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EAN : 9782889496068
296 pages
5 sens éditions (31/03/2023)
4.1/5   5 notes
Résumé :

A Rochebrune, au sein de la belle demeure ancestrale,
la famille Forestier vit ses amours et ses conflits sous
l'oeil souverain de Malinette, la grand-mère et de son fils bien aimé, Max. Une photo de famille idéale.
Mais Alex, l'ainée des filles va recevoir une série de
lettres anonymes dans lesquelles plusieurs femmes
témoignent de leur douleur quand leurs vies sont
soudainement percutées ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Mon Coup de coeur
" le diable de se repose jamais"
Après "la chaise rose de Virgile" et "dentelle et salopette"
Agnès OLLARD publie son troisième roman.

Nous retrouvons sa plume alerte et sensible, cette sensibilité qui touche, émeut, bouleverse, fait jaillir tellement d'émotions et beaucoup d'humour. Une écriture intelligente, talentueuse mise au service de l'humain. A travers sa panoplie de personnages, c'est l'humanité qu'elle nous raconte. Avec profondeur, empathie, indulgence et générosité, elle balaie l'histoire de ce siècle, ses grands bouleversements, ses guerres, ses luttes, ses grandes causes.
J'ai été bousculée, émue par les destins tragiques, la douleur de ces femmes qui ont payé le prix fort, aussi parce qu'elles étaient des femmes.
Ce roman est puissant, poignant. Il fait réfléchir .... et longtemps après l'avoir terminé !

"La veille, le début de journée avait été détendu, presque joyeux. Paul lui avait donné rendez-vous pour déjeuner dans la délicieuse brasserie du Minage. le soleil réchauffait sans brûler et la petite cascade ricochait au milieu du jardin apportant une note de gaité dans cette fin de printemps. Elle avait vu Paul de loin, reconnu son pas allongé et l'élégance de sa silhouette mince. Il avait remonté ses lunettes, cligné des yeux à la lumière et par un geste familier avait passé la main dans ses cheveux blonds. Puis émergeant de cet instant suspendu où on s'abandonne à soi-même, il avait vu sa mère et avait souri. Ces moments étaient rares et Alex en dégustait chaque instant. Accaparé par ses responsabilités à la clinique, Paul bataillait avec un emploi du temps si contraint qu'un papier à cigarettes n'aurait pu s'y glisser. Mais en fait, il aimait cette urgence et tel un soldat, il ferraillait le temps, la maladie, la mort et il forçait la vie. Il n'avait pas le temps pour donner un lendemain à ses amours, pas le temps de l'immobilité, pas le temps pour s'attarder et pour goûter le temps. « Pourtant, ce temps que l'on croit immortel, court si vite ! » Pensa Alex en voyant son fils fendre le jardin à pas vifs pour la rejoindre. Après un baiser bref, comme de coutume, il regarda l'heure sur son portable et Alex le vit calculer le temps. « A quelle heure dois-tu partir ? » demanda-t-elle et Paul gêné, regagna le présent en disant « J'ai le temps ! » 
Il fut délectable jusqu'au café, jusqu'au moment où Max s'invita dans la conversation avec son anniversaire, les cadeaux d'anniversaire et le souvenir des autres anniversaires.  
« Vous faites toujours des histoires. » a dit Paul. 
« Quelles histoires ? » a demandé Alex.  
Alors, le soleil s'assombrit, la cascade, les oiseaux, le printemps et toutes les conneries de familles unies se mirent à grincer. Paul aimait son grand père. Point. Et personne ne pouvait le convaincre que ce Max qu'il admirait, était étranger aux autres. Où lui voyait de la tendresse, les autres ne voyaient que dureté et même cruauté. Deux paradigmes irréconciliables. Deux camps ennemis divisés. En quelque sorte l'amour de Max avait sauté une génération et la déception s'était installée dans l'entre deux. Acerbe, coupante, froide, irréparable, définitive. Oui, le père avait espéré un enfant qui le comble. Alex tout d'abord, jolie et délicate mais si empruntée qu'elle traversa la vie en s'excusant d'être sans grâce et sans talent, alors elle fut sans grâce et sans talent et quoique fasse Max, jamais elle ne leva les yeux vers le soleil et se contenta de regarder la poussière de ses souliers. Puis Léa est venue et Max a cru à la rencontre. Il aima d'abord cette exubérance effrontée qui allait bientôt se retourner contre lui. Elle était une panthère qu'on admire pour sa sauvagerie mais qui ne se laisse ni approcher, ni apprivoiser et encore moins dresser. Puis, il y eut Julien qui allait être enfin celui qu'il attendait. Un autre lui-même, en mieux. Mais ce fut Julien. Ce ne fut que Julien. Timoré et falot. Julien fut le dernier espoir avorté. Julien, mi-fille mi-mâle, mi révolté, mi-consentant, mi-doué, mi-idiot. Julien, demi partout, partout demi. « Comment voulez-vous ? » Disait Max sans pouvoir finir sa phrase, sans pouvoir dire qu'il ne pouvait comprendre et encore moins aimer cette progéniture si peu aimable. Et pourtant pour être juste, Max a essayé. Comme un jardinier maladroit, de toutes ses forces, il a lutté. Il a soigné les greffes, coupé les moignons, taillé les rejets, arraché les mauvaises herbes. Il a biné, brûlé, cisaillé, en vain, ses plantes végétaient. Alex baissait la tête, Léa levait la tête, julien était sans tête et sans couilles. Max avait juste oublié une chose. Il avait oublié une seule chose, l'essence des êtres. Il avait oublié l'eau et la lumière. Alors quand il ne put rien tirer de ces racines malingres qui ne donnaient ni sève, ni fleur, ni fruit, alors le jardinier mit un coup de pied dans la terre stérile et s'en fut dépité s'occuper d'affaires plus gratifiantes. Il s'enferma dans son bureau, ne s'adressant à ces orties qu'en haussant les épaules et en relevant un sourcil nerveux. Qu'Alex épousât ce minable de Pascal et se lançât dans ses romances de gare ne le surprit pas. Que Léa finisse caissière, bleu, blanc, rouge à Auchan ne le gêna pas outre mesure sauf à changer d'épicerie par orgueil. Que julien gribouille des pieds nickelés à longueur de journée fut chose acquise à défaut d'être comprise pourvu qu'on ne lui en parlât pas le dimanche à Rochebrune. Il avait Malinette et l'amour de Malinette, entier et inconditionnel pour le consoler. Puis vint un miracle. Il y eut Paul, ce petit enfant à qui il faisait les marionnettes font, font, font, avec qui il regardait Fort Boyard à la télé et jouait à Spiderman à quatre pattes sous la table. Pourquoi lui ?  …………


