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EAN : 9782848766980
393 pages
Philippe Rey (04/10/2018)
3.61/5   128 notes
Résumé :
Institut de neurologie de Darven Park, Philadelphie, 1965. Une jeune chercheuse, Margot Sharpe, rencontre Elihu Hoopes, nouveau patient, qui sera connu plus tard comme E. H., le plus fameux amnésique de l'histoire. Car cet homme élégant de trente-sept ans a été victime d'une infection qui ne lui laisse qu'une mémoire immédiate de soixante-dix secondes : tout le reste est régulièrement oublié, hormis des bribes d'un passé lointain. À chaque fois qu'il rencontre Margo... >Voir plus
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Passionnant et très prenant : encore un grand roman de Joyce Carol Oates. J'y ai retrouvé avec plaisir son style direct, efficace, sa façon si personnelle de décortiquer les tourments de l'âme humaine, son art de ponctuer son récit d'interrogations fréquentes créant ainsi un suspense qui tient son lecteur en alerte jusqu'au dénouement, inévitablement inattendu.

Quelle peut être l'existence d'un homme sans mémoire, ou plus précisément un homme qui ne peut plus se rappeler de nouvelles informations au-delà de soixante-dix secondes, et cela depuis le début de son amnésie survenue à l'âge de trente-sept ans, à la suite d'une infection virale ?
Réponse : cet homme est le prisonnier d'un présent perpétuel. Un homme sans ombre. Il aura toujours trente-sept ans et redécouvre en permanence son entourage, les lieux où il se trouve. de quoi donner le vertige, un vrai cauchemar pour toute personne normalement constituée.

Oui, mais voilà, Elihu Hoopes ( E.H. ), amnésique antérograde, n'en a pas vraiment conscience : son passé est figé et son avenir n'existe pas. Une situation qui ne peut que convenir à une passionnée de neurosciences et de trames alambiquées comme Joyce Carol Oates et où sa finesse d'analyse psychologique donne toute sa mesure.
Si on ajoute qu'il était cultivé, d'une intelligence au-dessus de la moyenne, tous les ingrédients sont réunis pour qu'une jeune doctorante, Margot Sharpe, se passionne scientifiquement puis amoureusement pour ce cas, en fasse le sujet d'études de toute sa vie professionnelle, une trentaine d'années au sein de l'institut universitaire de neurologie de Darven Park, Pennsylvanie.

C'est bien cette relation étrange et secrète entre la jeune scientifique et l'amnésique, mélange subtil voire malsain de curiosité scientifique, d'ambition, de désir amoureux, de pitié parfois, de manipulation aussi, qui est le coeur palpitant du roman. On finit par se demander qui a le plus beau rôle : l'homme sans ombre ou la scientifique ? Qui est le plus fragile ?
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Cette fois encore, Joyce Carol Oates provoque toute mon admiration !
A la tête d'un « roman neurologique, quelque chose qui ne soit pas purement ou exclusivement scientifique, mais aussi spéculatif et même poétique », elle nous emmène ici dans les arcanes du cerveau, celui d'un homme devenu amnésique suite à une encéphalite qui a causé des dommages irréversibles.

Cet homme, « prisonnier d'un présent perpétuel, comme un homme tournant en rond dans des bois crépusculaires, un homme abandonné, qui a subi une perte cruelle » fait l'objet d'une analyse qui durera une trentaine d'années, une analyse du centre de neurologie de Darven Park, à Philadelphie. Son chef incontesté en est Milton Ferris, mais c'est par le biais de sa jeune protégée Margot Sharpe, brillante scientifique, que l'on entrera à pas de loup dans cet univers mystérieux de la mémoire.

« Dans les relations humaines, on ne sait jamais où l'on en est ; dans le travail, on peut noter clairement ses progrès, et ces progrès seront remarqués par d'autres, ses supérieurs.
Elle est la Fille chaste. Elle est celle qui, si vous croyez en elle, ne vous trahira jamais ».
La voilà liée pour la vie, Margot Sharpe, d'abord à Milton Ferris, et puis surtout à E.H, Ehilu Hoopes, cet homme sans ombre.
J'ai appris une foule de choses sur l'amnésie, car Oates ne lésine pas sur les termes scientifiques ainsi que sur le détail de toutes les expériences opérées sur Hoopes, mais j'ai pénétré également dans l'intimité de la chercheuse, non moins ambigüe que celle de son protégé amnésique.
Et c'est là que le génie de Oates éclate !
Quel brio pour mêler la science et l'émotion, la « normalité » et le basculement dans l'obsession et les rêves secrets !
Le roman se limite à l'analyse de deux personnages, le sondé et la sondeuse, si l'on peut dire. Les personnages secondaires gravitent autour d'eux pour les éclairer encore plus. le monde scientifique est décrit minutieusement, accompagné de l'ambition, de la jalousie et des ragots inhérents à toute communauté. La famille, aussi, est évoquée, mais de manière assez négative. Car dans la mémoire lointaine de notre amnésique, surnagent des événements glauques et malsains…

