la société. Nous voici dans une époque de haine avec des camps bien définis et complètement irréconciliables. Des camps en noir et blanc tellement coupés du réel, tellement bloqués dans le rôle de la victime ou du révolté, qu'ils en oublient qu'il existe des positions médianes et des ponts à construire. En cela, on saluera particulièrement l'analyse du mouvement des Gilets Jaunes à travers leurs cousins aux foulards blancs, débarrassant la chose de l'analyse politique dépassée pour revenir à des bases plus simples et autrement plus convaincantes. Pour comprendre que parfois, la machine ne s'arrête plus parce qu'elle ne sait plus qu'elle peut s'arrêter, qu'elle doit avancer pour exister dans une époque où l'on se noie dans la masse et l'information.
Reste alors à nos deux héros à dénicher une nouvelle façon de voir les choses, à prendre conscience de leurs souvenirs et de ce qu'ils peuvent en faire, qu'ils soient une souffrance ou une joie. Pour Olivier Paquet, la technologie n'est pas une mauvaise chose en soi (elle peut aider à reconstruire des environnements, à piéger des monstres, à communiquer à travers le temps et l'espace, à conserver une trace…) mais elle accentue et révèle les failles humaines, elle réveille nos démons et nous pousse parfois à réfléchir en 0 et en 1, transformant l'art en mesure de popularité, le monde en camps bien délimités, l'être humain en machines fantômes.
Mais le monde, lui, tend à s'éloigner du 1 pour tendre vers l'infini des possibles. Et c'est aussi cela être humain.

Techno-thriller efficace et percutant, Composite va heureusement bien plus loin que le jeu du chat et de la souris pour s'intéresser au souvenir et à son rôle dans nos sociétés modernes toujours plus complexes et polarisées. Olivier Paquet fouille nos mémoires et nos traumatismes pour mieux comprendre aujourd'hui et demain tandis que les réseaux s'enflamment et que les I.As tentent de comprendre la bête humaine. Passionnant.
Lien : https://justaword.fr/composi..
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Une spécialiste en archécologie, un policier gérant les crimes contre les enfants, une première ministre, des gilets jaunes… euh, pardon, des foulards blancs, un président écolo, un confinement. Et comme lien entre tout cela, des I.A. Composite, où une tentative de comprendre la société, une interrogation sur ce qui nous lie malgré toutes nos différences, toutes nos haines, un questionnement qui touche, forcément, chacun de nous.

Cela commence étrangement et intelligemment par une description de prise de photographie et une adresse au lecteur, puisque le pronom utilisé est « vous ». Tout de suite, Olivier Paquet cherche à nous inclure dans son livre, à nous interpeller. Et cela fonctionne, même si, finalement le « vous » n'est pas vraiment « nous », juste un « nous » possible. Mais cela permet de faire la connaissance d'Esther (un prénom décidément fréquent dans mes lectures actuelles : c'est ainsi que se nomme l'héroïne de L'aube est bleue sur Mars, de Florence Hinckel), qui a inventé le concept d'archécologie : en fouillant dans les photographies banales et privées, on tente de reconstituer la réalité d'un paysage transformé depuis par l'urbanisation. Il s'agit d'améliorer écologiquement parlant ces zones, tout en collant à un imaginaire collectif ancien. Pas celui des plaquettes institutionnelles vantant, à grand renfort d'images de synthèse exagérées le futur de ces lieux. Non, plutôt l'arrière-plan de photographies prises sur le vif, au hasard. Ainsi, on s'approche de la vérité globale, d'une représentation qui parle à la majorité. Pas la réalité, mais une image fantasmée par la plupart. Et cela fonctionne.

Cependant, un jour, Esther s'aperçoit que quelqu'un a changé une des nombreuses photographies qu'elle conserve dans son cloud personnel. C'est subtil et elle l'a raté au début : en fait, on a remplacé une photo prise de son balcon quand elle habitait avec son père par une autre photo prise un balcon plus haut. Quel est l'intérêt d'une telle substitution ? le mystère s'épaissit quand on découvre le deuxième personnage central de ce roman. Vincent est policier. Il s'occupe d'interroger les enfants victimes d'abus sexuels. Il est bon dans ce domaine, entre autres parce qu'il a vécu lui-même, dans son enfance, un traumatisme terrible dans sa famille proche. D'ailleurs, son père est toujours en prison. Et tout le monde le surnomme « le fils du monstre ». Lui aussi va subir un vol de photo. Et pour accompagner cette disparition, on note comme un changement de caractère de ces individus. Mais est-ce objectif ou une simple impression ? Difficile à dire, puisque nous ne les découvrons qu'à travers leurs yeux, leurs sensations. Mais cela peut faire penser, de loin, à un roman de Philip K. Dick où la réalité est manipulée, déformée, transformée. Une photographie, donc un souvenir, peut-il avoir une telle importance dans la construction d'un individu que sa disparation pourrait provoquer une changement de caractère, donc de vie ? Et parvenir à une amélioration de l'existence de la personne lésée ?