« Tu vois bien que même absent, il parvient à nous diviser et à gâcher ce moment. » Dit Alex. 
Sans répondre, Paul regarde son portable, repousse sa chaise et pique un baiser sur la joue de sa mère. 
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Je tiens tout d'abord à remercier Babelio pour la masse critique de septembre dernier et la maison d'édition 5 sens pour m'avoir fait découvrir cette véritable pépite.

Concernant ce livre, nous sommes très rapidement happés par ce style d'écriture hors du commun. Semblable à une mélodie, ce style est une véritable poésie.

Ce livre est du genre épistolaire, où Alex raconte cette histoire ainsi que son histoire à cette amie Paula. J'ai généralement du mal avec ce style d'écriture car j'ai toujours eu jusque-là cette sensation qu'il me manquait des pièces du puzzle. Mais rassurez-vous, pour ceux qui ont également parfois cette impression, cela ne sera pas le cas ici. On a ce sentiment que c'est une amie qui nous écrit, et quel bonheur !

L'histoire en elle-même démarre rapidement, pas de fioritures ici. L'autrice a su apporter le suspense qu'il me faut généralement pour adhérer à un livre. Qui envoie ces lettres et pourquoi ?

Les chapitres sont assez longs (une cinquantaine de pages environ) seulement la manière dont le texte est coupé et le style épistolaire permet de ne pas avoir cette sensation de trop long.

Que vous dire de plus à part que j'ai tout simplement adoré ce livre plein de surprises. J'ai apprécié cette façon de présenter la guerre (mais pas que) autrement, de façon humaine tout simplement.

Je vous laisse avec cette citation en espérant vous avoir convaincu de découvrir ce livre qui pour moi est une véritable pépite !