Où est la frontière entre la raison (scientifique, qui plus est !) et les sentiments ? Entre la raison et la déraison ? Entre le rêve et la réalité ? Entre le désir et l'obsession ?
Suivez cet « Homme sans ombre », vous y perdrez, comme moi, tous vos repères !
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La parution d'un nouveau roman de Mme Oates est toujours source de joie anticipée pour moi. J'ai commencé L'homme sans ombre sans même prendre le temps d'en lire le résumé ni aucun avis dessus.

Nous voici dans un récit qui parcourt plusieurs décennies et de concentre principalement sur deux personnages : Elijuh Hoopes et Margot Sharpe. le premier est atteint de graves altérations cérébrales suite à un simple herpès labiale, où le virus a pénétré le système sanguin jusqu'à provoquer une encéphalite. Il souffre désormais d'amnésie rétrograde courte et d'amnésie antérograde définitive. Ses souvenirs plus anciens perdurent ainsi que ses connaissances acquises jusqu'à sa maladie.
Quant à la seconde, Margot, on la voit évolué de doctorante en neuropsychologie à éminente spécialiste de la mémoire et ses altérations. Seule femme à atteindre ce poste alors, un exploit et pas une sinécure face à la concurrence masculine.

Joyce Carol Oates raconte avec brio et beaucoup de recherches tout une partie de l'histoire et de l'évolution des neurosciences. Comment fonctionne le cerveau? Quelles parties concernent la mémoire? Avant scanner et IRM, une part du savoir acquis en la matière reposait sur des vivisections animales ou des expériences sur des patients humains comme Eli, avec batterie de tests réitérés.

Mais le roman de Mme Oates est bien plus qu'un compte-rendu scientifique, aussi passionnant soit-il. Elle s'intéresse à nouveau ici aux interactions entre Margot et ce qu'il faut bien nommé le cobaye humain de l'Institut, E. H. Margot est une femme menue, aux cheveux et aux yeux noirs, brillante et investie, un bourreau de travail. Comment ne pas voir le pendant scientifique de l'auteure, brillante littéraire, silhouette menue à la chevelure sombre et aux grands yeux noirs, d'une grande acuité intellectuelle et acharnée à sa tâche d'écrivain.

Entre Margot et Eli se tisse un lien particulier. Ou plutôt, Margot s'en persuade, amoureuse qu'elle est de cet homme et perdant sur ce point sa froideur logique et sa rigueur scientifique. Joyce Carol Oates aime à décortiquer la psyché humaine et elle nous en livre ici un nouvel exemple magistral où toute la subjectivité de l'esprit humain est présentée sur fond d'études objectives neuropsychologiques. le contraste est d'autant plus saisissant.

Le cerveau et ses mystères étant un sujet qui m'intéresse beaucoup, cette lecture s'est révélée passionnante et immersive. Si l'on y ajoute la patte de l'auteure et sa maestria à raconter la vie de ses personnages, que désirer de plus?
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"Une personne peut-elle être sans ombre ? Sans mémoire, on est comme sans ombre."
Quel talent ! Quel travail, quelle intelligence et quelle finesse !
Une fois de plus (je ne les compte plus), Joyce Carol Oates choisit un nouveau sujet qu'elle décortique et analyse sous toutes ses formes.
Elle le tourne et le retourne pour nous en faire voir les multiples facettes, elle le presse en tous sens pour en faire sortir toute la substance.