En arrière-plan de ces histoires de disparitions, Olivier Paquet peint, par petites touches, la description terrible d'une société en plein délitement. le covid et ses confinements sont passés par là. Un nouveau mouvement social est apparu : les foulards blancs. Ils revendiquent aussi avec certains débordements, comme autrefois les gilets jaunes. Et les week-ends se transforment en scènes d'émeute et de violence. Guidés en cela par un certain D. (qui fait penser au Q de la mouvance américaine Qanon), qui sait appuyer là où ça fait mal. En plus, le nouveau président, un écologiste, ne fait pas l'unanimité. Il apparaît plutôt comme un « politicard » typique, plus opportuniste que réellement préoccupé par le bien-être du pays et de ses concitoyens. Sur la quatrième de couverture, la citation de Télérama évoque évidemment Alain Damasio. C'est bien normal. Olivier Paquet s'interroge apparemment également sur la déliquescence de notre société : que reste-t-il pour nous lier ? Comment pouvons-nous encore vivre ensemble sans l'aide, et donc la surveillance constante, des I.A. ? L'être humain n'est-il plus capable de créer des conditions raisonnables et faisant sens nécessaires à une vie en commun ? Lui faut-il se mettre entre les pattes de machines comme des dieux décidant pour lui ce qu'il convient de faire, dans quelle direction se rendre ? Composite n'offre pas réellement de réponse. On sent que le docteur en science politique se pose des questions. À partir d'un constat qu'on peut contester, mais qui est étayé, il montre jusqu'où on peut aller et prend son lecteur entre quatre yeux. Et maintenant ? On laisse faire jusqu'à l'explosion ? L'enquête menée par Esther et Vincent ressemble parfaitement à une enquête policière, avec interrogatoire et fausse piste, recherche d'indices et pistes à vérifier. Même si elle se fait hors du cadre légal. Mais elle n'est pas qu'une recherche de coupable. Elle aboutit à une réflexion, une prise de conscience nécessaire.

Composite est donc un roman hybride, au rythme propre, à l'imaginaire torturé et dérangeant car proche de notre réalité. Mais il est un récit important car il oblige à se poser des questions. À ne pas se contenter de vivre au quotidien en espérant que les choses iront mieux d'elles-mêmes ou grâce à l'action des autres. Il pousse à s'interroger sur notre vie, sur notre société, sur notre désir de vivre ensemble et pas seulement chacun de notre côté. Mais aussi sur le poids des souvenirs et de la famille dans notre existence. Peut-on se construire sans oublier certains passages de nos vies ? Pour tout cela, Composite est un roman indispensable.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Une vision d'un futur proche n'a pas besoin d'être totalement apocalyptique pour capter l'attention d'un lecteur. Olivier Paquet a fait le choix d'une approche en tension, mais tout en subtilité, pour parler de demain.

Dans cette vision, une vingtaine années en avant, l'intelligence artificielle aura pris une place essentielle dans la vie quotidienne, que ce soit à titre personnel, au niveau professionnel ou encore dans le cadre des investigations policières. Un outil qui change clairement la manière d'interagir, sans pour autant tout dénaturer. Les algorithmes rythment le quotidien.

Dans ce roman assez court mais particulièrement dense, l'auteur trouve avec finesse de très intéressantes applications de l'IA, comme cette utilisation pour gommer les erreurs du passé et aider à reconstruire certains endroits à l'identique de « l'ancien » temps, plus proches de la nature, en utilisant les photos et vidéos de tout un chacun. Brillante idée !

Ou encore de traquer les pédophiles sur le net en faisant passer des IA pour des enfants.

Ce monde d'après, très proche, ressemble beaucoup au nôtre, les curseurs ont simplement été poussés un peu plus loin. A l'image de ces Foulards blancs, comme une extension du mouvement qu'on connait aujourd'hui, remontés à mort contre un gouvernement écologiste.

La société est de plus en plus fracturée. L'emballement incontrôlable, qui peut être attisé par quelques mots, est démultiplié par la puissance des réseaux sociaux qui servent à briser le lien davantage qu'à le maintenir. le délitement de la société devient jour après jour plus prégnant, rendant le dialogue presque impossible.

C'est dans ce contexte explosif que l'écrivain raconte une enquête atypique. Puisque derrière cette situation semble s'étendre l'ombre d'une intelligence artificielle.

Sous couvert d'un techno-thriller qui n'en est pas vraiment un, l'histoire raconte les recherches de deux personnes que rien ne devait se faire rencontrer. le récit tourne très vite à une quête intérieure et à une approche politique, remplie de réflexions. Un faux rythme, parfois un brin déséquilibré à mon goût, qui donne une vraie profondeur au récit.