“Il est deux heures du matin et cette nuit sera peut-être la dernière de la fin du monde tant l'orage au loin roule ses colères. Les éclairs percent les étangs d'arcs d'or et le ciel est si pur, si noir qu'il semble vouloir éteindre la lumière pour toujours. Toutes les étoiles ont filé, tout le vent est tombé, toute la vie s'est tue, nous laissant seuls dans cette éternité.”
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Première participation a une Masse Critique et pour commencer je tenais à remercier Babelio pour cette opportunité et pour ce livre. Malheureusement je ne pourrais pas être aussi enthousiaste sur "Le diable ne se repose jamais"

On partait pourtant d'un synopsis prometteur : une famille de personnage haut en couleur, de mystérieuses lettres anonymes : fenêtres vers d'autres histoires et d'autres époques, un mystères familial sous-jacent... de quoi appâter le lecteur

Malheureusement plusieurs points m'ont sortie de l'intrigue et ont rendue la lecture fastidieuse :
- les changements de narration : les premières pages nous promettent un roman épistolaire à deux ou trois plumes : celle d'Alex l'une des héroïnes et celles des femmes anonymes dont elle reçoit les lettres. Malheureusement l'auteur sort par deux fois de cette logique pour raconter deux charnières de l'intrigue d'un point de vue omniscient. Ce changement casse le rythme et la logique du roman

- le style d'Alex, l'une des principales voix du roman est très verbeux (certains disent poétique, c'est donc affaire de point de vue) et parfois difficile à suivre au vue des nombreuses digressions.

- Quelques fautes d'édition (manque des majuscules par exemple) détachent du propos et empêche la fluidité de la lecture

-Et finalement un point qui m'est très personnel : la méchanceté des personnage entre eux, l'hypocrisie sous-jacente dans cette famille qui ne se révolte jamais, le manque d'héroïsme chez les personnages me m'ont pas plus et ne m'a pas fait vibrer... mais peuvent convenir à d'autres lecteurs.

Un roman mitigé car malgré ses défauts on sent la qualité d'écriture et de scénario. Dommage que cela n'est pas fonctionné pour moi.
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Ce livre nous transporte à travers ces lettres dans le monde de l'énigme et l'Histoire. Tous ces parcours sont passionnants et le dénouement nous pousse à réfléchir sur notre propre destinée. Ce livre pourrait être un véritable scénario pour un bon film. Merci pour ce bon moment.
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J'ai eu l'occasion de lire ce roman dans le cadre de la Masse Critique de Babelio, mais je dois avouer que cette lecture n'a pas du tout été à la hauteur de mes attentes.

L'intrigue elle-même semblait prometteuse au départ, avec ces lettres anonymes et le mystère qui les entourait, mais je m'attendais à un rythme plus rapide et à une meilleure gestion du suspense.

Je n'ai pas été convaincue par le style d'écriture, trop dense et emprunté. de ce fait, j'ai eu du mal à me connecter avec les personnages et à l'histoire en raison de cette prose lourde, prose qui m'a très vite fatiguée.

Le format épistolaire de ce roman, avec Alex racontant l'histoire à son amie Paula, n'a pas fonctionné pour moi. Je n'ai pas réussi à m'investir réellement dans l'histoire et je me suis rapidement perdue entre les pages, cherchant désespérément un dialogue plus dynamique pour maintenir mon intérêt.

En conclusion, "Le Diable ne se Repose Jamais" n'a pas été une lecture satisfaisante pour moi. Je comprends que d'autres lecteurs aient pu apprécier l'approche poétique de l'auteure et la structure épistolaire, mais cela ne correspond malheureusement pas à mes préférences de lecture.

Je remercie Babelio de m'avoir proposé cette lecture, et je ne doute pas qu'elle saura trouver son lectorat, même si personnellement, je n'ai pas accroché à l'histoire.

Lien : https://www.instagram.com/ca..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
14 Mars 1923

A toi maman, je peux dire la vérité et me livrer sans crainte. 