Suite à une maladie, Elihu Hoopes est devenu amnésique. Il a oublié son passé et n'est plus capable de mémoriser de nouveaux éléments : sa mémoire ne fonctionne plus du tout.
À travers lui, Joyce Carol Oates nous livre une réflexion riche et passionnante sur les conséquences de l'amnésie.
Si l'on comprend (ou pense comprendre) ce que peux induire pour un homme la perte de son passé, il est difficile de se rendre compte de toutes les répercussions.
Et pourtant !
Sans mémoire, Elihu Hoopes n'a plus de passé... mais il n'a également plus d'avenir.
Comment pourrait-il en avoir un ?
Comment pourrait-il faire des projets alors qu'il oublie tout en quelques minutes ?
Comment pourrait-il tomber amoureux alors que d'un instant à l'autre, il ne reconnaît plus la personne qui est en face de lui ?
Tout au long de l'histoire, Joyce Carol Oates analyse son thème de façon magistrale et nous fait ressentir l'enfermement terrible dans lequel vit son personnage : privé de passé, privé d'avenir et condamné à vivre dans un présent perpétuel dans lequel il est perdu.
Puisqu'il ne mémorise rien, toute personne rencontrée lui est inconnue ; qu'il la voie pour la dixième ou la centième fois, peu importe : pour lui, c'est toujours la première fois.
Puisqu'il ne mémorise rien, tout lieu lui est inconnu : qu'il s'y rende pour la dixième ou la centième fois, peu importe : pour lui, c'est toujours la première fois.
Ainsi va la vie d'Elihu Hoopes.

Mais en fait, a-t-il une vie ? Voilà l'une des grandes questions que pose ce roman.
Au sens biologique, oui : il mange, il respire, il dort. Mais au sens humain ?
Terrible interrogation... et terribles réponses apportées par Joyce Carol Oates. Parce qu'elle ne s'est pas contentée d'infliger l'amnésie à son personnage. Elle en fait un sujet d'étude d'un grand laboratoire de recherche universitaire.
L'Université et ses chercheurs. Tout ce petit monde dévoué corps et âme à la science. Des équipes soudées travaillant d'arrache-pied dans un but commun. Avec conviction, persévérance et abnégation.
Quel tableau idyllique, n'est-ce pas ?
Vous vous en doutez : ce n'est pas du tout celui que dresse l'auteur. Il n'aurait aucun intérêt littérairement parlant, et ne serait pas fidèle à la réalité.
Ce que nous montre Joyce Carol Oates est d'un tout autre acabit et bien plus conforme à ce qui se passe dans un milieu que je connais bien.
C'est corrosif et percutant. Et d'autant plus intéressant que s'y trouve mêlée une réflexion passionnante sur l'éthique. Car les recherches menées ici ne le sont pas sur quelque chose d'anodin : le sujet d'étude n'a rien d'abstrait, c'est un homme. Un homme vulnérable au plus haut point, un homme qui n'a pas conscience de ce qui lui arrive, de ce qu'il est ou de ce qu'il fait.
Dans ces conditions, a-t-on le droit de l'utiliser dans des expériences ?

Joyce Carol Oates m'a entraînée dans un tourbillon géant. J'ai tout aimé dans ce livre que j'ai dévoré à la vitesse grand V : l'histoire, les personnages, les thèmes abordés... le tout avec la patte de l'auteur, cette façon si particulière de nous interpeler, de nous bousculer, de nous pousser à réfléchir.
Tout le talent de Joyce Carol Oates est là dans ce roman qui devient l'un de mes préférés de cette grande dame qui, je l'espère ardemment, sera un jour enfin couronnée du Nobel de littérature.