Le sujet de fond, la perte de souvenirs, touche à l'intime. C'est évidemment ce point fort qui ressort, à étudier comment un souvenir façonne qui nous sommes, détermine notre manière d'être. de réminiscences en stigmates, que se passe-t-il lorsqu'on « perd » un souvenir fort qui a orienté la suite de notre existence en bien ou en mal ?

L'analyse de l'auteur est enrichissante, rendant cette fiction puissante de questionnements (et de propositions de réponses). Une richesse dans ce monde où l'humain se met à réfléchir de façon binaire, bien davantage que l'outil informatique lui-même.

Des points d'alerte sont amenés, comme la question de l'accès aux souvenirs numériques d'autrui (leur manipulation ?), sans juger à outrance, en amenant au contraire à penser en commun. La technologie est un outil et non une fin en soi, à nous de découvrir la meilleure manière de l'utiliser.

Composite est un roman d'anticipation qui ne se veut pas artificiellement alarmiste, mais pousse la réflexion sur ce qui est déjà en route aujourd'hui. Olivier Paquet déploie, avec talent et finesse, un récit prenant pour les lecteurs ouverts et à l'écoute.
Lien : https://gruznamur.com/2022/0..
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France, 2035. Esther est archécologue : elle reconstruit les paysages pollués pour leur redonner une apparence de nature, à partir de photographies-souvenirs qu'ont laissées les internautes sur les réseaux sociaux. Un des réseaux lui envoie une notification : l'anniversaire d'une photographie qu'elle avait enregistrée pendant le confinement de 2020. Elle ne réalisera pas tout de suite que la photographie est modifiée, et même pire que cela : c'est une autre photographie qui a remplacé la sienne. Insensiblement, son comportement avec son compagnon change, elle se sent plus sereine et comprend que son couple est fini, sans tristesse.

Vincent est policier. Fils d'un meurtrier, il passe ses journées avec ses Chéries, des intelligences artificielles qui simulent des jeunes enfants sur les réseaux sociaux pour attirer et détecter les pédophiles. Esther l'a repéré dans les arcanes du monde virtuel et lui apprend qu'une photographie de ses souvenirs a été remplacée, une photographie qui comptait beaucoup pour lui. Sa disparition le changera, tout comme Esther a été changée.

Pendant ce temps, la France est en proie à des manifestations violentes, exacerbées par un internaute anonyme : « D. ». Une colère monte dans le pays, menaçant la Première ministre Adélaïde qui est la cible d'une haine que d'attise. Ou plutôt, semble attiser.

Ce récit d'anticipation ne se contente pas d'imaginer la manipulation des données que nous laissons dans l'informatique en nuage (le cloud). Il pousse plus loin et va jusqu'à s'interroger sur les intelligences artificielles qui, peut-être, agiraient de concert. On retrouve ici une thématique déjà abordée dans le précédent roman de l'auteur, Les Machines Fantômes, mais étudiée de manière très différente, puisque ces machines modifient les souvenirs et par-là même les comportements des humains. En bien ? En mal ? Quel est le but ? Les dernières dizaines de pages offrent un grand moment de tension, je n'ai pas pu fermer le livre avant de l'avoir terminé !

J'ajouterai une autre qualité à ce roman : cette manière de capter l'air du temps. La vie quotidienne d'Esther, au début du récit, est formidablement évocatrice et réaliste ; la description de villes moyennes nous plonge dans une province qu'on a tous traversée ; mais surtout la peinture d'un pays où la colère gronde est saisissante, l'emballement de citoyens normaux qui franchissent la ligne rouge est effrayant… et terriblement crédible, si on pense à l'actualité.

Pour terminer, l'auteur nous offre une plume soignée qui sait rester fluide et sert le texte, et choisit d'imaginer un espoir à ses personnages.

Roman dense utilisant les IA comme prétexte à une réflexion sur l'impact de nos souvenirs, sur la construction de nos caractères et nos actes, sur la manipulation et l'emballement collectif, ce livre est avant tout un très bon moment de lecture.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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Des souvenirs que l'on modifie ou que l'on vole? L'idée vous parait dingue? Et pourtant Composite vous embarque dans un thriller dont l'intrigue parait finalement tout à fait vraisemblable si l'on considère notre société ultraconnectée d'aujourd'hui. C'est mené tambour battant, avec un propos et une critique bien amenés, c'est fin, c'est juste. Peut-être les personnages auraient-ils gagné à avoir encore un peu plus d'épaisseur mais le résultat est très bon, un roman SF que je recommande sans l'ombre d'un doute.
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Au voleur, au voleur, on m'a volé mes souvenirs !

