Voilà un livre comme je les aime : il donne au lecteur l'impression d'être plus intelligent.
C'est un recueil d'articles du pape de l'iconologie, science qui consiste à replacer les images dans leur contexte historique, culturel et esthétique afin de mieux comprendre les intentions de l'artiste et les moyens qu'il a employé pour parvenir à les exprimer.
Et à ce petit jeu,
Panofsky est plus fort que
Sherlock Holmes ! Son arme n'est pas la loupe (quoique), mais une érudition époustouflante. Et, bonheur, il nous livre le fin mot tout rôti, dans une langue claire et didactique. Avec en garniture quelques précisions historiques sur des notions pas si courantes, et même une brève leçon de grammaire latine (dans l'article Et in Arcadia ego qui clôt l'ouvrage).
Il nous explique d'abord sa méthode, comment l'histoire de l'art doit être un dialogue permanent entre l'observation des oeuvres et la recherche historique sur le contexte. Parce que les représentations et leurs significations ont perpétuellement évolué à travers les âges.
Le grand sujet du livre est la Renaissance, il nous raconte donc le progrès des techniques pour améliorer le réalisme des représentations, mais aussi dans l'article fondamental "Artiste, Savant, Génie", la différence qualitative apportée par les Italiens du 14e et 15e siècle. Dans les objectifs et moyens de l'artiste et aussi, en conséquence, dans ses rôle et position dans la société.
Il explicite le changement par rapport au Moyen Âge, tant dans le champs des idées que dans celui des arts. Et alors, il décrit comment cette évolution est différente entre l'Italie et les pays septentrionaux (principalement l'Allemagne et la Hollande). Parce que les contextes à la fin du Moyen Âge sont différents, la redécouverte des Anciens ne s'y déroule pas de la même façon.
L'article sur Vasari (probablement l'inventeur du mot "gothique" dans son sens initialement péjoratif) expose les conflits entre les conceptions. L'article hagiographique sur Dürer expose comment ce dernier les dépasse.
Enfin, les deux derniers articles sont des "études de cas", applications de la méthode à des tableaux postérieurs (de Titien et de Poussin).
Alors, à quoi bon tout ça ? Comme il le dit lui-même, ces études et cette connaissance permettent finalement de mieux comprendre en quoi un tableau ou un peintre est remarquable, et de l'en apprécier davantage.
Pour finir, deux petites notes sur cette édition (Folio Essais). Les représentations de tableaux groupées à la fin sont à peine lisibles, mais il suffit de les retrouver sur internet pour que ça ne soit pas gênant. Et de nombreuses citations courtes en Italien ne sont pas traduites, malgré des notes par ailleurs très complètes. Vu que je parle couramment l'Italien (avec force barbarismes), ça ne m'a pas gêné, mais autant prévenir.
Tout ça ne m'empêche pas de lui laisser ses 5 étoiles, tellement le mélange d'intelligence et d'érudition en fait une lecture indispensable à tout amateur d'art.