PS pour ceux qui ont lu Mudwoman : j'ai trouvé de nombreuses similitudes (et j'ai aimé les trouver !) entre le personnage principal, Margot, et la Meredith de Mudwoman. Deux femmes universitaires brillantes et tourmentées. Deux personnalités fortes merveilleusement exploitées par Joyce Carol Oates.
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Une histoire d'amour si étrange... - Est-ce une histoire d'amour?
Coincé dans l'instant présent par son cerveau lésé, sa mémoire à court terme limitée à soixante-dix secondes, Elihu Hoopes vit dans une sorte de hoop, boucle temporelle, un ruban de Möbius qui tourne sur lui-même, à l'infini. C'est toujours la première fois pour lui quand il voit Margot
« Est-ce que vous m'aimez? Est-ce que je vous aime? »
Sans mémoire y a-t-il amour ou jeu trouble, relation tordue, nourris par l'inextricable mélange de frustration, d'ambition, de compassion qui conduisent la brillante et si solitaire scientifique, Margot Sharpe, à passer de temps en temps l'anneau au doigt de son sujet d'étude, le plus fameux amnésique de l'histoire.
« Avec sérieux, E.H. demande: Êtes-vous ma chère épouse? Êtes-vous venue m'emmener chez nous? »
Peut-être pas une « vraie » histoire d'amour, mais en tout cas un portrait de femme complexe, subtil, riche en ambiguïtés et d'une profondeur, d'une pénétration captivante. Avec une acuité psychologique impressionnante, Joyce Carol Oates confronte le côté très rationnel de la grande scientifique, de la « Fille chaste », droguée au travail, aux aspects très troubles de sa vie amoureuse, à son comportement très limite.
A partir d'une histoire étonnante et singulière, l'écrivaine exprime des analyses fines et fortes sur des questions universelles, sur la fragilité et la complexité de l'être humain, sur la question de l'identité.
Il y a beaucoup d'ombre dans ce roman sur « l'homme sans ombre », où l'auteure excelle à explorer nos coins sombres, à creuser dans les profondeurs obscures, déroutantes et fascinantes de la psyché humaine.
« Car la vérité ne se trouve pas à la surface de la terre, tels des bouts de fossiles épars que l'on pourrait assembler à la façon d'un puzzle. La vérité est enfouie, dissimulée, labyrinthique. Ce que voient les autres est généralement surface - superficiel. Le scientifique est celui qui creuse plus profond. »
Assurément, sur ce point, Joyce Carol Oates rejoint son personnage.
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Pour cet homme au cerveau lésé, une grande partie de la vie ordinaire doit être chargée de mystère : où est-il ? Dans quel genre d’endroit ? Qui sont les gens qui l’entourent ? Au-delà de ces perplexités, le mystère plus immense encore de son existence même, de sa survie après une sorte de mort, trop profond pour qu’il s’y appesantisse. Avec une mémoire à court terme très limitée, l’amnésique ressemble à quelqu’un qui approcherait son visage d’un miroir jusqu’à le toucher : il ne peut pas « se voir ».
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Le sujet normal doit, pour envisager l’avenir, mobiliser une certaine dose de souvenirs ; on ne peut prévoir un avenir quand on ne peut se rappeler un passé, car le cyclique, le répétitif entrent pour beaucoup dans notre quotidien. Le seul passé dont E. H. se souvienne est maintenant vieux de plusieurs dizaines d’années, et apparemment il n’y trouve pas de stimulus pour penser à l’avenir.
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Il ne suffit pas d'être brillante quand vous êtes une femme. Vous devez manifestement être plus brillante que vos rivaux masculins : votre «brillance» est votre attribut masculin. Et donc, pour contrebalancer, vous devez être convenablement féminine − ce qui ne veut pas dire instable, versatile ni «douce», mais simplement silencieuse, attentive, prompte à enregistrer les informations, non contestataire, effacée.
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Un principe de la perception : nous voyons ce que nous sommes préparés à voir, non ce qui est. Quoi que nous regardions, nous ne « voyons » que ce que nous acceptons comme visible.
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Tous ces visages ! Il n'y a pas d'énigme plus profonde : pourquoi un être humain doit avoir un visage ; et pourquoi l'identité humaine est-elle liée à ce point au visage. Eli s'interroge sur l'injustice que cela représente. Pourquoi les êtres humains ne se ressemblent-ils pas plus uniformément, comme de nombreux animaux ; quel est l'avantage d'une telle spécificité de l'identité au regard de l'évolution ? Si les êtres humains se ressemblaient davantage, les distinctions de personnalité et de caractère seraient moindres. Une certaine note d'attente désespérée et d'angoisse pourrait s'estomper. (p 212)
(...)
La reconnaissance des visages est une merveille du cerveau humain, qui n'est que partiellement comprise. Il y a une région du cerveau qui se "rappelle" les visages instantanément ; il y aurait des "cellules faciales" spécialisées pour chaque visage connu, un concept que Margot a du mal à saisir, bien que des collègues neuroscientifiques de son département aient tâché de lui expliquer le phénomène. (p 325)
(...)
"La reconnaissance du visage" : le premier acte mental du nourrisson.
Car la survie dépend de cette reconnaissance. C'est le plus élémentaire, le plus primitif et le plus profond des actes humains. (p 365)
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Vidéo de Joyce Carol Oates
Après seize ans de négociations, le réalisateur Stig Björkman a convaincu Joyce Carol Oates, 85 ans, de lui ouvrir les portes de son univers. Portrait sensible de l’immense romancière, inlassable exploratrice de la psyché noire de l'Amérique.
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