En tant que lecteur premier degré, la première fois que j'ai entendu le pitch dans La Science CQFD, je me suis posé ces questions :
1. Des objets souvenirs ? Une tour Eiffel en plastique, une fève Mont Saint Michel, une boîte en forme de calisson. Super le pitch, très vendeur, un sujet rarement traité en SF en plus !
2. Des souvenirs modifiés ? du cyberpunk donc. Pas très fan de ce genre et puis j'ai déjà lu/vu Total recall
3. J'ai mal entendu.

Et bien forcément, j'ai mal entendu. Esther réaménage les paysages désormais disparus en essayant de capter leur essence en parcourant les photos que les gens ont prises des lieux, en tentant de retranscrire la chaleur d'un lieu. Un jour, une notification lui montre une ancienne photo de sa jeunesse. Cependant elle ne semble pas coller au souvenir qu'elle en avait...

Nous savons tous que nous nous faisons des films sur notre passé, on enjolive, mais surtout notre cerveau s'amuse à en donner une image parfois complètement fausse. Lorsqu'il s'agit d'un souvenir marquant ou traumatisant, son usurpation peut-elle influencer la personnalité ? Vaste question qui ne semble pas trop intéresser l'auteur qui préfère s'appesantir sur l'enquête pour trouver qui a intérêt à modifier en masse les photos stockées en ligne.

En fait je n'ai trop rien à reprocher à ce roman, si ce n'est une intrigue linéaire et parfois tirée par les cheveux. Mais je n'ai pas accroché ni aux personnages ni à l'histoire. Alors que ce monde futur se veut réaliste, je n'ai pu m'y projeter et cela m'a semblé vide de sens. En outre, le réalisme de cette société future ressemble bien trop à la notre, du copier/coller d'événements récents, autant lire le journal...
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Ce roman m'est difficile à quantifier en degré de satisfaction à la fin de sa lecture.

Il se situe dans un futur proche, déjà à partir de là, c'est troublant, car nous sommes ici en 2035. Soit, dans un peu plus de 10 ans. C'est dans pas si longtemps finalement.

Les photos que nous laissons sur les réseaux permettent de recréer des zones vertes comme autrefois. Je pensais que ça prendrait plus d'espaces dans le roman, c'est ce qui m'intéressait le plus dans le résumé. On survole au début, puis ensuite, c'est l'enquête qui prend totalement l'attention des personnages.

Des vols et des modifications de souvenirs ont lieu. Esther va s'en rendre compte et va chercher le coupable et les raisons. Elle pense que c'est forcément une IA. Les personnalités des personnages semblent changer quand ces souvenirs sont soustraits, modifiés, remplacés. C'est une idée vraiment intéressante ! Cela va d'ailleurs lui créer des problèmes de coeur (je n'ai pas tellement aimé les moments sur le couple, car c'est un peu trop long.).

Par contre, l'insurrection ne m'a pas plus intéressé que ça. Je n'aime pas forcément la politique, ceci explique en partie cela. Parce qu'en soit, c'est bien écrit et le fait de nous parler des gilets jaunes, de la pandémie du COVID, du Bataclan, des personnalités haut placé... Renforce notre réaction face aux événements du roman.

Ce n'est pas de la pure Hard SF avec laquelle j'ai du mal habituellement. Mais ça s'en rapproche un peu, c'est beaucoup plus compréhensible. Pour apprécier à 100 %, il faut toutefois aimer les technologies et la politique.
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facilement qu'un clavier à notre époque. Mais tout cela a un prix lorsque que quelqu'un manipule les souvenirs des gens par le biais d'images modifiées, la catastrophe n'est pas loin.
Une paysagiste virtuelle va s'allier à un policier afin de démêler cette histoire, dans une enquête non officielle sous forme de course contre la montre tandis que le peuple est manipulé et s'en va en guerre contre les politiques et notamment la première ministre, littéralement menacée de mort par le peuple.
L'histoire commence doucement mais la tension monte crescendo pour finir dans une révolution populaire et dans l'urgence comMélange de roman d'anticipation, de techno-thriller porté sur la technologie des intelligences artificielle et de politique, "Composite" nous alerte sur le devenir des I.A. et sur les risques que nous encourons à toujours pousser plus loin notre besoin d'assistanat technologique.
Dans cette histoires par exemple on utilise un casque de réalité virtuelle aussi
plète.
J'ai eu un peu de mal à apprécier le caractère des deux personnages principaux, entre le policier à la ramasse et la paysagiste pas vraiment sympa et surtout ne sachant pas gérer ses humeurs, c'est vraiment le reproche que je peu faire à ce roman.
Le récit en lui-même est intéressant, surtout quand ça commence à bouger et la fin est excellente à mon goût.
J'ai préféré le roman précédent de l'auteur (Les machines fantômes) mais c'est tout de même une histoire à lire si vous aimez les intrigues avec des intelligences artificielles.
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