L’écriture permet la distance, mieux encore, le détachement de celui qui s’y livre. A mesure que les mots se dessinent sur la feuille, le réel se décentre et vit sans le conteur. Quel bonheur ! Voilà une impression bien singulière de raconter sa propre histoire et de s’entendre la raconter. C’est à la fois la mienne et une autre ! Une histoire familière sur fond d’étrangeté ! Oui, c’est un sentiment curieux, presqu’effrayant de découvrir des faits en même temps que ceux qui m’interrogent et me jugent. Ils me pressent et m’oppressent et ne me croient pas quand j’affirme que je ne sais pas répondre à leurs questions. C’est vrai et pourtant ils me croient folle. Tous le croient et après tout, peut-être ont-ils raison. Ou tort ?
Mais en fait, quelle importance de savoir s’ils ont raison ou tort, puisque j’ai fait ce dont ils m’accusent. Je me revoie exécuter les gestes les uns après les autres comme si je suivais une actrice jouant dans un film muet qui passe au ralenti ou parfois s’accélère. Au bout d’un moment, je n’y comprends plus rien. D’ailleurs personne ne comprendrait. En revanche, parfois, je revois des gros plans : un visage, la couleur d’un mur, le velours d’une peau. Ce serait comme des photos si nettes, qu’on les croirait réelles. Je vois aussi, cette fille qui bouge, marche, ouvre des placards, referme des tiroirs et je pourrais être elle mais je suis quelque part, en dehors du tableau, assise ou debout à la regarder faire.
Indifférente et silencieuse.
En somme, c’est ce qu’ils me reprochent : ne rien dire, rien expliquer, rien justifier.
Mais, il m’est impossible d’expliquer, ce que je ne sais m’expliquer à moi-même et je jure, sans mentir, ne pas savoir si j’étais moi ou l’autre. Ils me prennent tour à tour pour une menteuse ou une démente ou une simulatrice et quoique je puisse dire ou ne pas dire, c’est pire encore. Maintenant je me tais même si c’est encore pire. Les uns, après les autres, des experts de renom sont venus m’interroger. Ils m’ont posé des tas de questions sur ma vie, ma mère, mon père, ma tante, mon mari, ma fille et surtout les amants que je n’ai pas eus. Ils ont fouillé dans tous les coins, ont retourné les matelas, ont ouvert les placards, les cercueils, ont inspecté les draps, disséqué mes rêves et déterré mes souvenirs. J’ai dessiné, j’ai écrit, j’ai regardé des images et eux me regardaient faire. J’ai tout exécuté avec docilité même quand ils déchiraient l’intime. Ensuite, toujours, ils soupiraient, hochaient, parfois souriaient mais toujours me refermaient la porte au nez sans m’expliquer. Ce sont ces imminents experts qui, maintenant, se disputent et me jurent coupable ou innocente. Tout le monde s’y perd ! Moi la première ! Ces imbroglios rendent l’accusation nerveuse et la défense s’énerve. Et voici, qu’ils me rendent responsable de leur incertitude.
Je devrais savoir si oui ou non, je suis folle et devrais le leur dire.
Comment le saurais-je, pauvre ignorante si la science l’ignore. Je les fixe, ahurie mais mes juges me trouvent arrogante. Je baisse alors les yeux mais ils me disent sournoise et si je les détourne, il parait que je fuis. J’ai tout essayé, je me suis appliquée, debout, assise, en avant, en arrière mais comme rien n’y fait, je ne fais plus rien. Je ne dis plus rien. Je ne nie rien et n’avoue rien. Qu’ils se débrouillent sans moi. Ils veulent savoir si au moment des faits, j’étais présente-absente ou absente-présente. Je te promets que malgré mes efforts, je ne sais pas répondre. Et puisque personne ne le peut, qu’on s’en tienne aux preuves, aux relevés, aux empreintes, aux portes fermées de l’intérieur ou l’inverse et que cessent ces finasseries.
C’est moi, c’est tout, c’est tout moi.
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Oui le père avait espéré un enfant qui le comble.
Alex tout d'abord, jolie et délicate mais si empruntée qu'elle traversa la vie en s'excusant d'être sans grâce et sans talent, alors elle fût sans grâce et sans talent et quoique fasse Max, jamais elle ne leva les yeux vers le soleil et se contenta de regarder la poussière de ses souliers.
Puis Léa est venue et Max a cru à la rencontre. Il aima d'abord cette exubérance effrontée qui allait bientôt se retourner contre lui. Elle était une panthère qu'on admire pour sa sauvagerie mais qui ne se laisse ni approcher, ni apprivoiser et encore moins dresser.
Puis il y eut Julien qui allait être enfin celui qu'il attendait. Un autre lui-même, en mieux. Mais ce fut Julien. Ce ne fut que Julien. Timoré et falot. Julien fut le dernier espoir avorté. Julien mi-fille mi-mâle, mi-révolté, mi-consentant,
mi-doué, mi-idiot. Julien, demi partout, partout demi.
"Comment voulez-vous ?" disait Max sans pouvoir finir sa phrase, sans pouvoir dire qu'il ne pouvait comprendre et encore moins aimer cette progéniture si peu aimable.
Et pourtant pour être juste, Max a essayé. Comme un jardinier maladroit, de toutes ses forces, il a lutté. Il a soigné les greffes, coupé les moignons, taillé les rejets, arraché les mauvaises herbes. Il a biné, brûlé, cisaillé, en vain, ses plantes végétaient.
Alex baissait la tête, Léa levait la tête, Julien était sans tête et sans couilles.
Max avait juste oublié une chose, l'essence des êtres.
Il avait oublié l'eau et la lumière.
Alors quand il ne put rien tirer de ces racines malingres qui ne donnaient ni sève, ni fleur, ni fruit, alors le jardinier mit un coup de pied dans la terre stérile et s'en fut dépité s'occuper d'affaires plus gratifiantes.
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14 Mars 1923 
A toi, je veux bien dire la vérité. C’est vrai, j’ai tué ces pauvres petits vieux. 
Tout a commencé par une petite dame toute douce, toute aimante. 
Voilà maintenant, 13 mois, 9 jours qu’elle est morte sans compter les jours où elle suppliait les médecins de la laisser mourir. Mais voilà, son corps martyrisé et ses larmes n’y purent rien changer. Il fallait attendre le bout de sa souffrance et ils jugeaient qu’elle n’avait pas encore assez souffert. Quand sa chair fut mangée et ses os brisés, quand seul ses yeux ont continué à côtoyer l’enfer, ils ont dit qu’il était encore trop tôt. Puis, lorsque le regard fut éteint, ils ont mis des tuyaux pour qu’elle souffre encore. Encore et encore plus. 
Malgré tout, elle a fini par gagner le combat. Malgré eux. Malgré tout. Elle est partie, en douce, une nuit. Elle a filé comme une fugitive. Elle nous fuyait et me fuyait, moi sans courage d’abréger son calvaire.
J’ai compris qu’il fallait une main pour délivrer les faibles et les souffrants. 
A qui pouvaient-ils demander grâce ? Qui les écouterait ?
J’ai ce jour-là prêté serment.
Je les ai tués un à un de mes mains et accompli ce que je devais faire, avec amour et compassion. Maintenant, je les entends dire que je suis le diable tout puissant. Ils me disent malfaisante et qu’il faut m’écraser pour m’empêcher de nuire. 
Ils me demandent si je regrette. Cette question est plus difficile qu’il y parait. Je regrette les personnes, leurs regards, leurs mains fragiles, leurs sourires parfois. Je regrette leur présence mais ce ne sont que des mots et des atermoiements absurdes. Le sujet n’est pas là. 
Alors quand mes juges me posent la question : « Regrettez-vous ? » 
Je réponds NON. 
 
Ils m’ont condamnée, sans savoir, sans comprendre. 
Ils m’ont condamnée à mort. Hier ! Comme les jambes refusaient d’obéir, ils m’ont trainée au milieu du prétoire pour me lire la sentence et lorsque je me suis affaissée, évanouie, ils ont dit que je manquais de courage. Ils ont dit aussi qu’ils me conduiraient à la guillotine, en chemise, pieds nus avec un voile noir sur la tête. Imagine ! 
Ils ont pris une seule heure de leur vie pour décider de ma mort. Ils étaient douze hommes pour tuer le monstre mais je ne suis pas la bête sanguinaire qu’ils décrivent et toi qui me lis, tu le sais bien. 
Que connaissent-ils de moi, ces jurés cravatés qui détournaient les yeux. 
Ce n’est pas vrai ! Je ne manque pas de courage mais comment ne pas sentir la lame sur ma nuque ? Qui pourrait dormir du sommeil du juste ? Au milieu de mes cauchemars, je sens la souffrance qui monte de mes jambes vers mon cou. J’entends les clous des menuisiers qui montent l’échafaud. Un cri m’étouffe et la terreur ruisselle. J’essaie de rester éveillée. Et je t’écris au milieu de la nuit pour fuir les fantômes et les pendus. Pourquoi, n’es-tu pas venue maman ? As-tu eu peur de ce qui se dirait ? J’ai tant espéré que tu viendrais au cours du procès. J’ai attendu chaque seconde de ces quatre jours où ils m’ont traitée de tout. Tu aurais peut-être pu leur dire que moi aussi je pouvais être douce et aimante.  
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Il est deux heures du matin et cette nuit sera peut-être la dernière de la fin du monde tant l'orage au loin roule ses colères. Les éclairs percent les étangs d'arcs d'or et le ciel est si pur, si noir qu'il semble vouloir éteindre la lumière pour toujours. Toutes les étoiles ont filé, tout le vent est tombé, toute la vie s'est tue, nous laissant seuls dans cette éternité.
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Je me suis taillé les cheveux comme d'autres se taillent les veines car il m'a semblé que seul ce châtiment de honte, me permettrait de vivre, qu'il me fallait faire ce chemin, prendre le temps de la repousse pour reprendre le sens de ma propre vie.
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